Entretien Elsa Dorllin et Gisèle Vienne.
Une série de trois podcasts réalisés par Cécil Chaignot
Textes lus par Adèle Haenel
À La Fondation Camargo, Elsa Dorlin et Gisèle Vienne ont entamé une
collaboration autour d'une réflexion commune sur les cadres de la
perception et en particulier sur la perception de la violence. A travers
leurs œuvres et travaux respectifs, elles ont engagé un dialogue sur la
création située, non pas en tant que "femme philosophe" ou "femme
artiste", mais depuis des œuvres, des univers et des écrits qui
s'inscrivent dans une trame sociale, phénoménale, symbolique et
corporelle, prenant position dans la politique des savoirs et de la
création artistique, et qui puisent leurs forces de points de vue situés.
Ces perspectives travaillent sur l'écart, la crudité et le dissonant :
elles se font critiques du langage, de la représentation, du sens
communément admis sur le réel partagé.
Qu'est-ce que la violence ? quels événements, quelles scènes, quelles
images et quels mots, quels fantasmes et quels récits des rapports de
domination, passent inaperçus, sont jugés acceptables, voire désirables,
confirment et renforcent un système de normes qui nous laissent dans le
confort, l'attendu, la complaisance ou le déni ? Et dans ce cadre ou à
travers ce prisme, quelles expériences vécues de la violence sont
délégitimées ou déformées, quelles réalités crasses, quelles existences
et quelles histoires, sont raturées, passées sous silence ? Depuis deux
démarches, deux disciplines différentes, Gisèle Vienne et Elsa Dorlin
travaillent à déconstruire, à analyser et miner ces médiations et
dispositifs théoriques et culturels, symboliques et politiques, pour
repartir du geste et de la chair, du mouvement et de la durée, du
fantasme et de l'idéologie, du regard, du cri et du murmure, de la
mémoire des cultures de résistances et des luttes : faire ressortir sur
le devant de la scène la densité, la complexité du réel, mais aussi
d'autres bibliothèques, d'autres généalogies de pensée, d'autres
imaginaires de référence.
Au cours de la résidence à Camargo, les échanges ont donné lieu à
l'enregistrement d'un dialogue entre elles, qui deviendra une série de
podcasts produits par le Centre National de la Danse où l'échange se
poursuit, notamment à travers une réflexion sur l'histoire et la
philosophie de la danse. Avec La Fondation Camargo, la collaboration se
poursuivra : dans cet espace-temps de réflexion et de création, se
tissent au long cours des œuvres en écho, des alliances et des
cheminements artistiques et politiques, un mouvement, un chœur critique.