mercredi 27 novembre 2019

Sur Désobéir, mise en scène Julie Béres

Dossier pédagogique

extraits du spectacles

Dossier sur Théâtre Contemporain

Le site de la compagnie les Cambrioleurs

L'émission sur RDL que j'ai consacrée à la présentation du spectacle

Interview de Julie Béres à chercher dans la liste des entretiens au Théâtre de la Cité

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Master class de Wajdi Mouawad sur France Culture

Master class Wajdi Mouawad

Tragédie antique/tragédie classique

Une capsule video pour réviser

Sur la tragédie classique

La période productive de RACINE coïncide avec une partie du règne de Louis XIV. Elle appartient à un mouvement des idées et du goût désigné sous le terme de Classicisme.
I. Le Classicisme dans son siècle
a. Le renouveau de la tragédie  (1620 - 1636)
• Fin XVI : la tragédie humaniste connaît une crise qui finit par provoquer sa disparition (concurrences de la tragi-comédie et de la pastorale (pièce qui met en scène dans un décor champêtre d’émouvantes histoires d’amour) + excès : l’accumulation de crimes et d’horreurs finit par lasser le public) => Deb. XVII : la tragédie est à repenser et à reconstruire.

• Trois phénomènes expliquent le renouveau  de la
tragédie :
- de meilleures conditions matérielles (nouvelle salle de théâtre (
Théâtre du Marais), alors que jusqu’en 1630, Paris n’en avait qu’une seule + installation d’une troupe professionnelle (les « Comédiens du Roi ») + théâtre devient un loisir à la mode).
- De nouveaux dramaturges de talent : SCUDÉRY 1601 - 1667) ;
ROTROU (1609 - 1699) , CORNEILLE (1606 - 1684) ; RACINE (1639 - 1699).
- La redécouverte de la Poétique
d’ARISTOTE : les théoriciens méditent les préceptes de cette oeuvre et élaborent progressivement une tragédie régulière, c’est-à-dire qui obéit à des règles précises => naissance de la tragédie classique.
b. La tragédie classique et les marques de son époque
    La tragédie classique s’inscrit dans son époque (même si elle reste étrangère à l’actualité) à travers l’adhésion à l’absolutisme et aux thèses largement acceptées d’une conception pessimiste de la condition humaine.

• Le poids de
l’absolutismeLouis XIV impose l’idée de la domination d’un seul (prestige du monarque, centralisation des talents, des charges et donc des richesses, à la cour de Versailles). La seule gloire dispensée est celle du  monarque. Ainsi, les personnages de RACINE ne sont plus de  vaillants héros recherchant l’exploit chevaleresque qui fondera leur gloire et assurera leur conquête amoureuse (comme chez CORNEILLE par exemple)

• Le refus des faits d’actualité : aucun des événements importants de l’époque (Guerre de Hollande,
révocation de l’Édit de Nantes...) ne sert de base à la tragédie classique. Il y a une volontaire indifférente à l’actualité : la tragédie classique est avant tout préoccupée des aspects permanents de l’être humain (ses mœurs et ses sentiments). Les thèmes seront choisis dans ce qui appartient au général (l’Antiquité par exemple).

• Le pessimisme : l’idéal humain a donc perdu son aspect héroïque mais il est encore rabaissé par la rigueur de la théologie qui s’inspire de
Saint Augustin (évêque du Vème prônant la sévérité). Celui-ci enseigne que l’homme, privé des lumières et des secours de Dieu, est livré à lui-même. Il est incapable de trouver la vérité et de juger (esprit), et il est la victime de ses passions qui l’entraînent (cœur).
C’est cette vision pessimiste que l’on retrouve dans
Phèdre (elle sera soumise aux pulsions de l’instinct).
II. Les caractéristiques de la tragédie classique
a. Le respect des genres anciens
• L’ambition de la conformité : L’auteur classique ne cherche pas à surprendre par l’invention de genres nouveaux (comme ce sera le cas au XIXème avec le drame romantique). Il reprend donc les genres définis depuis l’Antiquité : la tragédie, la fable, la comédie.
Il ne vise pas non plus à réformer les idées (à la différence des auteurs du
Siècle des Lumières qui suit), ni à bousculer ou libérer les mœurs. On comprend dès lors que les dramaturges reprennent des tragédies antiques comme RACINE le fait en s’inspirant d’EURIPIDE et de SÉNÈQUE.

• Une application des théories d’
ARISTOTE : La tragédie classique ne met en scène que de très hauts personnages (rois, reines...). Ceux-ci appartiennent à l’Histoire (Néron par exemple dans Britannicus) ou aux mythes de l’Antiquité comme pour Phèdre.
    La tragédie racinienne se veut imitation de la nature dans ses aspects universels. Les faits doivent donc paraître vraisemblables aux spectateurs (il faut qu’il ait l’illusion qu’il assiste au déroulement d’une histoire réelle).
c. La règle de bienséance
    Le souci de plaire est au cœur de l’esthétique classique : l’auteur se veut donc en harmonie avec la morale et les goûts de son public de manière à rencontrer son adhésion. La personne royale est, bien entendu, l’arbitre suprême du bon goût. S’instaure dès lors une règle tacite : celle des bienséances (= conduites en accord avec les usages). Il en existe de deux sortes.

• La bienséance dite « interne » : elle prescrit que le comportement des personnages doit être conforme à leur âge, à leur condition sociale, aux mœurs et aux coutumes de leur pays. C’est à la fois une question de logique et de vraisemblance. C’est sans doute dans cet esprit que
RACINE choisit de ne pas « salir » Phèdre en la rendant directement responsable de la calomnie d’Hippolyte : c’est Oenone qui en est coupable.

• La bienséance dite « externe » : elle vise à ne pas choquer la sensibilité ni les principes moraux du spectateur. Elle interdisait donc la représentation sur scène d’actes trop violents (meurtres, suicides...) et des allusions trop marquées à la sexualité, à la nourriture, à la vie du corps en général. Ainsi, les scènes trop violentes font l’objet d’un récit : dans
Phèdre, la mort d’Hippolyte sera racontée.
L’unité de temps : la durée de l’histoire ne doit pas dépasser 24 heures. L’idéal est que la durée de l’histoire coïncide avec la durée du spectacle (3 heures environ) mais comme c’était rarement réalisable, on admettait qu’elle s’étende sur une journée. Au-delà, le décalage était trop grand et devenait préjudiciable à la vraisemblance.

L’unité de lieu : le lieu devait être un lieu unique durant toute la pièce (pas de changements de lieu, donc pas d changements de décors). Les auteurs tragiques situent donc leur histoire dans un lieu qui peut être traversé par n’importe qui (le Roi mais aussi les valets, les confidents...) : il s’agit souvent de manière générale, du palais ou de l’antichambre.

L’unité d’action : elle n’est pas synonyme d’action simple mais implique que tous les fils de l’intrigue soient fortement tissés et que toute action (ou parole) d’un personnage ait une conséquence sur les autres. C’est donc un principe de cohérence : rien n’est gratuit, rien n’est superflu.
e) Le but de la tragédie classique : la catharsis
    La tragédie classique prétend remplir une fonction morale, conforme ainsi au principe d’ARISTOTE appelé la catharsis. En montrant les conséquences ultimes et catastrophiques des passions, la tragédie purge l’âme du spectateur de ces mêmes passions et l’incite à ne pas imiter les héros tragiques. Le théâtre rendrait ainsi les hommes meilleurs... 
( ww.ac-grenoble.fr/disciplines/lettres/podcast/sequences/phedre/C81A56DA-AA4E-4450-A547-65AB7FE7CE83/Blog/8AB792E2-1D8F-44B6-B971-667A87218B13.html)

mardi 26 novembre 2019

Présentation de Britannicus sur france Culture

Britannicus sur france Culture

Coupe dans la scène de l'Otage proposée par Emilie

Scène 10 l’Otage

Le début de la scène ne change pas – les coupes prévues restent valables.
A partir de la page 66, voici le texte à prendre en compte (incluant 2 nouvelles coupes, et une modification dans l’action)


L’homme s’approche en tremblant, tend le bras, cherche dans la poche de la dame, en tire les clés.
LA DAME – Imbécile.
UN HOMME (triomphant) – Vous avez vu ? Vous avez vu ? Qu’on amène cette Porsche jusqu’ici.
UN FLIC – Passez-lui les clés.
UN HOMME – Donnez-lui donc vous-même. C’est votre métier, les tueurs.
UN FLIC – Nous avons nos raisons.
UNE FEMME – Raisons mon cul.
L’homme 1 qui a toujours la clé en main la donne à Zucco.
ZUCCO – Je prends la femme avec moi. Ecartez-vous.
UNE FEMME – L’enfant est sauvé. Merci, mon Dieu.
UN HOMME – Et la femme ? Qu’est-ce qu’il va lui arriver, à elle ?
ZUCCO – Ecartez-vous.
Tout le monde s’écarte. Tenant d’une main le pistolet, Zucco se penche, prend la tête de l’enfant pas les cheveux, et lui tire une balle dans la nuque. Hurlements. Tenant le pistolet braqué sur la gorge de la femme, Zucco se dirige vers la voiture.

samedi 23 novembre 2019

Le jeu verbal: tout savoir sur la diction du vers

site le jeu verbal

Texte Britannicus de Racine avec les découpes du vers : lorsque sandrine vous aura donné vos scènes, il faudra les travailler selon le découpage du vers proposé sur ce site.


réflexion dramaturgique sur la pièce Roberto Zucco


Koltès le dit très bien en préambule : Zucco est un monstre de force abattu par une femme. Une femme – la gamine – qui ne cherche pas à l'abattre mais à le retrouver. Pour le retrouver, elle doit le trahir en se rendant à la police. Et pourtant, l'histoire d'amour entre Zucco et la gamine est la seule histoire d'amour accomplie dans la pièce. La scène entre Zucco et la Gamine est un pur moment de bonheur dans un contexte familial totalement morbide. On y voit un père alcoolique qui bat sa femme, elle-même cassée par la vie ; une soeur paratonnerre de toutes les tensions familiales et un frère aussi lâche que méchant dans sa façon d'emprisonner les femmes de la maison. Ce qui tient ensemble cette famille est pourtant bien l'amour : l'amour désespéré de la mère pour sa fille ; l'amour prison du frère pour sa soeur ; l'amour hystérique de la soeur pour la gamine ; l'amour devenu violence du père pour la mère. En plaçant son amour en dehors des griffes familiales pour se jeter de façon ironique sur un prédateur bien plus dangereux que la violence quotidienne, la gamine fait exploser le château de cartes de la famille. Toutes les scènes liées à cette famille sont donc des scènes de crise où chaque membre essaye de retrouver l'ordre ancien ; plus chacun essaye, plus l'ensemble s'enfonce dans une situation inextricable. L'immense talent de Koltès est de réussir à montrer tout cela avec une force de vie magnifique : il n'existe pas de désespoir paralysant chez les personnages de Koltès. Même dans les pires moments, ils se débattent pour en sortir mais à la façon d'un cheval paniqué pris dans les sables mouvants.

La scène fondatrice de la pièce, pur moment de tragédie, est la scène du meurtre de la mère de Roberto Zucco par son fils. Cette scène montre la complexité de la relation entre la mère et son fils, faite de haine, de dégoût, de tendresse refoulée, de peur, d'espoir et d'amour. On peut lire cette scène de plusieurs façons, cela dépend du curseur où l'on souhaite placer la violence de Zucco. Certains ont tendance à jouer un Zucco tendre face à une mère possessive et vulgaire mais cela pose l'immense problème de chercher à expliquer la violence du personnage par des causes psychologiques et familiales. Nous pensons pour notre part que la pulsion de Zucco n'est pas liée à son histoire familiale mais qu'elle est intrinsèque au personnage. Il y a peu de scènes qui nous permettent de montrer une négativité chez Zucco, à part sans doute le meurtre de l'enfant. Dans cette deuxième scène de la pièce, l'impossibilité de l'amour se fonde dès la naissance de Zucco. La mère dit cette chose terrible « Tu es fou, Roberto. On aurait dû comprendre cela quand tu étais au berceau et te foutre à la poubelle. » Le spectateur peut être porté à détester cette mère mais il faut que dans la scène on arrive à être d'accord avec elle. Roberto est fou, c'est un meurtrier (il vient de tuer son père) et la liste de ses meurtres va s'allonger tout au long de son parcours. Voilà également un tour de force que Koltès propose au metteur en scène, amener le public à ne pas pouvoir aimer Roberto Zucco malgré les nombreux moments où celui-ci est fondamentalement adorable. L'amour impossible devient donc un motif théâtral entre la scène et la salle qu'il est passionnant de mettre en exergue.

Il y a deux scènes dans la pièce qui sont tout à fait uniques et nouvelles dans l'écriture koltésienne. Ce sont celles de l'inspecteur mélancolique (scène 4) et du métro (scène 6). Uniques car elles montrent des moments de partage et d'empathie entre des personnages qu'à priori tout oppose. Dans la scène 4, un inspecteur confie sa mélancolie à la patronne de l'hôtel de putes du Petit Chicago, qui l'écoute avec tendresse et tente de le sortir de sa prémonition morbide (qui s'avérera exacte, malheureusement pour lui). On peut bien parler là d'une affection réelle et partagée entre ces deux personnages ; mais la sanction est immédiate : l'inspecteur est assassiné par Zucco juste après avoir quitté la scène. Comme dans les tragédies antiques, un messager vient raconter toute la scène à la patronne. Ce messager est une pute qui décrit précisément le rendez-vous de l'inspecteur avec la mort. De façon très belle dans le récit, au moment où Zucco plante son poignard dans le dos de l'inspecteur, celui-ci balance la tête comme s'il avait profondément compris le sens de son existence. Dans Roberto Zucco, la mort est d'une certaine façon un acte d'amour, en devenant la plus belle des épousées. On ne peut s'empêcher de voir là une forme de testament d'un auteur qui sait sans doute qu'il va mourir au moment où il écrit la pièce. Ce sont des instants qui doivent résonner fortement dans nos têtes.

La seconde scène, celle du métro, met en présence un vieux monsieur, perdu dans les dédales du métro à l'heure de la fermeture et Zucco. C'est une scène très étrange, où l'inquiétude du vieux dont la vie a toujours été normale rencontre le calme du jeune tueur faisant l'hallucinant récit de sa vie normale. On pourrait imaginer à chaque seconde que Roberto Zucco tue le vieux monsieur car au fond rien n'explique qu'il ne le tue pas. Ce qui le retient peut-être c'est que le récit du vieux parle de la vérité de qui est Roberto, un homme perdu dans les dédales de sa vie et de son cerveau, un homme qui a déraillé et qui se retrouve face à sa mort. Là aussi, la proximité de la mort active une douceur et la possibilité d'un échange réel entre deux êtres humains. Le vieux monsieur va mourir parce qu'il est vieux. Roberto Zucco va mourir parce que c'est son destin.

Le paroxysme du motif de l'impossible amour est sans doute atteint dans les scènes 12, La gare, la 13, Ophélie et la scène 14, L'arrestation. Elles précèdent la scène finale, Zucco au soleil, qui résout de façon définitive le drame dans la fusion du personnage principal avec le soleil. Il n'existe sans doute pas ailleurs dans l'oeuvre de Koltès des scènes dont l'intensité amoureuse et dramatique soit aussi grande que dans ces dernières scènes. La scène 12 met en présence la dame élégante et Zucco, dans une gare, quelques heures après que Roberto ait tué le fils de la dame à bout portant. Cette femme, à la fois déchirée par le meurtre de son fils mais qui en même temps désire son assassin, demande à Zucco de fuir avec lui, ce que ce dernier refuse. Cette scène cristallise en quelques courtes pages toutes les questions si centrales chez Koltès du désir, de la mémoire, des contradictions intérieures, de la solitude, de la folie, d'une forme d'humour assez désespéré aussi. A jouer, la scène 12 est peut-être la plus difficile de la pièce à atteindre dans sa justesse et dans la totalité de ses enjeux. Elle demande aux acteurs à la fois de la souplesse, de l'intensité, de la vérité, la capacité à se mettre hors de soi-même sans déraper dans la saturation.


La scène 14 commence sur une note d'humour entre les deux policiers qui agissent en miroir de la première scène de la pièce, se disputant sur l'utilité d'être là. Mais contrairement à la première scène, ils parviennent à arrêter Zucco grâce à la gamine devenue pute. Celui-ci ne cherche d'ailleurs pas à s'enfuir. Quand elle aperçoit Zucco, la gamine se jette sur lui et lui déclare un amour total et inconditionnel qu'elle sait pourtant avoir trahi. On sait cet amour impossible ; la naïve beauté des paroles de la gamine n'en devient que plus bouleversante.

Bernard-Marie Koltès meurt peu après l'écriture de la pièce de la maladie de l'amour. Les derniers mots de Roberto Zucco sont : « Il tombe » alors que la lumière, pareille à l'éclat d'une bombe atomique, inonde la scène. L'amour impossible d'Icare pour le soleil est la métaphore ultime de la pièce.

Qui es-tu Roberto Zucco?


Qui es-tu Roberto Zucco ?

Voilà une question en vis sans fin. Qui est cet homme, le seul personnage de la pièce  ayant un nom ? Ce nom qui est d’ailleurs pour lui une obsession. Ce nom qu’il ne peut dire car s’il le prononçait il en mourrait.
Ce nom qu’il doit répéter sans cesse pour ne pas l’oublier. Ce nom qu’il n’arrive plus à lire et qui emporte avec lui sa mémoire. Qui est-il, cet être qui se veut transparent, aussi transparent qu’une vitre ou qu’un caméléon sur une pierre ? Est-il le produit d’une société devenue folle ? Un irresponsable transformé en tueur par la violence du monde ? Un martyr de la société prisonnier de son hagiographie ? Bien sûr nous savons que Bernard-Marie Koltès s’est inspiré de Roberto Succo, le tueur en série Italien qui sévit en France et en Suisse d’avril 1987 à février 1988 et pour qui il sembla avoir une grande fascination. 

Qui es-tu Zucco ? Es-tu un Chronos dévorant le monde ? Ou comme le dit Koltès « un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force, abattus finalement par un caillou ou une femme » ? Qui es-tu ? Un assassin psychopathe ? Un séducteur halluciné ? Une bête furieuse et sauvage ? Un train qui a déraillé ? Une voiture qui s’est écrasée au fond d’un ravin ? Un hors norme ? Es-tu comme le dit Koltès « Un assassin automatique » ?  Une figure de la transgression sociale ? Un héros marginal impulsif et sans aucune pitié défiant la société ? Ou alors peut-être es-tu un Icare meurtrier fasciné par le vol libre des oiseaux ? Un hippopotame de chair tremblante ? Un fou épris d’une telle volonté de puissance qu’il peut s’imaginer faire l’amour avec le soleil ? Un corps sans identité, morcelé, qui va de la plus grande démesure à la plus naïve douceur ?
Ce qui est certain, c’est que tu te dérobes à toute logique, à toute rationalité, à tous raccourcis psychologiques. Il y a trop de lumière en toi pour que tu sois visible et capturé par une seule vérité. A moins, et nous en faisons l’hypothèse, que tu ne sois qu’un virus ! Une saleté de virus mortel ! Une unité matérielle indépendante, accomplissant ce pourquoi elle est programmée et qui pour exister doit infecter une cellule hôte afin de jouir de sa machinerie pour subsister. Un parasite intracellulaire obligatoire pour lequel il n’y a pas de vaccins. Tu ne serais donc pas un être vivant mais une association monstrueuse de molécules biologiques issues de la même soupe primordiale que les hommes.
Mais toi, tu aurais évolué parallèlement à nous. Tu serais un être très ancien et diaphane qui infecterait ce monde épuisé qui n’a plus les moyens de se défendre. Tu serais le vecteur naturel de notre haine, de notre animosité prédatrice. Un virus apocalyptique attaquant une sociéte dont les défenses immunitaires ne peuvent plus discerner le soi du non-soi. Et ton pouvoir pathogène serait si important que la fièvre morbide que tu provoques deviendrait au dernier stade une surchage érotique. Zucco est un virus ! Peut-être l’image miroir de ce virus qui dévora Bernard-Marie Koltès et que celui-ci enferma dans une dernière pièce à la beauté fabuleuse.



L'impossible amour dans Roberto Zucco
Il existe un dessin qui s’impose comme étant au cœur de Roberto Zucco, c'est l'amour impossible, et son corollaire pour le jeu : la lutte pour l’amour. Tous les personnages, à des degrés divers et avec des formes très différentes, essayent furieusement de s’aimer, sans presque jamais y parvenir.  Ce motif de l’amour impossible est présent dans toute l’œuvre de Bernard-Marie Koltès. Que l'on pense à La nuit juste avant les forêts, où celui qui parle cherche l'amour de celui qui écoute, à Combat de nègre et de chiens, qui relate l'amour contrarié entre Cal et Léone, les exemples sont multiples. Mais jamais peut-être cette dimension n’avait été explorée de façon aussi complète par l’auteur et n’avait atteint un tel degré d’incandescence.