extrait air de Figaro
Le décor amovible de Jean-Marc Stehlé, bien éclairé par Geneviève
Soubirou, s'ouvre sur un désert au milieu duquel est plantée une
forteresse, où Bartolo tient captive sa pupille Rosine. C'est à
l'intérieur de la citadelle que se déroulera l'action, jusqu'à ce que
Rosine la détruise pour retourner dans le désert qui se transforme en
florissante oasis.
Interview de la metteur en scène
Comment
avez-vous conçu cette mise en scène du « Barbier de Séville » ?
Coline Serreau. L'histoire se passe à Séville, à l'époque où la ville était
arabe. Ce n'est pas un hasard si la légende de l'enfermement de Rosine est née
ici. C'est en Espagne que la prégnance de l'intégrisme musulman d'abord, puis
catholique ensuite, a été la plus forte. Le décor est conçu comme un chemin :
Rosine part du désert, puis de la maison de son tuteur où elle est enfermée,
elle va vers un monde libre et adulte.
On retrouve ici votre engagement auprès des femmes ?
L'engagement auprès des femmes, ce n'est pas le mien, c'est celui de Rossini,
et très nettement, celui de Beaumarchais. C'est le récit de la libération d'une
femme, ce n'est pas moi qui l'invente. La différence tient au fait que je vois
aujourd'hui Rosine non plus en corset, comme au XVIII e siècle, mais en burqa,
cette robe de toile qui emprisonne les femmes afghanes, et dont elle va peu à
peu se libérer.
Quand avez-vous imaginé cette mise en scène, très marquée par l'actualité
internationale ?
Bien avant le 11 septembre, car Hughes Gall, le directeur de l'Opéra, me
demande de monter « le Barbier » depuis plus de dix ans. Je lui ai remis la
maquette du spectacle il y a un an et demi. La situation des femmes dans le
tiers-monde et dans le monde arabe est un drame intolérable. Il n'y aura pas
d'issue pour ces pays sans la libération des femmes.
Ce n'est donc pas une version comique de l'opéra-bouffe ?
L'histoire de Rosine est loin d'être drôle. Il y a dans Beaumarchais un côté
vital qui fait qu'on passe par-dessus les difficultés de la vie, mais les
destins humains qu'il décrit sont contradictoires, et pas seulement comiques.
Le comique pour le comique ne m'intéresse pas. Dans « Trois Hommes et un couffin
», les gens ont pleuré, et dans « Chaos », qui était un film dur, on riait
beaucoup dans la salle. Le monde est fait ainsi. Il passe en permanence du rire
aux larmes, comme nos vies.
Quel est le lien entre l'opéra et votre métier d'actrice et de réalisatrice ?
Un bon opéra, c'est d'abord un bon scénario. L'opéra devient vraiment génial
quand la musique et le texte sont réussis, comme dans « les Noces de Figaro »
de Mozart et dans « le Barbier de Séville » de Rossini, deux pièces du même
auteur, Beaumarchais. Mais l'alchimie est rare.