Lors du cours sur la captation, j'ai évoqué cette oeuvre du philosophe Walter Benjamin, ami de Bertold Brecht: comment la reproduction des oeuvres d'art leur fait perdre leur aura...mais les rapproche des masses.
En savoir plusL'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique
Que devient l’œuvre d’art dans cette nouvelle ère technologique demande Benjamin.
L’ancien rapport religieux de recueillement devant une œuvre unique est modifié, par la survenue d’un art reproductible et qui s’adresse par nature aux masses, tel la photographie et le cinéma.
Pour sa thèse, Benjamin développe le concept d’aura pour nommer le caractère unique de l’œuvre d’art, son Hic et nunc, ici et maintenant, il s’interroge sur le déclin de l’aura.
Que devient alors l’aura d’une œuvre d’art ? Qu’advient-il de sa valeur cultuelle ? Comment passe-t-on de la valeur cultuelle à la valeur d’exposition d’une œuvre ?
Benjamin s’attache ensuite à définir ces nouveaux arts que sont la photographie et le cinéma et leur incidence sur la peinture, dans une société de masse.
Il s’interroge aussi sur le contexte fasciste de son époque, et l’existence d’une esthétique fasciste, qu’il nomme esthétisation de la politique qu’il entend combattre par une politisation de l’art.
La réflexion de Benjamin sera ici essentiellement analysée en trois parties, avec quelques commentaires portant sur la portée historique et l’actualité de la critique de Benjamin :
- Le concept d’aura et les valeurs attachées à l’œuvre d’art : Valeur rituelle, valeur cultuelle, valeur d’exposition. (Chapitres 1 à 5).
- Dans une société de masse, l’avènement de la photographie et du cinéma et ses conséquences sur la peinture (Chapitres 6 à 14).
- Esthétisation de la politique ou politisation de l’art. (Chapitre 15).
Qu’est-ce que l’aura d’une œuvre d’art ? Selon Benjamin, c’est ce qui fait son caractère unique, son authenticité. C’est son Hic et nunc, le ici et maintenant qui en fait un objet unique et irremplaçable. Pour illustrer son propos, Benjamin compare l’aura d’une œuvre à l’émotion ressentie devant un paysage, le spectateur sait qu’il s’agit d’un moment unique qu’il ne pourra plus jamais retrouver à l’identique. Benjamin le décrit ainsi « On pourrait la définir comme l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il. Suivre du regard, un après-midi d’été, la ligne d’une chaîne de montagnes à l’horizon ou une branche qui jette son ombre sur lui, c’est, pour l’homme qui repose, respirer l’aura de ces montagnes ou de cette branche. » (p 19).
Si les œuvres d’art ont toujours été reproductibles que ce soit par exemple les élèves recopiant leurs maîtres dans les ateliers de peinture ou les bronzes, terres cuites et monnaies grecs reproduits, Benjamin se demande ce qu’il advient de l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. En effet le développement de la photographie et la naissance du cinéma démultiplient de façon complètement nouvelle et illimitée les anciennes possibilités de reproduction des œuvres d’art. Avec la photographie, constate Benjamin, « la main se trouva déchargée des tâches artistiques les plus importantes, lesquelles désormais furent réservées à l’œil rivé sur l’objectif » (p 11)
Avec la reproduction technique des œuvres d’art par les moyens de la photographie et du cinéma, Benjamin prédit la fin de l’aura et un bouleversement complet des conditions de production et de réception de l’œuvre d’art dans une société désormais de masse : « car rendre les choses spatialement humainement « plus proches » de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout autant passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa reproduction. » (p 20).(...)