Sur le titre et le sous-titre:
Twelfth Night.
Comme l’explique Gisèle Venet 2, le titre anglais
Twelfth Night, « La Douzième nuit
», (suivi
du
sous-titre What
you will,
« Ce que vous voudrez ») fait référence à « la douzième des
“nuits
de noël” dont la première
est, bien sûr,
le 25 décembre. Cette
date correspond dans le calendrier au 6
janvier,
fête de l’Épiphanie, qui commémore la venue des rois mages
conduits dans la nuit par une étoile vers l’enfant
nouveau-
né, Jésus
; d’où
l’allusion dans le titre habituel en français à “la nuit des
rois”. Ces douze nuits de la
tradition chrétienne s’accompagnaient
dans toute l’europe d’alors de
manifestations de joie collective, de “masques et mascarades”
et
de représentations théâtrales. Il s’agit d’un héritage
sans doute des traditions festives des “Douze nuits”, propres aux
calendriers celte et germanique et de la tradition romaine
antique des Saturnales ou Calendes de janvier. Nombre
de
pièces de théâtre aux titres et aux sujets
les plus divers furent
créées pour ces fêtes de noël et la comédie La Nuit des rois a été jouée à la cour d’Élisabeth I re
un soir de “douzième
nuit”,
le 6 janvier 1601, date de sa première représentation. 3 » Cependant, gisèle
Venet
réfute
toute corrélation entre la pièce et la célébration de
l’Épiphanie. elle
l’inscrit bien plus dans l’univers de l’illusion et de la
mascarade,
le cœur de la pièce étant
la subversion des apparences et du langage. L’intrigue repose
sur les malentendus et la révélation d’une identité à
reconquérir :
grâce à son travestissement, Viola finit par trouver l’amour
une interprétation du sous-titre «
Ce que
vous
voudrez » vient d’être avancée dans une étude récente4 : selon la tradition scolastique,
la discussion dialectique
(la disputatio) était un
des moyens de la recherche universitaire.
Pour la fête des rois,
l’Épiphanie, les étudiants avaient le droit de bouleverser
l'ordre établi de la disputatio et une
disputatio de quolibet
avait lieu. Au lieu de
recevoir l'enseignement des maîtres, les étudiants avaient le droit de
leur
poser les questions selon leur gré. Le sujet
pouvait être « n'importe
quoi » : de
quolibet ad voluntatem cuiiuslibet. On
appelait ces
questions-là
les quaestiones
quodlibetales,
du latin quodlibet, « ce qui te plaît ». Autrement dit,
en anglais, what
you will.
Le sous-titre
aurait donc un sens dans
la tradition scolastique de l’Épiphanie.
Intrigue proprement shakespearienne,
« construite sur le principe de l’insatisfaction qui,
par degrés, permet la connaissance
de soi à
travers les épreuves
successives
: amour, feinte de l’amour, parodie ou caricature de l’amour ».
À l’intrigue principale se mêle une intrigue
secondaire, qui se déroule parallèlement à
la
première
(cf. résumé détaillé )
Deux « bandes » se
croisent donc dans cette pièce :
les
farceurs et les amoureux, ce qui complique la mise en scène et décuple
les quiproquos, nous entraînant dans l’univers baroque de
Shakespeare.
Lors de la création de la
pièce, il existait un degré supplémentaire de travestissement qui jouait
encore
davantage sur un érotisme ambigu : en
effet, il était interdit
aux femmes de monter sur scène et tous les
personnages féminins étaient interprétés par de jeunes
acteurs. Le rôle de Viola était tenu par un jeune
homme, jouant le rôle d’une demoiselle habillé en garçon qui
soupire d’amour pour Orsino
Deux groupes de personnages:
Les amoureux
– Orsino, duc d’Illyrie ;
– Valentin et Curio,
gentilhommes de la suite du Duc ;
– premier et second
officiers ;
– Viola, travestie par la
suite sous le nom de Césario ;
– Sébastien, son frère
jumeau ;
– le capitaine du
vaisseau naufragé, ami de Viola
-Antonio, autre capitaine de vaisseau, ami de
Sébastien
;
– Olivia, comtesse
• Les farceurs
– Sir Toby Belch (belch signifiant « rot » en
anglais)
;
– Sir Andrew Aguecheek, «
joue fiévreuse » (l’expression est dans le texte), compagnon de
Sir
Toby ;
– Malvolio, intendant
d’Olivia ;
– le clown (Feste),
bouffon d’Olivia ;
– Maria
PB de jeu : rendre
la jalousie muselée de la jeune fille contrainte de faire la cour
à sa rivale, l’ambiguïté du discours du Duc percevant confusément
l’androgynie
de son jeune page et le désarroi d’Olivia qui découvre
qu’elle a nourri une passion pour son alter ego.
On relèvera la variété des émotions ou sentiments suscités dans cette comédie : l‘incantation lyrique du duc Orsino, amant mélancolique, le pathétique d’Olivia portant le deuil de son frère, la farce du faux duel ou le burlesque de Toby, amoureux de la boisson et de la bonne chère. Autant de variations qui viennent enrichir un dénouement certes heureux mais ponctué d’une malédiction, celle de Malvolio criant vengeance, et d’une chanson aux accents tristes, celle de Feste.