Extrait
: Le Mariage de Figaro, Acte I scène 1
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Il y a eu un personnage très important dans la préparation du Mariage, c’est le
dramaturge Bernard Chartreux.
Il s’agit d’une pièce très gaie avec une vitalité joyeuse, de la sensualité,
des rebondissements. L’envie de Jean-Pierre Vincent était de divertir par la
joie. C’est aussi une pièce qui aime les femmes. C’est une comédie qui vire au
drame bourgeois.
Le sujet de la pièce, c’est le droit de cuissage, qui se pratiquait encore à
l’époque. La pièce a des résonnances aujourd’hui avec le #Metoo
Jean-Pierre Vincent ne m’avait jamais vu jouer. Léonidas Strapatsakis me voit
jouer dans Les Paravents de Chéreau (1983) et propose mon nom à Jean-Pierre
Vincent. Ce dernier me donne le rôle de Suzanne sans m’avoir vue, en faisant
confiance à Léonidas. J’avais raté tous mes concours, essuyé beaucoup d’échecs,
mais Jean-Pierre Vincent m’autorisait à entrer dans une pièce classique avec un
rôle de jeune première. Je n’avais jamais pu jouer les jeunes premières car je
ne correspondais pas aux critères physiques. Je n’étais pas dans les codes :
des cheveux trop raides, une bouche trop petite… Après beaucoup de déceptions,
j’étais tout à coup choisie pour l’un des rôles principaux. Car c’est le
Mariage de Suzanne autant que celui de Figaro.
On l’a peu joué mais ça a eu un succès extraordinaire. Je regardais souvent,
cachée dans les coulisses, le public rire. Ce rôle a changé quelque chose pour
moi. D’ailleurs le soir de la première Vitez vient me voir. Il m’impressionnait
beaucoup. Il me tient un long discours auquel je ne comprends pas grand-chose
si ce n’est qu’il m’explique qu’il y a les rôles d’une vie. Suzanne était,
selon lui, le rôle de ma vie. Vitez, d’ailleurs, me propose ensuite le rôle de
Célimène dans le Misanthrope. Et je reste sans voix.
Les rôles au cinéma arrivent après. Je joue dans La femme de ma vie et après on
a tendance à ne me proposer que des rôles d’alcoolique. Puis je rencontre
Claude Sautet. Il me dit qu’il ne m’a jamais vu jouer mais il me propose quand
même le rôle de Georgette, une femme dans un bar, complètement bourrée. Comme
j’aime beaucoup Romy Schneider, je fais parler Claude Sautet et je me dis que
cet homme est extraordinaire. Donc je fais Quelques jours avec moi en 1988.
Puis viendront Je suis le seigneur du château et le Chabrol…
Ici, on a la première scène qui est la seule chose que je connaissais de la
pièce. C’est une scène qui est beaucoup travaillée dans les écoles d’art
dramatique.
- Le décor, c’est Le Verrou, de Fragonard. On remarque la simplicité du décor.
Par la suite on va avoir quelque chose de sensuel avec un miroir et des drapés.
- Il y a deux musiciens au plateau : un violon et un accordéon qui sont là tout
le temps. Ici, il y a donc à la fois l’intimité du couple mais aussi, déjà un
air de fête. On voit dès le départ la complicité des deux personnages.
- La scène était très modeste mais il fallait jouer à Chaillot devant 1200
spectateurs. Donc il s’agissait d’une scène d’intimité qu’il fallait jouer en
grand. Et sans micro.
Pour préparer le travail, j’avais lu la biographie de Beaumarchais. J’ai
démarré ma carrière théâtrale avec Chéreau, qui avait un très grand niveau
d’exigence et qui commençait toujours par un travail de lecture à la table.
Donc là, j’ai aussi anticipé en draguant tout ce qui avait un lien avec le
Mariage. Je suis autodidacte et complexée de ne pas avoir fait de grandes
écoles donc je travaille, j’anticipe.
Le fait que Suzanne soit orpheline me parle immédiatement car cela me permet de
penser à elle comme à une force de vie, comme une volonté de s’en sortir.
Jean-Pierre Vincent la décrit comme très vive, enjouée, très heureuse de son
Figaro et j’ai cela en moi-même. Mais, c’est la première fois qu’on me le
révèle. Je découvre d’ailleurs que j’ai un pouvoir comique.
Un rôle réussi est un rôle où je vais apprendre quelque chose sur moi, sur
quelqu’un ou sur une œuvre. Je joue aussi pour m’oublier, c’est-à dire pour
être un autre, pour devenir d’autres personnages qui me plaisent davantage.
Mais aussi pour me découvrir car on est vaste.
On commence le travail au plateau. Jean-Pierre Vincent est assez actif au
plateau mais il ne me dit jamais rien. Donc je deviens un peu paranoïaque et
j’en parle à Léonidas qui me répond qu’il ne me dit rien car il n’y a rien à
dire.
Le travail avec le metteur en scène est important. C’est un travail de
confiance. Il faut qu’on m’emmène, qu’on y aille ensemble. Quand j’ai commencé
à jouer dans Les Démons, l’adaptation de Dostoïevski, j’ai avancé avec Guy
Cassiers, ensemble, dans une sorte d’inconnu et de merveilleux.
Un blog pour les élèves des options théâtre du Lycée Camille Sée à Colmar