vendredi 12 juin 2020

Mardi 26 mai : des artistes reprennent leurs créations dans la rue pour la première fois

Les théâtres sont fermés, les tournées annulées, la profession est très inquiète.
Pour la première fois mardi 26 mai, en respectant les distances sanitaires, des artistes ont décidé de proposer leur création dans la rue à Besançon, Bayonne, Crest:

Enterrer les morts et réveiller les vivants" Ce 26 mai 2020, aux quatre coins de la France (Franche-Comte, Drôme, Ile de France, Nouvelle Aquitaine...) des artistes vont se déployer en douceur dans l'espace public pour un "Acte Poétique National." Pour ensemble, le même jour, poser un acte fort : Penser ensemble l'art et la culture, avec tous les travailleur.ses de ce secteur. A #Besançon, place de la Révolution

Happening enterrer les morts , réparer les vivants 

Vue d'en haut (5mn) 

Photos 

C'est quelque chose comme cela que nous pourrions faire dans la cour du lycée, si nous reprenons quelques heures de théâtre avant la fin de l'année à partir d'extraits des pièces travaillées, de journal du confinement, de textes sur les moments de liberté, d'improvisations;  A votre imagination.

Moment de liberté: proposition de Myriam Mita


Ceci est mon moment de liberté

J’ai essayé d’écrire sur le moment où je me sentais le plus libre. Réellement. Plusieurs fois. J’ai cherché au fond de moi même, je me suis rappelée de moments doux, joyeux, et cela m’a fait du bien, vraiment. Mais c’est à ce moment là que j’ai compris que j’aurais beau chercher, tenter de rédiger en me pliant aux consignes, je n’y arriverais pas. Parce que chacun a une vision personnelle de ce qu’est la liberté et que la mienne n’est pas celles des autres, tout comme celles des autres n’est pas la mienne. J’ai beau essayer de choisir la facilité, de me faire violence, je ne peux pas me mentir à moi-même en connaissance de cause, pas alors que mon opinion est tellement à l'opposé. Alors tant pis, je prends le risque, d’aucun dirait la liberté, de dire ce que je pense et si ça dérange, tant mieux, j’écris pour ça.
On a peur qu'on nous prive de notre sainte liberté, on a peur d'être espionné, mais il faut se rendre à l'évidence, arrêter de se croire unique important, l'hypocrisie a assez duré, nous avons tous été formés dans le même moule, on nous a donné les mêmes tares, les mêmes défauts. Les mêmes objectifs. On pourra dire ce qu'on veut, que le cadre change, que l'éducation n'est pas la même; que la religion diffère, je répondrais que l'être humain reste un être humain.
On nous a donné comme unique but, seul objectif le bonheur. Où est le droit au choix, la liberté ? On estime que c'est ce qu'il y a de mieux mais personne n'arrive à définir le bonheur, il est indétectable qui y a t-il de bien de courir après un objectif inatteignable ?
Selon moi, la liberté n'est pas un moment, ce n'est pas une émotion, c'est un pouvoir, un choix. Il implique des sacrifices. On a beau nous dire qu'on est libre, quelle que soit la prison, elle existe, elle revêt différents noms, prend différentes formes, mais elle est toujours là, oppressante, elle va de paire avec notre humanité. La plus connue de ces prisons, la plus puissante, se nomme Société. Même seul, allongé en forêt, en rêvant : nous ne sommes pas libres. Nos pensées, nos doutes nous en empêchent. La liberté n'est pas humaine, pas rationnelle, elle n'est pas accessible à tout le monde. On pourra dire ce que l'on veut, la liberté, c'est un risque dont il faut savoir assumer les conséquences. C'est un pouvoir dont le prix est lourd et peu de gens peuvent se vanter de pouvoir le payer.
J'ai voulu parler de moments où je me sentais bien en confondant le bien-être avec la liberté mais ce n'est pas la même chose, le bien-être ne prend pas de risque, ne demande pas de sacrifice, la liberté, ce n'est pas ça, la liberté c'est d'avoir le pouvoir de choisir, entre la vie et la mort, la peine et la joie. Ce n'est pas quelque chose de définissable, pas quelque chose de stable, c'est personnel, c'est commun. Je pourrais écrire une thèse dessus et je suis sûre que des gens beaucoup plus qualifiés que moi l'ont déjà fait. Je ne peux pas décrire un moment où j'étais le plus libre, je peux décrire le moment où j'ai pris le droit de faire des choix, non pas entre trois possibilités comme pour les spécialités de cette année mais entre toutes les possibilités que l'univers nous offre et que nous refusons de voir.
Le seul moment où je peux pleinement prendre ces choix, m’échapper de cette prison, c'est lorsque les mots s'échappent de la pression des règles du monde, quand l'imaginaire prend ses droits, quand tout redevient possible. Quand aux frontières entre le rêve fou et le monde réel, on choisit le rêve fou. On va peut être me prendre pour une folle mais je n'en ai cure. La folie est un choix que je fais, un choix qui me rend libre quand j'accepte de prendre le risque et de faire les sacrifices qu’il requiert

Proposition de mise en scène du Marteau et la Faucille

A partir du travail de groupe qui m'a été envoyé:


Scénographie :

En fond de la salle ( En général la salle désigne l’espace du public : il faut parler de scène, de plateau et dire « aux lointains » pour parler du fond de scène) il y a un fond noir avec des lignes verticales rouges pour rappeler les barreaux de prison ( Le texte dit pourtant qu’il n’y a pas de barreaux, de fil de fer barbelé. Attention à d’abord construire l’espace à partir de ce que dit le texte avant de s’en éloigner. Le metteur en scène peut le faire mais il faut qu’il soit conscient du fait qu’il ne prend pas le texte à la lettre.) ainsi que le communisme très présent dans la nouvelle. ( A prouver. Où vous voyez-vous des allusions au communisme ?)

La scène n'est pas rectangulaire, elle possède une avancée sur l'avant ( Soyez plus précis) comme un podium, le pont pour la fin et le passage pour aller au foot.

Sur ce fond noir et rouge il y a une grande télé plutôt ancienne assez grosse. (Concrètement comment est-elle représentée ?)

Sur cette télé, on verra l'émission des filles du narrateur mais aussi des scènes de jeu de foot pour rappeler le terrain de foot.

Au centre du plateau il y a deux rangées de chaises tournées vers le public. (Pourquoi ?)

On prévoit aussi des lits verticaux qu'on viendra placer pour le moment où il y a aura les scènes dans les dortoirs. Pendant ces passages, moments où les personnages racontent leur passé, on pourra prévoir de passer des images reconstruisant celui-ci.

Pour représenter le parloir on change l'organisation des chaises et on les mets en face les unes des autres à distance et de manière à ce qu'on voit que c'est un parloir.

*souvenirs sur la télé / passages sur sa femme et ses souvenirs pendant que le narrateur raconte.

Personnages :

       Jerold Bradwey (surnom Jerry), a changé l’orthographe de son prénom : narrateur de l’histoire. Instable, trouve que sa vie d’avant n’avait pas beaucoup de sens. Il ne se souvient même pas de pourquoi il a fait ce qui la mené dans ces lieux. Débat avec lui-même la valeur de l’argent.
       Norman Bloch : Voisin de box de Jerold. Plus vieux que lui, a plus d’expérience et d’ego. La prison ne lui déplaît pas, il se sent libre de ses pulsions personnelles, il est en paix.
       Feliks Zuber : Le plus âgés des détenus. Condamnation de sept cent vingt ans de réclusion. Il avait commis tellement de crimes qu’il nécessitait de le garder dans un environnement beaucoup plus strict, il ne reverra plus ce qu’il y a en dehors de la prison. Il possède des lunettes teintées, un survêtement violet, et des cheveux noirs qui sont comparés à la mort. Ce personnage, pourtant décrit comme souriant et vivant, est directement associé à la mort.
       Kate et Laurie (12 et 10 ans) : Les filles de Jerold et de la «mère» (nom inconnu). Elles présentent les nouvelles à la télé sur une chaîne pour enfant. Très appréciées des détenus.
       La mère de Kate et Laurie : Assez froide, peut-être en conflit avec Jerold. Elle est aussi intelligente, sournoise, tranchante. Soupçonnée d’écrire les textes de Kate et Laurie à la télé. Décrite comme le «cerveau de l’histoire».
       5 autres détenus
       3 femmes pour le parloir : Une d’entre elles est la supposée ex-femme de Jerold.

Costumes :

-Détenus : Dans la nouvelle c’est écrit que chaque détenu porte un survêtement dont la couleur indique son délit. On peut garder ça pour l’ironie dont Jerold parle et le fait que les détenus portent des couleurs vives peut contraster avec le fond foncé.
-Les gens en dehors de la prison : uniforme identique, car ils vivent tous pour la même chose, l’argent.
-Femme au parloir (supposée ex-femme) : une tunique mais toute en blanc, chaussure, vêtements etc…
-Laurie et Kate habillées comme des femmes, ce qui appuiera le fait que leurs paroles ne sont pas adaptées à leur âge. Tailleurs pantalon ternes (bruns ce serait bien), pour la gravité de leur émission mais avec des couettes ou une coiffure d’enfant.

Il faudrait décrire un plus le dispositif de jeu, les différentes séquences de la pièce : passage dialogués, passages narrés, projections etc. Vous ne dites pas assez quel est le propos de la pièce et donc l’on ne perçoit pas assez vos partis-pris de mise en scène.

Certains camarades présents à la visio conférence ont imaginé un spectacle déambulatoire dans un bâtiment désaffecté.

jeudi 11 juin 2020

Mon plus grand moment de liberté: contribution de Jade ( terminale)


Mon plus grand moment de liberté

            La liberté est pour moi un concept auquel j’aspire tout au long de ma vie. J’associe ce sentiment avec celui de profond bonheur et d’insouciance et pourtant je pense pouvoir dire honnêtement ne l’avoir que très peu ressenti au cours de ma vie. Et pourtant, pour une fois l’avoir connue , je cherche désespérément à retrouver cette sensation. Mon plus grand moment de liberté était un soir d’été durant mon séjour dans ma vieille maison de vacances en Bretagne. Située sur la côte en bord de mer, le vent était plus violent qu’à son habitude et le fait de rester enfermée à l’intérieur rendait l’atmosphère lugubre et austère. J’ai profité de cet instant de solitude pour sortir me promener sur les dunes comme à mon habitude. La tranquillité, l’ambiance et la fraîcheur du soir me font privilégier ce moment de la journée. Petit à petit, je suis descendue sur la plage pour sentir le sable humide et m’allonger. La mer était agitée et faisait émerger de belles vagues qui roulaient jusqu’à mes pieds. Je trouvais habituellement l’eau froide mais la fraîche température du soir créait un faible contraste entre les deux et elle me paraissait ainsi plus chaude. Prise par un élan de témérité, je décidais de m’avancer de plus en plus et très vite j’ai été ensevelie par les rouleaux de vagues. Une fois seule et totalement immergée au cœur de cette masse d’eau, j’ai pu ressentir une profonde sérénité qui contrastait avec l’agitation de la mer. Je me suis sentie à la fois invisible face à elle, malgré la puissance, je remontais toujours à la surface et paradoxalement j’avais cette sensation d’harmonie, de protection comme si elle m’enveloppait et me protégeait. Je ne pensais alors à rien si ce n’est à ce profond sentiment de liberté, à ce plaisir de se retrouver avec soi, de lâcher prise et au fait que rien ni personne ne pouvait interférer avec ce moment de bonheur et de solitude. Il s’agit d’un moment auquel je pense souvent mais il ne m’est jamais venu à l’idée de l’écrire. En le faisant, je ressens à nouveau ce plaisir. Celui de se concentrer sur les mots que j’écris en faisant abstraction de ce qui m’entoure. J’ai ainsi compris que cette liberté peut se trouver dans les moments les plus inattendus. Parfois, il s’agit pour moi simplement de lâcher prise, d’oser et de profiter des cadeaux que la vie peut nous donner.

mardi 9 juin 2020

Premières: Habiter la Cerisaie

« Habiter La Cerisaie, de Tchekhov » : voici le thème sur lequel les étudiants de CPGE du Lycée Lamartine ont travaillé avec leur professeure Valérie Judde et la metteuse en scène Catherine Umbdenstock en partenariat avec La Commune – CDN d’Aubervilliers.

Un premier exercice « Solo » a été réalisé au plateau : il s’agissait de présenter sous une forme très libre, un des personnages de la pièce et son rapport à l’espace de la Cerisaie. De là a découlé une distribution et un découpage de séquences, qui ont été mises en lecture, puis en espace au fur et à mesure des séances. À défaut d’une présentation publique de l’ensemble de leur travail, rendue impossible par le confinement, les étudiants ont réalisé un 2ème solo filmé, pour approfondir leur construction du personnage choisi.

Telle était la consigne de cet exercice hors-norme : « Placez votre personnage, seul, dans une situation qui aurait eu lieu avant le début de la pièce, ou après la fin de la pièce La Cerisaie. En gardant toujours l’accent sur le rapport de votre personnage à son espace : que faisait-il avant le retour à la Cerisaie (Acte I), ou après l’abattage des cerisiers (Acte IV) ? »
« Écrire un monologue, c’est expérimenter à la fois un chemin et une technique de l’inspiration, c’est comme entrer dans un jardin et décrire ce que nous voyons » Krystian Lupa

Voici les petits films réalisés par les élèves:
Habiter la Cerisaie

C'est à quelque chose comme cema que nous aurions pu arriver si vous vous étiez filmés en disant le journal de confinement de votre personnage sur quelques jours. c'est d'ailleurs encore possible de le réaliser.

dimanche 7 juin 2020

Cinq moments forts de l'histoire du théâtre

Sur Bosse ton bac avec Bowie créé pendant le confinement, un collègue tient une chronique sur cinq moments forts du théâtre

 le théâtre grec, le théâtre élizabethain, le théâtre classique français, le théâtre de l’absurde et le théâtre « distancié » de Brecht.

samedi 6 juin 2020

Premières: prochains cours

Pour ceux qui viendront au lycée: lundi 8 juin 12h45 à 15h15 salle 107

Pour tout le monde en visio conférence: lundi 8 juin16h

Des nouvelles du Gourbi Bleu la compagnie de Sandrine Pires

Je vous recommande de lire le dialogue entre Sandrine et Agathe, la présidente de l'association du Gourbi Bleu qui dit comment ces deux femmes ont ressenti lle confinement et la crise du Covid:

Des nouvelles du Gourbi Bleu

Vous aurez aussi des nouvelles de la tournée du Triptyque et d'un projet que sandrine met en route.

vendredi 5 juin 2020

Je ne suis pas votre nègre : documentaire sur James Baldwin

Plus que jamais d'actualité: james baldwin.
Disponible jusqu'au 12 juin sur Arte le très beau documentaire de Raoul Peck sur Baldwin:
Je ne suis pas votre nègre (87mn) (2015)


À partir des textes de l'écrivain noir américain James Baldwin (1924-1987), le cinéaste Raoul Peck revisite les années sanglantes de lutte pour les droits civiques, à travers notamment les assassinats de Martin Luther King Jr., Medgar Evers et Malcolm X. Un éblouissant réquisitoire sur la question raciale.
En juin 1979, l’auteur noir américain James Baldwin écrit à son agent littéraire pour lui raconter le livre qu'il prépare : le récit des vies et des assassinats de ses amis Martin Luther King Jr., Medgar Evers, membre de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), et Malcolm X. En l'espace de cinq années, leur mort a traumatisé une génération. En 1987, l'écrivain disparaît avant d'avoir achevé son projet. Il laisse un manuscrit de trente pages, Notes for Remember this House, que son exécuteur testamentaire confiera plus tard à Raoul Peck (L'école du pouvoir, Lumumba).

Colère froide
Avec pour seule voix la prose fiévreuse et combative de Baldwin, le cinéaste revisite les années sanglantes de lutte pour les droits civiques, les trois assassinats précités, et se penche sur la recrudescence actuelle de la violence envers les Noirs américains, ce qui confère une troublante actualité aux propos de l'écrivain. James Baldwin ne se contente pas de dénoncer les violences et les discriminations à l'égard des Noirs, la terreur dans laquelle lui et ses semblables vivent. Il s'attaque à ce qui, dans la culture américaine, et le cinéma hollywoodien en particulier, s'obstine à fausser la réalité : l'innocence factice, l'héroïsme côté blanc, la souffrance, la faiblesse côté noir, sans oublier les hypocrites scènes de réconciliations raciales. "Les Blancs doivent chercher à comprendre pourquoi la figure du nègre leur était nécessaire", assène-t-il lors d'une allocution télévisée. À ce commentaire, à mi-chemin entre colère froide et implacable réquisitoire, dit par JoeyStarr (Samuel L. Jackson assurant, lui, la version anglaise), répond, dans une alchimie impeccable, un fascinant flot d'images (reportages, archives, extraits de films, photos) qui nous propulse au cœur de l'identité américaine, voire occidentale, de ses cruautés et de ses faux-semblants. En plus de rendre hommage à un écrivain majeur, ce documentaire, primé à maintes reprises, offre un voyage saisissant au cœur d'une société américaine au bord de l'implosion. L'un des plus beaux films de Raoul Peck qui, à l'instar de Baldwin, porte sur son sujet un regard sensible et engagé.

mercredi 3 juin 2020

Notes sur la Cerisaie de Peter Brook pour lespremières ( analyse) 2


la «naturalité» des acteurs 

Bien évidemment, dans un théâtre qui refuse d'éblouir par les fastes du décor et des éclairages, l'acteur devient le pivot essentiel du spectacle. On peut dire que Brook a développé un nouvel art de l'acteur, mais il est particulièrement difficile de le définir parce que, comme toute l'esthétique brookienne, il se refuse à tout système.

Il est sûr que le naturel a été le but visé par les deux derniers spectacles (ce qui ne fut pas le cas de tous les précédents: là encore, Brook ne veut pas s'enfermer dans une forme fixe et rigide). 
De ce point de vue, la proximité acteurs-spectateurs exclut tout maquillage excessif (les hommes n'en ont pas, les femmes en ont selon la nécessité naturelle de leur rôle), toute tricherie sur les accessoires et les costumes. Ceux-ci ne ressemblent jamais à des costumes de théâtre. Ils ont toujours l'air d'avoir été déjà portés (quand ils ne paraissent pas carrément sortir d'un marché aux puces Le costume de Lopakhine dans la Cerisaie est incroyablement froissé: il témoigne du fait que le personnage vient de dormir tout habillé, comme il le dit lui-même.
bref, un naturel qui est le fruit du long travail de préparation qui a précédé, et non exactement de répétition, car Brook fait très peu répéter la même chose, afin d'éviter aux comédiens de se figer trop vite dans des effets. 
Jusqu'au dernier moment, la mise en scène n'est pas fixée: il ne cesse de la faire bouger, de demander aux acteurs d'essayer d'autres gestes, d'autres intentions, de modifier les déplacements et les positions. Et cette mobilité entraîne les acteurs à une invention sans cesse renouvelée, à une attention toujours soutenue, car le partenaire doit pouvoir trouver immédiatement une réponse adéquate à la nouvelle proposition. De là proviennent, pendant la représentation, cette concentration du jeu, des regards, cette communication profonde entre tous les acteurs en scène, cette intensité de la présence qui sont très particulières aux comédiens de Brook et qui donnent l'impression qu'ils habitent leur personnage (il faut voir Maurice Bénichou dans le rôle secondaire de Yacha: le regard, ironique ou veule, selon à qui il s'adresse, la manière de fumer le cigare suffisent à faire exister fortement ce personnage de valet snob). La souplesse des mouvements et des gestes fait croire à la spontanéité des acteurs. On n'a pas le sentiment que ceux-ci sont fixés d'avance.
 Dans la Cerisaie, en particulier, il y a un tel bouillonnement d'actions, les personnages sont souvent si agités, se levant, s'asseyant, courant dans tous les sens qu'il ne semble pas qu'un ordre préalable ait présidé à toute cette confusion et qu'on croit voir le surgissement même de la vie. C'est alors que la mise en scène devient transparente au public. Il est vrai que Brook n'impose pas les gestes: s'il en suggère, c'est au même titre que n'importe quel comédien
Il y a, d'une façon générale, de la part de Brook, une très grande méfiance pour les formes fixes. 
Déjà, dans l'Espace vide, il écrivait: «Le théâtre est un art auto-destructeur. Il est écrit sur le sable (...). Une mise en scène est établie et doit être reproduite — mais, du jour où elle est fixée, quelque chose d'invisible commence à mourir. 
  II n'est pas de ces metteurs en scène qui estiment leur travail achevé à la première représentation publique. Longtemps après, le travail continue sur le spec-tacle et des modifications peuvent y être apportées.

 Il lui paraît aussi quasi impossible d'appliquer à une pièce une forme préétablie (comme Ariane Mnouchkine décidant de monter RichardIII en s'inspirant du théâtre nô). Parler à travers un langage emprunté ne peut que bloquer la création, il faut que la forme jaillisse du travail concret et collectif sur le texte. Et l'on voit que, malgré des préférences. Brook ne s'enferme pas dans des principes rigides: si sa prédilection va aux pleins feux, il ne se refuse pas à user d'effets d'éclairage dans les deux derniers spectacles; alors que dans Ubu, l'usage de l'objet était surtout métaphorique, il est ici traité de manière réaliste (ce qui ne l'empêche pas de se charger de multiples connotations symboliques, au second degré); si, en général, Brook préfère des costumes hétérogènes parce que ce caractère, réunissant le présent et le passé, le proche et le lointain, universalise les personnages tout en les rapprochant de nous, il peut, comme dans Carmen pour Escamillo ou pour les personnages de la Cerisaie, choisir l'exacte reproduction historique, quand cela lui paraît nécessaire. Cette flexibilité esthétique doit aussi, par l'impression d'adéquation entre la pièce et son expression scénique, contribuer à rendre cette dernière évidente.

 
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