mercredi 18 avril 2018

Figaro Divorce mise en scène de Christophe Rauck( Suite 2)



La première scène de la pièce, c’est-à-dire le passage par la forêt pour fuir la révolution.
Au moment où les spectateurs entrent dans la salle, ils peuvent voir une façade et un mobilier qui rappellent l’Ancien Régime. Certains éléments de ce mobilier sont renversés, comme un premier signe du bouleversement engendré par la Révolution. Puis, la toile disparaît, comme si le château des Almaviva était détruit. Christophe Rauck choisit de montrer la fin d’un monde ancien par l’intermédiaire de la scénographie. La musique permet aussi d’évoquer la révolution puisque l’air de Chérubin dans les Noces de Figaro, « Voi che sapete », est entendu au lointain, comme s’il devenait un chant révolutionnaire entonné dans le pays que quittent les personnages. Une forte lumière éblouit le spectateur avant de le plonger dans le noir, dans cette nuit complète que vont traverser les personnages ; ces derniers cherchent leur chemin au milieu d’une nuit d’encre et seule la lueur de la lune projetée sur l’écran du fond vient les éclairer faiblement. Un cerf, rappelant le monde sauvage de la forêt, apparaît en ombre, faisant écho à la mise en scène du Mariage de Figaro de Christophe Rauck à la Comédie-Française. Dans les croquis préparatoires de la scénographe, on peut voir en gros plan, sur l’écran du fond, le visage de la Comtesse. Même si cette idée n’a pas été retenue au moment de la création de la pièce, les indices qui nous sont donnés sur ce personnage peuvent nous éclairer sur les partis-pris du metteur en scène. En effet, la Comtesse apparaît sous un jour lunaire et tient autant du personnage de Pierrot que du personnage joué par Marlène Dietrich dans L’Ange bleu de Joseph Von Sternberg ou encore de la Mort dans Le Septième sceau de Bergman (ces références apparaissent dans les croquis pré­paratoires de la scénographe du spectacle, voir « Annexe 12. Croquis et documents d’inspiration pour le tableau 1 de l’acte I », page 42). Cette première scène annonce déjà la mort de la Comtesse après l’exil. Cette dernière va, en effet, subir une dégradation physique et mentale. Il est question de ses hallucinations dès le deuxième tableau dans les propos de Suzanne : « La pauvre comtesse ne trouve pas l’apaisement, on lui a fait une piqûre, mais elle entend des bruits de pas et se croit tout le temps poursuivie » ; on apprend au tableau 4 qu’elle a fait un séjour en sanatorium durant sept semaines ou plutôt dans « un asile de fous pour les gens de la haute » d’après Figaro, et son vieillissement prématuré est indiqué à travers la didascalie du tableau 2 de l’acte II : « Ses cheveux ont blanchi » ; elle semble dépérir à chaque nouvelle apparition. La fourrure qu’elle porte dans cette première scène deviendra une couverture dans le deuxième acte. Christophe Rauck fait d’elle une figure éthérée, lunaire, plongée dans l’enfer nocturne de la forêt comme s’il s’agissait d’un mauvais rêve, car elle représente aussi la fin d’un vieux monde, celui de l’Ancien Régime, qui n’est plus qu’un fantôme. Qu’il s’agisse des croquis préparatoires ou de la mise en scène définitive, on peut percevoir un travail sur l’onirisme dans cette scène.A partir du moment où la façade du palais – qui pourrait symboliser l’Ancien Régime, ce monde qui s’effondre au moment de la Révolution, mais qui renvoie aussi à un certain type de théâtre, ancien, qui utilise un « décor » fait d’une toile peinte – disparaît au tout début de la représentation et que le spectateur est plongé dans la nuit, un nouveau dispositif scénique, moderne, se met en place.