D'après le site de la compagnie du Matamore
HENRI VI (3 ÈME PARTIE) – RICHARD III ( mise en scène Serge)
Ce projet est le fruit d’un long travail d’adaptation et de la volonté de faire entendre et voir à tous les publics ces monuments du théâtre élisabéthain. Tout est pensé en ce sens. Léger, adaptable, jouable séparément ou en intégrale.
La scénographie est légère, modulable, fidèle à l’esprit de l’auteur. La lumière joue le rôle principal. Elle nous fait voyager d’un lieu à l’autre sans rupture de rythme. Au contraire elle accompagne le jeu et le transcende.
Dans chaque lieu d’accueil, nous souhaiterions proposer des stages de pratique théâtrale pour tous, des rencontres et des échanges avec l’équipe artistique, faire de cet évènement, un temps de réflexion collectif. Notre collectif est composé d’actrices et d’acteurs qui pratiquent la transmission sur tous les terrains avec joie et engagement. C’est une force que nous mettons à la disposition des partenaires qui nous solliciteront.
J’ai mis en scène il y a 20 ans cet opus. Les coupures de presse du dossier (Fréderic Ferney, Gilles Costaz, Pierre Notte…) témoignent de l’accueil fort que ce projet avait reçu. Aujourd’hui, avec le collectif d’acteurs qui m’entourent en Alsace et avec lequel j’ai créé Sauvage en 2019 et je créerai Platonov en 2022 en pleine forêt vosgienne, je souhaite repartir à la conquête de cette œuvre, la re-questionner. 11 comédiens, un commando, des moines soldats selon l’expression de Gilles Costaz..
C’est une histoire sans fin qui ne cesse de nous dire le monde et qui résonne à nos oreilles avec force en ces temps tourmentés.
Henri VI et. Richard III composent la première tétralogie écrite par William Shakespeare sur l’histoire de l’Angleterre.
Ouvrage de propagande à la gloire des Tudor et d’Elisabeth Première, Reine d’Angleterre, la tonalité générale de l’œuvre glorifie la famille Lancastre au détriment des York qui y sont ici noircis. Richard III en est le plus illustre exemple. Mais là n’est pas la question. L’œuvre shakespearienne dépasse l’histoire et interroge le mythe. Richard, Duc de Gloucester puis Roi d’Angleterre nous offre le plus beau moyen de questionner le monde d’aujourd’hui. Pour rendre ce questionnement judicieux, il nous faut remonter à la source du mal et voir quelles en sont les origines. S’impose alors une remontée dans le temps car Richard nait dans Henri VI.
L’histoire n’en devient que plus cynique. Il n’est pas seul à incarner le mal. Il n’est que le plus intelligent d’une meute de loup. Rien n’est retiré à l’horreur. On ne la justifie pas. On découvre qu’il n’est que le résultat d’un processus qui nous concerne tous. Richard n’est pas anglais. Il est partout où la démocratie n’est pas.
FERMEZ LES YEUX ET IMAGINEZ …
Imaginez un monde, un pays, l’Angleterre ou ailleurs, la guerre civile, le chaos, un trône ou plutôt ce qu’il en reste.
Imaginez deux clans qui revendiquent le pouvoir au nom d’une légitimité sans cesse remise en cause. D’un côté les York, de l’autre les Lancastre.
Imaginez le droit bafoué, la violence comme règle de vie, la loi du talion comme seule référence. Imaginez les York, vaincus, puis vainqueurs, puis à nouveau vaincus et enfin triomphants.
Imaginez Richard, fils atrophié du grand York, nourri de sang et de violence, fruit du chaos, rêvant de gloire et de pouvoir, entouré de frères sanguinaires, rendant coup pour coup au Lancastre.
Imaginez son entourage, les gens qui le soutiennent, ceux qui lui résistent et ceux qui subissent passivement les évènements et vous aurez l’impression de vous retrouver devant votre quotidien. Il est pourtant plus vieux de plus de 400 ans. Mais jouer Shakespeare aujourd’hui nous renvoie cruellement à celui-ci.
Mettre en scène YORK, c’est cela. Nous ne jouons pas que Richard III. L’homme n’est pas seul en cause. Nous sommes tous responsables de son ascension. Il ne fait que se jouer de notre crédulité, de notre cupidité, de nos fantasmes, de notre passivité et de notre lâcheté.
J'ai parlé en cours de la reprise en 2021 de Richard III par le metteur en scène Matthias Langhof avec L'acteur Di Fonzo Bo, une mise en scène mythique de 1995: voici le dossier artistique Il contient de nombreuses photos et des textes qui éclairent la pièce comme cet extrait de François Perier:
En 1592 William Shakespeare est un jeune auteur de théâtre londonien, privé de lieu de représentations à cause de la peste qui menace Londres et qui a entraîné la fermeture des théâtres et la dislocation des troupes de comédiens. il a présenté avec grand succès sa première trilogie historique, Henri VI, une fresque sur la guerre civile permanente qui a ravagé l’Angleterre de 1455 à 1485, cette guerre des deux-roses qui a opposé la famille des York à celle des Lancastre pour la conquête de la couronne. Avec Richard III, il ajoute un épisode qui clôt cette période de rivalité meurtrière entre les deux familles et permet aux Tudor de prendre le pouvoir
et de pacifier la vie politique anglaise.Ce théâtre qui s’alimente de faits historiques n’est pas un théâtre documentaire, à la manière d’un livre d’heures, c’est un véritable travail de réécriture des événements, un regard puissant sur le pouvoir en général à travers le parcours d’un roi usurpateur, violent, manœuvrier, prêt à
tout pour prendre et conserver une autorité étatique sans partage. Shakespeare a peut être lu Le Prince de Machiavel, publié en 1513, qui analyse magistralement le fonctionnement du pouvoir politique, de son acquisition à sa perte, qui permet à celui qui le désire de faire un usage méthodique et économique de la violence pour s’affirmer et durer.mais ce roi est un être particulier, que Shakespeare présente comme étant d’une grande laideur, une laideur qui est l’image extérieure d’une laideur intérieure, d’une noirceur sans égale, qui démultiplie la violence de son combat et son inhumanité froide, sans émotions visibles. Un roi comédien qui se connaît, ne se ment pas à lui-même, annonce sans dissimulation le plan très
réfléchi qui doit lui permettre d’accéder au trône sans états d’âme, sachant que la gloire, même temporaire, est un gage d’immortalité.en réécrivant l’histoire, Shakespeare invente, brode, travestit la vérité et livre une œuvre unique qui, après Hamlet (1600), est la plus jouée à travers le monde, en particulier dans les
périodes de bouleversements politiques, d’instabilité et de violence. ces périodes qui favorisent l’émergence de dictatures molles ou sanguinaires