CDN d'Orléans
Avec son titre référant à l’œuvre classique Les Suppliantes d’Eschyle (Die Schutzflehenden en allemand), Jelinek donne une voix aux demandeurs d’asile et dénude d’une plume trempée dans le vitriol le cynisme et le racisme latent de la politique européenne. Son texte peut être qualifié de prophétique : elle évoque avec une précision glaçante – des années avant les faits – toutes les images qui se sont entre-temps gravées sur notre rétine, et qui vont des petits cadavres d’enfants noyés à celles des lugubres cargaisons des camions frigo.Jelinek a tendu l’oreille à une société en crise. Son texte polyphonique donne aussi bien la parole au demandeur d’asile qu’à l’Européen blanc apeuré, parfois dans un écheveau inextricable. Ainsi, nous entendons les désirs, les espoirs et les chagrins des réfugiés, leur périple semé d’embûches, leur arrivée difficile et la dure réalité à laquelle ils font face en Europe, mais aussi les préjugés, les peurs, l’agressivité et les frustrations des Européens qui ne savent pas que faire ni comment réagir à l’arrivée de tous ces migrants.Face au flot de paroles de Jelinek, Guy Cassiers n’insère pas seulement des images dans sa mise en scène, mais également la présence physique de danseurs. À leur manière, les corps des danseurs représentent le voyage périlleux, pénible et la situation désespérante des demandeurs d’asile.À l’étranger, ce texte de Jelinek a le plus souvent été mis en scène avec des demandeurs d’asile interprétant leur propre rôle. Guy Cassiers considère que le spectacle traite peut-être en premier lieu de la façon dont le théâtre peut se rapporter à la question des réfugiés : des comédiens peuvent-ils incarner sans plus des demandeurs d’asile ? Un spectacle de théâtre peut-il représenter leur récit ? L’art peut-il s’approprier leur expérience en tant que « thème » ?
Interview du metteur en scène Cassiers avec quelques extraits.