Qui es-tu Roberto Zucco ?
Voilà une question en vis sans fin. Qui est cet homme, le seul personnage de la pièce ayant un nom ? Ce nom qui est d’ailleurs pour lui une obsession. Ce nom qu’il ne peut dire car s’il le prononçait il en mourrait.
Ce nom qu’il doit répéter sans cesse pour ne pas l’oublier.
Ce nom qu’il n’arrive plus à lire et qui emporte avec lui sa mémoire. Qui
est-il, cet être qui se veut transparent, aussi transparent qu’une vitre ou
qu’un caméléon sur une pierre ? Est-il le produit d’une société devenue
folle ? Un irresponsable transformé en tueur par la violence du
monde ? Un martyr de la société prisonnier de son hagiographie ? Bien
sûr nous savons que Bernard-Marie Koltès s’est inspiré de Roberto Succo, le
tueur en série Italien qui sévit en France et en Suisse d’avril 1987 à février
1988 et pour qui il sembla avoir une grande fascination.
Qui es-tu Zucco ?
Es-tu un Chronos dévorant le monde ? Ou comme le dit Koltès « un
personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force,
abattus finalement par un caillou ou une femme » ? Qui es-tu ? Un
assassin psychopathe ? Un séducteur halluciné ? Une bête furieuse et
sauvage ? Un train qui a déraillé ? Une voiture qui s’est écrasée au
fond d’un ravin ? Un hors norme ? Es-tu comme le dit Koltès « Un
assassin automatique » ? Une figure de la transgression
sociale ? Un héros marginal impulsif et sans aucune pitié défiant la
société ? Ou alors peut-être es-tu un Icare meurtrier fasciné par le vol
libre des oiseaux ? Un hippopotame de chair tremblante ? Un fou épris
d’une telle volonté de puissance qu’il peut s’imaginer faire l’amour avec le
soleil ? Un corps sans identité, morcelé, qui va de la plus grande démesure
à la plus naïve douceur ?
Ce qui est certain, c’est que tu te dérobes à toute logique,
à toute rationalité, à tous raccourcis psychologiques. Il y a trop de lumière
en toi pour que tu sois visible et capturé par une seule vérité. A moins, et
nous en faisons l’hypothèse, que tu ne sois qu’un virus ! Une saleté de
virus mortel ! Une unité matérielle indépendante, accomplissant ce
pourquoi elle est programmée et qui pour exister doit infecter une cellule hôte
afin de jouir de sa machinerie pour subsister. Un parasite intracellulaire
obligatoire pour lequel il n’y a pas de vaccins. Tu ne serais donc pas un être
vivant mais une association monstrueuse de molécules biologiques issues de la
même soupe primordiale que les hommes.
Mais toi, tu aurais évolué parallèlement à nous. Tu serais
un être très ancien et diaphane qui infecterait ce monde épuisé qui n’a plus
les moyens de se défendre. Tu serais le vecteur naturel de notre haine, de
notre animosité prédatrice. Un virus apocalyptique attaquant une sociéte dont
les défenses immunitaires ne peuvent plus discerner le soi du non-soi. Et ton
pouvoir pathogène serait si important que la fièvre morbide que tu provoques
deviendrait au dernier stade une surchage érotique. Zucco est un virus !
Peut-être l’image miroir de ce virus qui dévora Bernard-Marie Koltès et que
celui-ci enferma dans une dernière pièce à la beauté fabuleuse.
L'impossible amour dans Roberto Zucco
Il existe un dessin qui s’impose comme étant au cœur de Roberto Zucco, c'est l'amour impossible, et son corollaire pour le jeu : la lutte pour l’amour. Tous les personnages, à des degrés divers et avec des formes très différentes, essayent furieusement de s’aimer, sans presque jamais y parvenir. Ce motif de l’amour impossible est présent dans toute l’œuvre de Bernard-Marie Koltès. Que l'on pense à La nuit juste avant les forêts, où celui qui parle cherche l'amour de celui qui écoute, à Combat de nègre et de chiens, qui relate l'amour contrarié entre Cal et Léone, les exemples sont multiples. Mais jamais peut-être cette dimension n’avait été explorée de façon aussi complète par l’auteur et n’avait atteint un tel degré d’incandescence.
L'impossible amour dans Roberto Zucco
Il existe un dessin qui s’impose comme étant au cœur de Roberto Zucco, c'est l'amour impossible, et son corollaire pour le jeu : la lutte pour l’amour. Tous les personnages, à des degrés divers et avec des formes très différentes, essayent furieusement de s’aimer, sans presque jamais y parvenir. Ce motif de l’amour impossible est présent dans toute l’œuvre de Bernard-Marie Koltès. Que l'on pense à La nuit juste avant les forêts, où celui qui parle cherche l'amour de celui qui écoute, à Combat de nègre et de chiens, qui relate l'amour contrarié entre Cal et Léone, les exemples sont multiples. Mais jamais peut-être cette dimension n’avait été explorée de façon aussi complète par l’auteur et n’avait atteint un tel degré d’incandescence.