Rôle dramaturgique du
chœur dans la mise en scène d'Ingmar Bergman:
Le chœur met en scène
la religion dionysiaque
Chacune des 14 femmes qui composent le chœur a reçu une
lettre grecque et ont lui a inventé une histoire, des relations particulières
au sein du groupe, une origine géographique ( une carte indique d’ailleurs leur
déplacements depuis la Bactriane, la Médie, la Phrygie ou la Thrace), de quelle
façon elles sont entrées chacune dans le ménadisme. Allier destinée
individuelle et comportement collectif. Textes des chants dits par une ou
plusieurs bacchantes individuellement ou en chœur, déplacements eux collectifs.
Chœur a une présence collective très forte ( version filmée
gros plans) loin de la conception antique où tous les choreutes portaient le
même costume et masque
Transe dionysiaque permettait une relation individuelle avec
le dieu aussi. Transe frénétique qui peut aller jusqu’à l’hystérie individuelle
de l’adepte, mouvements de danse d’abord mesurés, gestes de délire sous
l’impulsion d’une musique de plus en plus obsédante. Sommet de la parodos quand
doublure de Dionysos sort de l’armoire, le choeur se roule ar terre en tendant
les mains vers lui. Puis agitation individuelle, femmes éparpillées dans
l’espace.
A l’opposé de la frénésie de la parodos, le 1er
stasimon montre l’autre face de la religion dionysiaque : douceur de la
relation fusionnelle au dieu, paix de la conscience qui a atteint à la
connaissance de l’Autre
Bienfaits de Dionysos vs hybris du tyran, moment de calme et
d’harmonie après la violence de Penthée contre Cadmos et Tirésias en les jetant
à terre et en les matraquant. Double de Dionysos sort de l’armoire dès la fin
de la strophe et descend de l’estrade pour s’intégrer au cercle des Bacchantes
dans un mouvement de bercement et de balancement de l’ensemble du chœur.
Relation sensuelle au dieu par des caresses et la fusion des corps ;
échanges individuels des regards, face à face avec la divinité. Chaque
bacchante rejoint personnellement son dieu en se perdant dans la contemplation de
son masque ; musique douce, bien être du choeur. Brisé par l’arrivée
brutale des gardes de Penthée qui installent le fauteuil royal à l’avant scène
juste devant les bacchantes obligée de fuir vers l’estrade où le double du dieu
les protègera de ses bras étendus en croix, scène d’adoration : effet
d’illusion : illusion de l’amour de Dionysos pour ses adeptes, mais idole
vide, illusion de sa bonté et de ses bonnes intentions à leur égard alors même
qu’elles ne sont que l’instrument de sa vengeance.
Chœur = spectateur
privilégié
4 scènes de récit décrivent les miracles provoqués par
Dionysos qui ne peuvent être vus sur scène : deux récits des agissements
des thébaines sur le Cithéron, de l’évasion du Lydien que Penthée a pris pour
un taureau et du meurtre de Penthée rôle essentiel du chœur en tant que
spectateur : unique destinataire du récit, le place dos au public à
plusieurs reprises, obligeant le public à s’interroger sur son statut.
Lors du récit de la mort de Penthée le chœur se lève et
semble vouloir faire subir au messager le même sort que Penthée :
processus d’identification du spectateur aux acteurs du drame ;
Deux scènes orchestrées par Dionysos semblent se répondre en
miroir : celle où le Lydien rapporte son évasion à son thiase enthousiaste
assis en cercle devant lui : mime en partie les actions, réactions de
rires et applaudissement du chœur au récit des hallucinations du roi. Le
spectacle organisé par Dionysos pour le chœur fait oublier la violence dont
elles ont été victimes pendant la destruction du palais. Illusion théâtrale
construite essentiellement sur la parole prélude à la véritable mise en scène
de l’aveuglement de Penthée où le personnage viendra jouer son rôle pour le
chœur.
et celle où il
arrange le déguisement de Penthée.
Le « public » attend l’entrée du roi cf Penthée
sors du palais, et viens t’offrir à notre vue en toilette de femme, en ménade,
en bacchante… »
Ironiquement celui qui veut être spectateur du culte
bachique et qui va bientôt en être participant malgré lui est d’abord un acteur
qui joue un spectacle : Penthée occupe le centre de la scène pendant que
les bacchantes sont assises face à lui dos au public Penthée qui veut voir à la
vision troublée ; il ne peut distinguer ni Dionysos ni lui même ni les bacchantes
qu’il a sous les yeux mais qu’il espère épier au Cithéron
Chœur à l’origine de l’épiphanie dionysiaque
Chœur ne se contente
pas de regarder l’action et de la commenter, rôle actif dans la montée de la
tension dramatique en réclamant et provoquant le déchainement de la violence
divine d’abord sur le palais de Penthée puis sur sa personne.
Puissance magique
2ème stasimon : chœur répond à la menace
proférée à son encontre par Penthée ; Bergman n’a gardé que l’antistrophe
où les Bacchantes reviennent sur l’hérédité monstrueuse de Penthée et appellent
Dionysos à venir les venger. Rôle du chœur dans la destruction du palais :
investit l’espace scénique horizontalement et verticalement, coryphée est
debout sur une pierre en avant scène, d’autres femmes derrière lui assise, à
genoux, debout, d’autres en arrière plan sur l’estrade autour du double de
Dionysos. Prise de pouvoir du dieu sur l’espace thébain appel au dieu les bras
tendus vers le ciel.
Prière du chœur suivie d’effet, dieu qui répond en voix off,
extraordinaire, les bacchantes demandent l’identification de cette voix :
cf théâtre antique personnage seulement reconnaissable à son masque pas à sa
voix, identifiable par quelqu’un qui voit.
Tension soulignée par l’éclairage : pénombre, puis
lumière rouge, dès que les phénomènes surnaturels débutent, le double entre
dans l’armoire pour réapparaître sur le toit : armoire image du palais
secoué de tremblements, ambigüité dans la réaction des bacchantes : elles
ont appelé le dieu et pourtant sont épouvantées par les conséquences de leur
prière, s’enfuient en hurlant côté cour mais des éclairs les contraignent à se
réfugier au centre en formation pyramidale autour de l’une d’entre elles qui
paraît pouvoir canaliser les forces surnaturelles de son bras levé, geste identique
à celui du double sur l’armoire. Morceaux de décor qui s’abattent autour
d’elles : boules gigantesques traversant la scène, poutre enflammées, se
jettent à terre conformément au texte.
Vous trouverez quelques photos de cette mise en scène sur le site de mes collègues de Théâtre en Nord
Vous trouverez quelques photos de cette mise en scène sur le site de mes collègues de Théâtre en Nord