Dans La
Campagne, le langage est le lieu où les personnages se disent, se répètent,
cherchent à exister et à se rendre réels, dans une atmosphère à la fois
menaçante et ludique.
Martin Crimp est né en
1956 à Dartfort dans le Kent. Après des études à l’université de Cambridge, il
commence une carrière dedramaturge à l’Orange Tree Theatre de Richmond et écrit
pour la radio. Après avoir obtenu le John
Whiting Award for Drama en
1993, ainsi que plusieurs bourses d’écriture, il fait une résidence d’auteur à
New York, puis devient, en 1997,auteur associé au Royal Court Theatre de Londres.
Ses pièces, reconnues au-delà des
frontières britanniques au
cours des années 1990, dissèquent notre époque contemporaine avec humour et
cruauté. Martin Crimp a déjà traduit et adapté en anglais bon nombre d’auteurs
français parmi lesquels Molière, Marivaux, Genet, Ionesco ou encore Koltès.
Dans une écriture
cisaillée, il délaisse les conventions de la narration, rompt avec les catégories
théâtrales et se place ainsi comme un auteur post-dramatique. C’est en ces termes
qu’il qualifie le métier d’écrivain : on écrit parce qu’on aime ça ou parce qu’on
a la nécessité de le faire ; les jours sans, aussi, vous font comprendre que
vous êtes écrivain.
En 2002, il est joué au
Théâtre National de Chaillot (Le Traitement, mis
en scène par Nathalie Richard), en 2006, il est à l’honneur lors du festival d’Automne
à Paris. L’univers de M. Crimp est ancré dans le concret du réel et en même
temps, toujours sur le fil, pourtant il est toujours prêt à dérailler et à s’abîmer
dans l’absurde. Devenu un auteur majeur, ses pièces sont traduites et jouées
dans de nombreux pays d’Europe, notamment
en France, en Suisse et en
Allemagne, parmi elles :
Probablement
les Bahamas (1987), Pièce
avec répétitions (1989), Personne
ne
voit
la vidéo (1990), Getting
Attention (1991), Le
Traitement (1993), Atteintes
à
sa
vie (1997), Claire en affaires (1998),
La Campagne (2000),
Face au mur (2002),
La
Ville (2007), Play
House, Tendre et cruel (2004), Vaclav
et Amélia, La Pièce et
autres
morceaux, Written on Skin (livret d’opéra de George Benjamin) (2012), Dans la
République du bonheur (2013)…
Crimp
et les auteurs britanniques : contexte
En Grande-Bretagne, à la
fin des années cinquante, La paix du dimanche (1956)
de John Osborne est prise comme emblème par les «jeunes gens en colère» , les
«angry young men». Les auteurs de cette époque–là utilisent le cynisme comme
arme littéraire pour critiquer la société anglaise.
Dans les années soixante,
les dramaturges de l’absurde voient, selon d’Eugène Ionesco, «l’homme comme
perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées, absurdes, inutiles ».
Beckett devient un des chefs de file de ce théâtre où des dialogues décousus et
sans suite n’ont d’autre effet que de confirmer la fatalité qui domine les êtres
et qui les fige dans une permanence définitive, sans passé et sans avenir.
Les années 70-80, donnent
naissance à une génération d'écrivains dont les pièces sont fondées sur le
miroitement d'une vérité insaisissable. Harold Pinter écrit des pièces sur des relations
inexpliquées, avec un humour inquiétant, et le polémique Edward Bond dénonce de
façon implacable la violence du monde moderne. À leur suite, Sarah Kane
témoigne dans ses pièces de son mal de vivre et de ce même monde violent. Elle
s’inscrit dans le mouvement «In yer face theatre», le théâtre coup de poing, ou
théâtre de la provocation.
Dans les années 90, le
théâtre de Martin Crimp aplanit les excès, mais ses comédies de l’absurde,
limpides et complexes laissent entrevoir la folie des personnages. Ils sont
sans cesse occupés par la pensée et l’effort de rechercher le mot juste.. Ses
pièces sont des partitions musicales. A travers les mots et une écriture
fragmentaire, Martin Crimp fait planer le deuil et l’absence sur un plateau
ouvert à l’au-delà.