La décennie 1660 : contexte historique culturel et théâtral
Première moitié du 16ème siècle : entrée des femmes au théâtre, comme actrices (professionnalisation en 1629) mais aussi comme spectatrices. « purifications des lettres et du théâtre voulue par Richelieu, idéologie de la galanterie.
Molière gouverné par les idéaux de la galanterie, nouvelle norme féminine issue des salons.
Actrices et spectatrices : féminisation des œuvres elles-mêmes : actrices apportent des possibilités de nouveaux rôles et personnages, nouvelles façon de s’exprimer. Auteurs écrivent pour des femmes donc autres thèmes que seulement honneur et épées, importance de l’amour. Cf comédies pour la cour de Corneille, tragédies de Racine avec des noms féminins comme titres, code galant dans la façon de s’exprimer.
Règle de la « bienséance » qui révèle l’attention au public et à ses goûts : œuvres plus chastes, pas de violence au plateau.
1650 roman héroïque de Mme de Scudéry Le Grand Cyrus : modèle de conversation galante.
Promotion de la comédie qui propose une vision plus réaliste et modérée de l’homme, conscient de ses limites.
T = alors instrument d’émancipation : accès à la culture, on s’y instruit, on en discute. Actrices = autonomie financière, spectatrices qui ont le smoyens, élite,
T = lieu du paraître donc rayonnement social
Prostituée, entremetteuse ou courtisane :
17me siècle : chasteté, silence, obéissance, réclusion = valorisés comme vertus féminines.
Accusation de prostitution pour une femme qui se montrait à la fenêtre. Donc être actrice très mal considérée et aller au T aussi pour une femme. Métier considéré comme émanation de l’esprit séducteur, du diable… caractérisée par la sexualité, donc fantasmée comme une expert en coït // avec la prostituée. Maîtresse femme qui exerce une sorte de domination sur les hommes dans le fantasme .
Personne assimilée à ses rôles , la même chose pour Molière lui-même d’ailleurs.
Coquette dupant son mari dans la tradition farcesque depuis longtemps cf « Dorine « couvrir ce sein que je ne saurai voir » : peut-être Molière défend-il le décolleté des actrices et ne fait pas que dénoncer l’hypocrisie de Tartuffe .
Obscénité de certains propos de l’Ecole du femmes plus dans le regard libidineux des spectateurs dévots ;
Actrice objet de fantasmes et de réprobation : image de prostituée, entremetteuse et courtisane » cf Rousseau encore en 1758 dans Lettre à d’Alembert sur les spectacles : « Je demande comment un état dont l’unique objet est de se montrer au public, et qui pis est, de se montrer pour de l’argent conviendrait à d’honnêtes femmes… »
Les salons et l’invention de la galanterie :
Début du 17ème : salons : espace de liberté où la femme peut s’exprimer, foyer de culture hors de la cour en ville, chez une particulière qui invite. Mixité, idées que les femmes sont nécessaires à la vie en société, par le ton qu’elle sy apportent. ( différent des institutions religieuses qui séparent hommes et femmes.
CF Mme de Rambouillet premier salon très renommé : recrée une petite cour à son goût dans un hôtel particulier invente le terme de « ruelle » pour nommer le lieu séparant le lit d’un mur et où on pouvait s’installer sur des chaises. Passe comporter comme dans une taverne, autre prénom cf Arthénice anagramme de Catherine) poètes, gens de lettres, savants. Autocensure avant censure d’état sont proscrites » les actions malhonnêtes et les paroles lascives »
Armande Béjart, la femme de Molière, elle même tenait salon.
Évidemment ne concerne qu’une élite : indépendances financières des veuves, certaines culture, s’étaient éduquées parfois en suivant les leçons destinées aux frères.
Une formation pour les hommes
Salons = lieux pédagogiques : coalition contre la grossièreté. Influence du roman L’Astrée : expérience l’amour instrument d’élévation et de formation. Femme qui devient objet de conquête dont on doit respecter un rituel exigeant. Cf « préciosité qui s’inscrit dans un processus de civilisation des mœurs ( Norbert Elias)
Salons = laboratoires de la galanterie : esthétique du « je ne sais quoi, du gracieux et charmeur qu’on acquiert dans la fréquentation des femmes de la bonne société.
Lutte féministe déjà :lutter contre l’asservissement sexuel et social de la femme dans le mariage. Eloigner la perspective du mariage car on ne se marie que pour hair. Mariage comparé à un ensevelissement de la femme, salons eux se consacrent aux choses du cœur, pyschologie amoureuse ; remise en cause des mariages arrangés, sur l’inégalité culturelle et d’éducation entre hommes et femmes, sur la dépendance des femmes. On se défait de l’idée d’une infériorité congénitale des femmes.
Valeurs prisées : « honnêteté » c’est-à-dire à l'époque modération d’esprit, naturel, enjouement sociable, éloge de la mesure en tout, promouvant la raison qui permet la convenance et la bienséance. Donc bannir tout excès des passions.
Les savants de l’époque témoignent de cette nouvelle place des femmes dans le monde cf Descartes Discours de la méthode rédaction en français pour que « les femmes même pussent y entendre quelque chose. »
Femmes de la haute société avides d’études et de culture, réfutent les moqueries des pédants qui s’en prennent à elles.
Les « précieuses « n’ont jamais existé
Le mot est apparu tardivement cf Carte du Royaume des Précieuses en 1654 parodie de la carte du tendre) quand les salons se multipliaient avec l’ascension de la bourgeoisie d’argent. L’usage du mot est d’emblée satirique : celles qui donnent un prix aux choses qui n’en ont pas, à commencer par elles-mêmes.
Malentendu sur la figure de la précieuse. Molière ne cherchait pas à ridiculiser les femmes qui voulaient s’instruire et s’émanciper dans Les Précieuses Ridicules et les Femmes savantes, il était entouré de femmes instruites et de grandes lectrices comme les comédiennes. Pas très compréhensible de penser que Molière aurait voulu se moquer de son public, celui qui pouvait faire et défaire sa réputation d’artiste ! Les personnages des deux pièces sont des « visionnaires » dans l’excès…
Satire qui existait avant Molière. Les Précieuses qu’il dépeint n’ont jamais existé, issues d’une fiction de deux écrivains le e marquis de Maulévrier et l’abbé de Pure ( la Précieuse ou le mystère des ruelles) qui avait donné à imaginer un royaume de femmes imbues d’une sorte de supériorité félinine, avec un jargon propre et des mines et manières spécifiques.
Molière a inventé le langage précieux de ces femmes dans sa pièce : comique de connivence avec la noblesse galante qui riait de la caricature sans craindre de s’y reconnaître.
Cet idéal avait pour nom la galanterie, pas la préciosité qui n’a existé que dans des jeux parodiques.
Un comique de connivence à l’unisson du féminisme des salons
Plusieurs pièces de Molière s’élaborent en rapport avec cette esthétique :
Les Précieuses ridicules : préciosité défigurée par des provinciales et des valets
Sganarelle ou le cocu imaginaire , L’Ecole des maris : question galante des rapports entre amour, mariage et jalousie.
Les Fâcheux : figures importunes qui ne se comportent pas selon le code et la civilité contemporaine.
Donc nouveau comique qui repose sur la parodie des valeurs galantes par des personnages qui en dévoient l’usage. Donc connivence avec la société mondaine.
Ecole des femmes place à part : questionnement sur le travail de la nature dans le développement du sujet individuel qu’est Agnès. Ambition comique et philosophique ( nouvelle comédie en vers et en 5 actes)
Il y est bien question de cocuage mais plus traité seulement de façon farcesque.
Représentation du désir dans une forme littéraire , en vers, donc correspondant au théâtre selon le gouût du temps.
Recentrement sur une question de société abordée de front : l’éducation des femmes : faut-il éduquer les femmes pour pallier les inégalités de conditions entre sexes ? question débattue dans les salons.
Que l’amour soit un grand maître était un motif galant que L’Astrée avait déjà formulé.
Les vues rétrogrades d’Arnolphe sur les femmes : » Le profond respect où la femme doit être/Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître. » étaient contestées par les milieux mondains mais pas par les milieux les plus religieux. Cf soumission totale de l’épouse au mari dans les contrats de mariage inspiré des doctrines de saint Paul et de saint Augustin. Arnolphe fait de la doctrine de l’Eglise la seule culture d’Agnès réduisant son apprentissage à la couture, la cuisine et la soumission.
Veut disposer d’elle comme bon lui semble. Les contrats matrimoniaux en ce qu’ils réservaient aux femmes un « traitement iniques et humiliant » étaient mal vus par les milieux galants. A leurs yeux Arnolphe est un homme passéiste.
A la fin dépossession totale de cet homme de 42 ans qui se voit supplanté par Horace, emblème de la galanterie. Avec Arnolphe, Molière se livre à une satire aigue des valeurs jugées archaïques par le cercle galant. Polémique que l’on voit ans la querelle de L’Ecole de femmes et la Critique.
Pour Elmire aussi éthique galante : une femme ne pouvait dénoncer à son mari les avances d’un séducteur cf « une femme se rit de sottises pareilles/ Et jamais d’un mari n’en trouble les oreilles. L’honnêteté galante voulait qu’une épouse s’abstienne de troubler la quiétude du mari et qu’elle laisse au coupable la chance d’une pénitence et d’un rachat. C’est pourquoi Molière a inventé le témoin de la première tentative de séduction à savoir le fil d’Orgon, Damis.
Dans le contexte d’oppression généralisée des femmes dans le mariage, les salons apparaissent comme le lieu utopique de la liberté des femmes. C’est là que vont s’élaborer des valeurs et comportements qui deviendront dominants, plus équilibrés entre hommes et femmes, plus policés. En ce sens Molière s’inscrit dans une perspective progressiste, voire féministe. Agnès, Lucinde et Elmire sont des figures de l’indépendance féminine, de la subtilité et du courage.