lundi 6 novembre 2023

Vincent Macaigne parle de son RIchard III intitulé Avant la terreur

 Le texte de Shakespeare est empoisonné" ( 38 mn sur France Culture)

Autre entretien sur france Inter :variations sur richard III et sa monstruosité, un écho à notre époque.

A écouter car le propos de Macaigne sur Richard est passionnant

Teaser du spectacle pour voir l'esthétique 


Vincent Macaigne réécrit librement le Richard III de Shakespeare dans sa pièce "Avant la terreur". Pour le dramaturge, Richard était un monstre sanguinaire, pour le comédien il le reste en étant aussi victime d'une famille et d'une époque. Entretien avec l'acteur et metteur en scène Vincent Macaigne

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Shakespeare présente Richard III comme une bête sanguinaire. Vincent Macaigne propose dans Avant la terreur, sa libre adaptation et réécriture de la pièce. Il choisit de le voir comme un homme qui se défend comme il peut dans et de son époque. "Le spectacle est une variation sur le personnage de Richard III. Je ne justifie pas ce qu'il fait car c'est absolument sanguinaire, mais on a essayé de travailler sur la barbarie de tous les personnages". Y compris la mère de Richard et ses frères, une mère assez haineuse "comme si elle avait pressentie la barbarie de ses propres enfants". Rien n'excuse cependant les agissements de Richard III pour l'auteur, il a d'ailleurs veillé à ce que la pièce ne prenne pas cette direction. 
Vincent Macaigne a trouvé dans les méthodes du tyran un écho à l'époque actuelle. La propagation de rumeurs, de fausses informations pour manipuler les ennemis et les foules ressemble étrangement à des événements récents en Europe ou aux États-Unis, à l'image des relais complotistes de QAnon. La mise en scène comprend ainsi un mélange de formats avec des projections d'images contemporaines, parfois dans une atmosphère bruyante.

Richard III, présumé monstre devenu tyran

Le personnage de Richard III né dans une pièce sur Henri VI. Écrasé par les autres, il progresse pour prendre le pouvoir dans le but premier "d'arrêter ce truc violent". Vincent Macaigne a d'abord travaillé sur toute l'histoire autour de Richard III pour arriver jusqu'au personnage lui-même Résultat, un spectacle initial de 6 heures. Ce qui est donné à voir à l'automne 2023 n'en est qu'une partie, centrée sur la violence et la terreur orchestrées par Richard III. 
Paradoxalement la pièce qui en découle s'appelle Avant la terreur bien que se situant au coeur de la guerre, comme un carrefour, une position d'équilibre avant de basculer vers quelque chose de potentiellement pire, et même si on connaît la suite, de pire ou pourquoi pas de mieux.


Il est vrai que la pièce de Shakespeare ne respire pas le bonheur, malédictions et prédictions négatives ne cessent de se suivre. Et effectivement elles arrivent. Tout ceci permet de mettre en place Richard III qui devient effectivement le monstre projeté dans les esprits. Précisons que la pièce est à l'origine une commande de la famille Tudor à Shakespeare pour leur propagande. Tout le contexte conduit à la monstruosité du personnage, il n'y a pas d'autre choix.
Vincent Macaigne met cette situation en perspective avec le présent : peut-être ne faut-il pas en attendre le pire pour essayer de penser à une autre suite, un avenir qui, pourquoi pas, a aussi comme autre possibilité d'être radieux. Peut-être que "cette grande peur de l'avenir peut créer quelque chose de sublime aussi ".

Une pièce sur la fin du monde

Il y a beaucoup de textes de Stefan Zweig dans la pièce, un peu de Nietzsche. "Je voulais mélanger cette pièce de fin du monde avec des auteurs qui ont parlé de la fin du monde". Zweig prend une grande place dans le spectacle, Vincent Macaigne justifie ce choix par l'explication de l'écrivain dans son oeuvre de ne plus croire en l'avenir. À la manière d'un lanceur d'alerte, il a vu le monde basculer, avant la guerre, et développe l'idée que "la société a laissé quelque chose de structurel s'instaurer", et pas seulement au travers de la violence du quotidien. La barbarie s'est installée non parce que les gens sont monstrueux, mais parce qu'ils ont oublié la responsabilité de laisser quelque chose de structurel s'instaurer. Il s'appuie sur tout un tas de choses, par exemple les assurances, qui peuvent délester les gens de l'assistance ou de l'attention à porter aux autres. 
Zweig ne dit pas que la fin du monde est proche, mais que le monde a tourné en autre chose que ce qu'il aurait pu être. L'écrivain finit par se suicider.
Pour autant, Vincent Macaigne voit une lueur, "peut-être pas pour notre génération" mais il voit un espoir, des signes. Il évoque le jeu du comédien Max Baissette de Malglaive à ses côtés, "La croyance dans ce qu'il fait me touche. Cet amour, cette importance à prendre la parole devant des gens est une leçon énorme". Le reste de la troupe doit pour lui s'élever à cette attitude, à ce désir pur.