samedi 8 octobre 2022

Approfondir La Nuit des Rois(2)

 Sur le titre et le sous-titre:

Twelfth Night.

 
Comme l’explique Gisèle Venet 2, le titre anglais Twelfth Night, « La Douzième nuit », (suivi du sous-titre What you will, « Ce que vous voudrez ») fait référence à « la douzième des “nuits de noël” dont la première est, bien sûr,
le 25 décembre. Cette date correspond dans le calendrier au 6 janvier, fête de l’Épiphanie, qui commémore la venue des rois mages conduits dans la nuit par une étoile vers l’enfant nouveau-
né, Jésus ; d’où l’allusion dans le titre habituel en français à “la nuit des rois”. Ces douze nuits de la tradition chrétienne s’accompagnaient dans toute l’europe d’alors de manifestations de joie collective, de “masques et mascarades” et de représentations théâtrales. Il s’agit d’un héritage sans doute des traditions festives des “Douze nuits”, propres aux calendriers celte et germanique et de la tradition romaine antique des Saturnales ou Calendes de janvier. Nombre de pièces de théâtre aux titres et aux sujets
les plus divers furent créées pour ces fêtes de noël et la comédie La Nuit des rois a été jouée à la cour d’Élisabeth I re un soir de “douzième nuit”, le 6 janvier 1601, date de sa première représentation. 3 » Cependant, gisèle Venet réfute toute corrélation entre la pièce et la célébration de l’Épiphanie. elle l’inscrit bien plus dans l’univers de l’illusion et de la mascarade,
le cœur de la pièce étant la subversion des apparences et du langage. L’intrigue repose sur les malentendus et la révélation d’une identité à
reconquérir : grâce à son travestissement, Viola finit par trouver l’amour

une interprétation du sous-titre « Ce que vous voudrez » vient d’être avancée dans une étude récente4 : selon la tradition scolastique,
la discussion dialectique (la disputatio) était un des moyens de la recherche universitaire.
Pour la fête des rois, l’Épiphanie, les étudiants avaient le droit de bouleverser l'ordre établi de la disputatio et une disputatio de quolibet
avait lieu. Au lieu de recevoir l'enseignement des maîtres, les étudiants avaient le droit de leur poser les questions selon leur gré. Le sujet
pouvait être « n'importe quoi » : de quolibet ad voluntatem cuiiuslibet. On appelait ces questions-là les quaestiones quodlibetales, du latin quodlibet, « ce qui te plaît ». Autrement dit, en anglais, what you will. Le sous-titre
aurait donc un sens dans la tradition scolastique de l’Épiphanie.

 

Intrigue proprement shakespearienne,

 « construite sur le principe de l’insatisfaction qui, par degrés, permet la connaissance de soi à travers les épreuves successives : amour, feinte de l’amour, parodie ou caricature de l’amour ».
À l’intrigue principale se mêle une intrigue secondaire, qui se déroule parallèlement à la première (cf. résumé détaillé )
Deux « bandes » se croisent donc dans cette pièce : les farceurs et les amoureux, ce qui complique la mise en scène et décuple les quiproquos, nous entraînant dans l’univers baroque de Shakespeare.
Lors de la création de la pièce, il existait un degré supplémentaire de travestissement qui jouait encore davantage sur un érotisme ambigu : en
effet, il était interdit aux femmes de monter sur scène et tous les personnages féminins étaient interprétés par de jeunes acteurs. Le rôle de Viola était tenu par un jeune homme, jouant le rôle d’une demoiselle habillé en garçon qui soupire d’amour pour Orsino

Deux groupes de personnages: 

 Les amoureux

– Orsino, duc d’Illyrie ;
– Valentin et Curio, gentilhommes de la suite du Duc ;
– premier et second officiers ;
– Viola, travestie par la suite sous le nom de Césario ;
– Sébastien, son frère jumeau ;
– le capitaine du vaisseau naufragé, ami de Viola

-Antonio, autre capitaine de vaisseau, ami de Sébastien ;
– Olivia, comtesse


Les farceurs
– Sir Toby Belch (belch signifiant « rot » en anglais) ;
– Sir Andrew Aguecheek, « joue fiévreuse » (l’expression est dans le texte), compagnon de Sir Toby ;
– Malvolio, intendant d’Olivia ;
– le clown (Feste), bouffon d’Olivia ;
– Maria

 

 PB de jeu : rendre la jalousie muselée de la jeune fille contrainte de faire la cour à sa rivale, l’ambiguïté du discours du Duc percevant confusément
l’androgynie de son jeune page et le désarroi d’Olivia qui découvre qu’elle a nourri une passion pour son alter ego.

On relèvera la variété des émotions ou sentiments suscités dans cette comédie : l‘incantation lyrique du duc Orsino, amant mélancolique, le pathétique d’Olivia portant le deuil de son frère, la farce du faux duel ou le burlesque de Toby, amoureux de la boisson et de la bonne chère. Autant de variations qui viennent enrichir un dénouement certes heureux mais ponctué d’une malédiction, celle de Malvolio criant vengeance, et d’une chanson aux accents tristes, celle de Feste.