L’année
scolaire a commencé par le projet sur
les Bacchantes d’Euripide
conduit par la comédienne et metteur en scène, Sandrine Pires. Nous
l’avons intitulé « Au c(h)oeur des Bacchantes » car
Sandrine a voulu mettre l’accent, même si c’était une gageure
car le groupe n’est composé que de six élèves, sur le chœur, ce
qu’il raconte - à lui seul il permet presque de découvrir la
fable- et ce qu’il montre de l’ambivalence du dieu que les
Lydiennes servent, célèbrent et révèrent, Dionysos, source de
bienfaits, à la fois suprême douceur et le plus terrible des dieux
qui parfois les terrorise.
Travailler
le chœur, c’était mettre en jeu les corps en transe, chercher la
danse bachique, la possession par le dieu, la métamorphose
ritualisée des Bacchantes en puissances animales en exploitant le
bestiaire évoqué par le texte. C’était expérimenter les effets
que la présence du dieu produit sur elles à différents moments de
la pièce : fatigue et joie dans la parodos où le chant des
Bacchantes contribue à créer la présence du dieu : « Façonnez
par des évohés le dieu de l’évohé ».
Nous
avons consacré des séances à la recherche du costume des
Bacchantes, chaque élève construisant sa tenue tout en conservant
un trait commun qui a été la déchirure des vêtements, à la
recherche des thyrses aussi. Le groupe a finalement opté pour des
cannes et des béquilles symbolisant la longue marche des Bacchantes
d’Asie, leur faiblesse quand elles sont loin du dieu, un dieu
qui aide à vivre, comme le vin qui sans excès soulage, donne de la
douceur. La métaphore de la béquille renvoie à une certaine
conception de la foi comme soutien et remède à la fragilité
existentielle.
L’ambivalence
de Dionysos se manifeste aussi par les effets qu’il produit sur
d’autres personnages, Tirésias et Cadmos qui retrouvent une
seconde jeunesse, ce que Penthée à son retour constate et
désapprouve. La dimension comique de l’exaltation des vieillards
rêvant de se faire bacchants permettait là aussi de laisser toute
sa place à un jeu corporel.
Mais
le dieu, le rugissant, peut être terrible avec ses ennemis, même
sous le travestissement de son sectateur, lorsqu’il met le feu au
palais de Penthée et s’évade, maître de l’illusion, en se
transformant en taureau suscitant la terreur.
A
chaque étape du projet, Sandrine a insisté pour que le corps soit à
la hauteur du texte, engagé et présent, en proie au rythme du dieu
percussionniste et à sa force. Les élèves n’utilisent pas
d’autres éléments de percussion au plateau que leurs corps et les
thyrses. Les bacchantes soutiennent leur dieu, prennent fait et cause
pour lui, se métamorphosent elles mêmes en taureau d’où émerge
la voix du dieu, deviennent toréador pour attirer Penthée.
Nous
avons ainsi conservé une partie du quatrième épisode où l’on
voit Penthée se laisser séduire par le dieu et conduire au
supplice. Autre effet que sait produire le dieu.
Le
quatrième stasimon a été travaillé avec toute la rage et la force
guerrière requise pour ce chant de vengeance à l’égard du fils
d’Echion qui a refusé de reconnaître le dieu, son demi-frère.
Nous recommandons d’ailleurs aux correcteurs quelles que soient les
parties choisies par ailleurs pour évaluer les candidats de les
entendre dans ce mouvement particulièrement travaillé pour que
texte et corps se répondent.
Nous
avons également conservé le cinquième épisode en divisant le
messager en deux voix : pendant que l’un parle, l’autre
raconte gestuellement ce qui se passe, dansant sur le récit proféré,
révélant les effets produit sur les Thébaines par la mania divine.
Il s’agissait de rendre cette parole active, les deux messagers
n’en font qu’un et en même temps proposent déjà un double
point de vue, le corps prolonge les mots, et ouvre le sens de manière
concrète, c’est une tentative pour rendre cette parole la plus
vivante et concrète possible, c’est susciter chez le spectateur un
exercice de visualisation, pour que le spectateur n’en perde
pas une miette” devenant voyeur à son tour.
La
forme brève inventée pour la présentation de travaux se termine
sur le kommos et le retour d’Agavé après une orgie sanglante
symbolisée par l’usage d’une « matière rouge » :
tissus, laines, plumes…
L’ensemble
de notre projet a proposé un travail sur l’ambivalence et sur les
excès de l’engagement religieux (ou comment cerner la limite
entre la foi qui apaise et le fanatisme qui mène à violence,
entre l’aveuglement collectif et le besoin de se rassembler pour
se sentir vivre intensément.)
Découpage
des Bacchantes
proposé par Sandrine Pires
-
Parodos jusqu’à « façonnez par des évohés le dieu de
l’évohé » (tous)
-Premier
épisode Tirésias (Pierre-Marie) et Cadmos ( Clément) jusqu’à
l’entrée de Penthée (Kadir) avec coupure des vers 199 à 209,
Penthée reprend à « Je vois Tirésias ( vers 248) jusqu’à
« Je dis que le culte est totalement pourri » coupure du
Coryphée, reprise Tiresias jusqu’à vers 271.
-
Troisième épisode : Kommos (tous) à partir de “Allume la
torche éclatante de la foudre”
Dionysos
(Pierre-Marie) jusqu’à « Il a allumé le feu » (vers
624)
-Quatrième
épisode : Dionysos (Laura )Penthée (Clément) depuis vers 918
jusqu’à 971
-Quatrième
Stasimon (tous)
-Cinquième
épisode deux messagers (Elodie et Kadir) + chœur (tous)
-Exodos
(tous) Agavé (Lise) jusqu’à l’entrée de Cadmos
Reprendre
pour finir (en vue d’une présentation)
“Glorieux
combat: embrasser son enfant d’une main dégoulinante de sang »