La
nudité subversive du Body Art :
Le Body Art, dans son acception américaine, se nomme Art
corporel dans son versant européen et s’est développé après la seconde guerre
mondiale. Il est une forme d’intervention dans laquelle l’artiste fait œuvre de
son corps lors d’une performance publique. Dans le contexte de la guerre du
Vietnam, des conflits idéologiques entre Est et Ouest, de l’émergence du
féminisme, des mouvements étudiants puis LGBT, le Body art des années 1960-1970
met en jeu à travers le corps la tension entre le carcan moral imposé par la
société et les possibilités d’épanouissement individuel, en questionnant
l’identité sexuelle, les relations hommes/femme, les relations
intergénérationnelles. C’est le sens de l’actionnisme viennois. Dès 1960, les
autrichiens Otto Mühl, Hermann Nitsch et Günther Brus, puis Rudolf
Schwartzkogler mettent le corps nu au centre de leurs actions dans des
happenings hautement transgressifs pour la société répressive autrichienne
d’alors: cérémonies orgiaques, blasphèmes, dépeçages d’animaux, mutilations
symboliques ou réelles du corps, projection de sécrétions corporelles (sperme,
sang, urine, excréments). Les performances de la féministe Valie Export
s’inscrivent également dans ce mouvement.
Puis le BodyArt s’est attaché à sonder les limites
ducorps par des actions vécues comme cathartiques, à travers la douleur, la
mise à l’épreuve de la résistance physique et jusqu’à la mise en danger de soi.
Des automutilations de Gina Pane aux blessures de Marina Abramovic, en passant
par les performances spectaculaires de Chris Burden, Journiac, Ron Athey, ou
encore de Bob Flanagan, le corps nu est soumis à la brûlure, aux aiguilles,
épines, pistolet chargé, scalpel, lames, tessons de verre, au fil barbelé. La
nudité atteint ici la profondeur de la chair souffrante.
Enfin, un tournant «post-humain», pris à la fin des
années 1990, achève d’objectiver le corps jusqu’à le disqualifier. Matière
obsolète, il doit désormais être transformé et amélioré grâce à la technologie
informatique, biologique et génétique: morphing, transplantation d’organes,
manipulations hormonales, chirurgie en direct, etc. L’artiste «Made in Eric»,
intégralement nu et rasé, fait de son corps un ready made4: objet utilitaire du
quotidien, chaise, vêtement. Orlan redéfinit le design de son corps à l’égal de
l’ADN et de Dieu comme elle le dit5. Hors des normes esthétiques en vigueur,
elle se fait poser par exemple des bosses frontales. Ses performances dans
lesquelles elle subit des opérations de chirurgie esthétique en direct, avec
des caméras de bloc opératoire filmant tandis qu’anesthésiée localement, elle
lit des textes, ont marqué la performance française des années 1990-2000.
Sterlac, quant à lui, se suspend par la peau à des crochets ou se fait greffer
une troisième main cyborg.
Le Body Art met en scène la nudité afin de déconstruire
les normes sociales et morales du corps et assume d’être objet de dégoût. Ce
faisant, dans sa nudité singulière, l’artiste traite son corps en chose sur
laquelle agir, mais avec la volonté du sujet(libre et singulier) :
l’intentionnalité est entière, l’histoire de son corps est partie prenante du
processus, l’effet visé et produit sur le public est la prise de conscience par
le choc.
Comédiens et artistes de body art : Tous deux se
présentent devant un public dans un espace dédié à leur performance et
pratiquent un art cathartique. La performance est en revanche souvent unique
chez le premier, répétée chez le second. L’engagement du corps et leurs
objectifs diffèrent sensiblement: d’un côté l’artiste ne joue pas un rôle, il
présente une action, de l’autre, le comédien joue un rôle dans une
représentation suivant un code de jeu et un système de signes élaboré par la
mise en scène.
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