Un blog pour les élèves des options théâtre du Lycée Camille Sée à Colmar
jeudi 29 mars 2018
Jeudi 5 avril 14h45: rencontre avec un scénographe
La rencontre avec le scénographe Antonin Bouvret est confirmée le jeudi 5 avril à 14h45 salle 010. Tous les élèves de spé y sont conviés. Antonin exposera son métier, monterra des carnets de croquis et donnera des conseils à ceux qui veulent construire des maquettes et costumes.
mardi 27 mars 2018
J'étais dans ma maison... sujet de type2 .Photos de plateau
Sujet de type 2 sur J’étais dans ma maison et
j’attendais que la pluie vienne
Dans le synopsis qu’a écrit
Jean-Luc Lagarce pour sa pièce J’étais
dans la maison et j’attendais que la pluie vienne, lorsqu’il évoque les
lieux de la fable, il demeure assez vague : « la maison vers la fin
de l’été », « l’embrasure de la porte, sur le seuil dominant la
vallée », « je regardais la route », « il est dans sa
chambre, cette chambre où il vivait lorsqu’il était enfant ». Dans la
pièce elle –même aucune indication scénique précisant le lieu. Le metteur en
scène dispose donc d’une grande liberté pour imaginer l’espace scénique de
« cette lente pavane de femmes autour du lit d’un jeune homme
endormi ».
Après avoir étudié les
différentes scénographies que proposent les photos de plateau de mises en
scènes existantes, vous direz celle qui vous convient le mieux et proposerez
votre propre mise en espace pour J’étais
dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne…
1.Mise en scène catherine Decastel 2.Mise en scène Alain Le Doaoré 3.mise en scène Estelle Bordaçarre. 4. Mise en scène Chloé dabert, 5. Mise en scène Compagnie dame de compagnie 6. Mise en scène du théâtre de la Baraque.
samedi 24 mars 2018
Airs d'opéra célèbres pour le projet Figaro
Barbier de Séville: air de Figaro
air de la calomnie Don Basilio
Noces de Figaro:
Non piu andrai
Se vuol ballare
Chérubin: Voi che sapete
Non so piu
Air de la Comtesse: porgi amor
Ecoutez ces airs de telle sorte que vous puissiez les fredonner, les chanter sous la douche, pas à la manière d'un chanter d'opéra mais juste lalala
air de la calomnie Don Basilio
Noces de Figaro:
Non piu andrai
Se vuol ballare
Chérubin: Voi che sapete
Non so piu
Air de la Comtesse: porgi amor
Ecoutez ces airs de telle sorte que vous puissiez les fredonner, les chanter sous la douche, pas à la manière d'un chanter d'opéra mais juste lalala
Projet Figaro : choix des chansons
Chansons parmi lesquelles il faut en choisir 9 maximum pour le 6 avril
1.Toi et moi Guillaume Grand
2. Quatre mots sur un piano Patrick Fiori
3. Je recherche Mouss et charlie
4. As de Treiffle: A l'oreille de ta femme
5. I will survive
6. Intro des Noces de Figaro
7. Toi et moi Tryo ( option très forte de Chiara)
8. Dis quand reviebdras-tu ? De Barbara
9. Me too de Vin's
10. Tous les mêmes de Stromae
11. Formidable de Stromae
12. Paradis de oreslan
13. marry you Bruno mars
14. Confessions nocturnes
15. Lomepal Yeux disent
16. Egérie Nekfeu
17. Love and mariage Franck sinatra
18. Le grand jour Cali
19. Dernière danse Kyo
20. Putain vous ne m'aurez plus saez
21. Bang bang Nancy
22. guerre des roses Marie Plassard
23. Rude magic
24.Stand by me
25. Et j'entends le train Richard Antony
26. Carmen de stromae ( option de chiara)
27. pour un flirt avec la crise Tryo
28. Fiction Battle Bacce Crew
29. J'accuse saez
30. suicide social Oreslan
1.Toi et moi Guillaume Grand
2. Quatre mots sur un piano Patrick Fiori
3. Je recherche Mouss et charlie
4. As de Treiffle: A l'oreille de ta femme
5. I will survive
6. Intro des Noces de Figaro
7. Toi et moi Tryo ( option très forte de Chiara)
8. Dis quand reviebdras-tu ? De Barbara
9. Me too de Vin's
10. Tous les mêmes de Stromae
11. Formidable de Stromae
12. Paradis de oreslan
13. marry you Bruno mars
14. Confessions nocturnes
15. Lomepal Yeux disent
16. Egérie Nekfeu
17. Love and mariage Franck sinatra
18. Le grand jour Cali
19. Dernière danse Kyo
20. Putain vous ne m'aurez plus saez
21. Bang bang Nancy
22. guerre des roses Marie Plassard
23. Rude magic
24.Stand by me
25. Et j'entends le train Richard Antony
26. Carmen de stromae ( option de chiara)
27. pour un flirt avec la crise Tryo
28. Fiction Battle Bacce Crew
29. J'accuse saez
30. suicide social Oreslan
vendredi 23 mars 2018
L'acteur Laurent Stocker
Laurent Stocker est très présent dans le programme des spécialités: Acteur qui joue Figaro dans le Mariage de Figaro, mise en scène Christophe Rauck et Néron dans le Britannicus , mis en scène par Stéphane Braunschweig: Interview de Laurent Stocker dans l'émission de Joelle gayot sur France Culture
Il parle de Britannicus autour de la 19ème minute.
Il parle de Britannicus autour de la 19ème minute.
mercredi 21 mars 2018
Qu'est-ce qu'être spectateur?
Sur France Culture, Joelle Gaillot interroge Christian Ruby qui a écrit un livre intitulé Devenir Spectateur sur la question: Le spectateur
Figaro Divorce par la compagnie Lalalachamade en 2017
Il est toujours intéressant de comparer les partis pris de mises en scène, même si certaines compagnies ont moins de notoriété que d'autres: Site de la compagnie Lalalachamade
Captation de Figaro Divorce, mise en scène Christophe Rauck
Il faut regarder cette captation de la dernière mise en scène marquante de Figaro Divorce par Christophe rauck qui a aussi mis en scène Le Mariage de Figaro à la Comédie Française.
Nous la comparerons aux traces qu'il nous reste de la mise en scène de Jacques Lassalle.
Interview de Christiophe Rauck
Revue de presse de cette mise en scène
Dossier à explorer, une mine de renseignements sur la pièce et la mise en scène de Rauck
Nous la comparerons aux traces qu'il nous reste de la mise en scène de Jacques Lassalle.
Interview de Christiophe Rauck
Revue de presse de cette mise en scène
Dossier à explorer, une mine de renseignements sur la pièce et la mise en scène de Rauck
mardi 20 mars 2018
Parcours de spectateur en Terminale 2017/2018
Voici la liste des spectacles dont on devrait trouver trace dans le journal de bord ou qui peuvent donner lieu à une analyse complète :
TNS :
- Les
Bas Fonds de Gorki
-SOUBRESAUT de la Compagnie du radeau de
François Tanguy
-1993 de Julien Gosselin
Programme de la CDE
-Don Juan
revient de guerre: vendredi 29 septembre à 14h15, durée 1h20
-William's slam Jeudi 5 octobre à 19H, durée 1H 10
-En dessous de vos corps... Jeudi 5 octobre 20h30, durée 1h45 ( Vous avez donc deux spectacles de suite le jeudi 5 octobre, un petit marathon de théâtre)
-Juliette et les années 70, jeudi 19 octobre 19h, durée 1h10
-Fkzictions mercredi 15 novembre 20h30, durée 1h30
-Prométhée enchaîné, les Suppliantes, jeudi 14 décembre à 19h, deux fois 45 minutes avec entracte de 15mn
-L'Ecole des Femmes, mercredi 20 décembre à 20h30, durée 2h
-Lune Jaune,jeudi 25 janvier 19h, durée 1h40
-Polyeucte, mercredi 14 mars à 20H 30 durée 1H55
-Les Chaises Vendredi 6 avril à 20h30, durée 1H30
-William's slam Jeudi 5 octobre à 19H, durée 1H 10
-En dessous de vos corps... Jeudi 5 octobre 20h30, durée 1h45 ( Vous avez donc deux spectacles de suite le jeudi 5 octobre, un petit marathon de théâtre)
-Juliette et les années 70, jeudi 19 octobre 19h, durée 1h10
-Fkzictions mercredi 15 novembre 20h30, durée 1h30
-Prométhée enchaîné, les Suppliantes, jeudi 14 décembre à 19h, deux fois 45 minutes avec entracte de 15mn
-L'Ecole des Femmes, mercredi 20 décembre à 20h30, durée 2h
-Lune Jaune,jeudi 25 janvier 19h, durée 1h40
-Polyeucte, mercredi 14 mars à 20H 30 durée 1H55
-Les Chaises Vendredi 6 avril à 20h30, durée 1H30
+ Noces de
Figaro de Mozart, mise en scène Lacascade à la Filature de Mulhouse
+
Surexposition d’Aurore Jacob, mise en espace Quentin Méténier avec les élèves
de 3ème cycle du Conservatoire de Colmar pour le Comité de lecture
de la CDE
+
Prolongement du Projet Utopies 2.0 de Laurent Crovella en première avec représentations de
May be/Peut-être au lycée même
+Présentation de travaux des premières de spécialité: Projet Molière
Des formations en ligne ( Mooc) sur la mise en scène
L'école de théâtre Charles Dullin propose en ligne des formations à la mise en scène certaines gratuites, d'autres payantes donnant lieu à une certification.
SESSION DU 24 AVRIL AU 19 JUIN 2018
La direction d'acteur par Valérie Dréville
Cliquez sur Les Moocs pour voir tous les cours proposés:
Mettre en scène est un métier
L'espace
dans la rubrique Ressources du site, une série de conférences.
Eric Ruf, comédien, metteur en scène, scénographe et directeur de la Comédie Française
SESSION DU 24 AVRIL AU 19 JUIN 2018
La direction d'acteur par Valérie Dréville
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Mettre en scène est un métier
L'espace
dans la rubrique Ressources du site, une série de conférences.
Eric Ruf, comédien, metteur en scène, scénographe et directeur de la Comédie Française
Le calendrier de fin d'année pour le théâtre en Terminale spé
Bac: Ecrit lundi 25 juin
Oral: 26 et 27 juin ( Voir les convocations mais tout le groupe doit être présent ensemble)
Oraux de rattrapage: 5 juillet
Remise des dossiers numérisés en format PDF: 1er juin
Contenu:1. Parcours de pratique: -synthèses sur chaque projet
- Extraits significatifs du journal de bord des séances ( au moins trois séances par projet). Si vous avez fait un journal de bord numérisé , vous pouvez tout mettre.
2. Parcours du spectateur: Deux analyses complètes et détaillées.
Traces de spectacles: au moins trois autres.
3. Approfondissement personnel: problématique universitaire, enquête, réécriture ( donc tout ce qui peut se présenter sous format texte): 15 pages
Si objets construits: maquette de scénographie, costumes, film: 5 pages pour présenter le travail avec photos, illustrations.
Ce dossier numérisé doit permettre au correcteur de préparer la deuxième phase de l'oral qui est un entretien. ( 8 points). Aucun délai supplémentaire ne sera accordé pour mettre en ligne les fichiers que vous allez remettre.
Le 14 juin, il faudra déposer au lycée Camille See les originaux des journaux de bord et les objets créés pour l'approfondissement le cas échéant. Le correcteur est susceptible de venir les examiner avant la date de l'oral.
Les présentations de travaux à la CDE auront lieu le jeudi 31 mai et le vendredi 1 er juin à 20H.
La semaine de répétition commence le lundi 28 mai, le calendrier suivra. La générale aura lieu le mercredi 30 mai à 20h sans public.
Oral: 26 et 27 juin ( Voir les convocations mais tout le groupe doit être présent ensemble)
Oraux de rattrapage: 5 juillet
Remise des dossiers numérisés en format PDF: 1er juin
Contenu:1. Parcours de pratique: -synthèses sur chaque projet
- Extraits significatifs du journal de bord des séances ( au moins trois séances par projet). Si vous avez fait un journal de bord numérisé , vous pouvez tout mettre.
2. Parcours du spectateur: Deux analyses complètes et détaillées.
Traces de spectacles: au moins trois autres.
3. Approfondissement personnel: problématique universitaire, enquête, réécriture ( donc tout ce qui peut se présenter sous format texte): 15 pages
Si objets construits: maquette de scénographie, costumes, film: 5 pages pour présenter le travail avec photos, illustrations.
Ce dossier numérisé doit permettre au correcteur de préparer la deuxième phase de l'oral qui est un entretien. ( 8 points). Aucun délai supplémentaire ne sera accordé pour mettre en ligne les fichiers que vous allez remettre.
Le 14 juin, il faudra déposer au lycée Camille See les originaux des journaux de bord et les objets créés pour l'approfondissement le cas échéant. Le correcteur est susceptible de venir les examiner avant la date de l'oral.
Les présentations de travaux à la CDE auront lieu le jeudi 31 mai et le vendredi 1 er juin à 20H.
La semaine de répétition commence le lundi 28 mai, le calendrier suivra. La générale aura lieu le mercredi 30 mai à 20h sans public.
dimanche 18 mars 2018
Tout savoir sur Mme de Lafayette , auteur de la Princesse de Montpensier
Une façon intéressante de réviser sur France Culture: Mme de Lafayette pour les TL
samedi 17 mars 2018
la Direction d'acteur selon le metteur en scène Alain Françon
Qu'est-ce que la direction d'acteur selon Alain Françon? Emission de France Culture Joelle Gayot.
Extraits de la conférence de Monsieur Fischer sur Polyeucte
Théâtre et religion.
Si toutes les sociétés humaines connaissent des rituels religieux (même la nôtre, encore quoique sans doute grandement édulcorés), elles n’ont pas toutes inventé du théâtre. Par exemple, l’Islam sunnite n’a produit aucun théâtre contrairement à l’Inde, la Chine, le Japon, l’Indonésie. Je fais évidemment référence au Kathakali, bunraku, kabuki, opéra chinois, théâtre balinais et bien d’autres.
Il est convenu aussi de considérer que ces théâtres sont largement issus de rituels religieux, en relation avec une dimension sacrée dont ils gardent très souvent encore des marques, ne serait-ce que dans la manifestation d’une forme figée, intemporelle que l’on reconnaît dans les masques, les gestes, les danses, les paroles proférées. Le théâtre occidental, comme nous l’avons vu la dernière fois avec la tragédie grecque, provient lui aussi d’un rituel relatant les souffrances du dieu Dionysos, le dithyrambe. D’ailleurs la pierre sacrificielle, le thymélé, au centre de l’orchestra en témoigne.
Toutefois quel que soit l’aspect déjà théâtral de tout rituel, religieux, politique ou social, le théâtre (c’est d’ailleurs son étymologie) rassemble des spectateurs et ne réunit pas des fidèles, suppose des acteurs et non des prêtres et des officiants et enfin nécessite une prise de distance et de la réflexion par rapport à ce que l’on voit. En ce sens Brecht dira que « la tragédie sort du culte, mais justement elle en sort ».
Pourtant cette « sortie » n’a jamais été ni simple ni définitive. Tout comme il y a du théâtre dans tout rituel, il reste un fond de sacré dans le théâtre. N’a -t-on pas vu au XXème siècle de larges tentatives pour remobiliser l’origine sacrificielle du théâtre à la suite d’Antonin Artaud qui avait reçu le choc du théâtre balinais en 1931.
Mais l’exemple le plus frappant de cet échange possible entre spectateurs et fidèles est pour moi l’installation proposée par Abbas Kiarostami, le grand cinéaste iranien (décédé en 2016) d’abord à Rome, puis en France. Il s’agit du Tazieh iranien.( islam chiite)
video sur le Tazieh
Article sur le Tazieh
Le réalisateur iranien Abbas Kiastoramis a d'ailleurs utilisé le tazieh dans l'une de ses installations artistiques:installation à Paris et Venise en 2004
Comment le Christianisme a-t-il réagi à ce pouvoir du théâtre qui permet de toucher des foules, d’en tirer des larmes ou du rire, de produire ou de contrôler des émotions ?
On dira pour faire vite que c’est dans une véritable ambivalence que la tradition chrétienne a su à la fois condamner le théâtre et s’en servir à son profit.
Partons de la condamnation.
Elle apparaît très tôt chez les Pères de l’Eglise, à Carthage ou à Antioche, chez Tertullien, Théophile d’Antioche, Saint Jean Chrysostome, et s’adresse à cette société des jeux qu’était l’empire romain finissant, et plus particulièrement les jeux dits grecs, reprises des tragédies et comédies païennes souvent dans des conditions spectaculaires.
L’argument central porte sur l’imitation (selon une logique platonicienne). Imiter, c’est produire du faux et le faire passer pour vrai, séduire par des illusions ou encore comme le dit Tertullien dans
son essai Contre les spectacles (en ce moment mis en scène à Paris) : « Toute imitation attente à la dignité de la création divine ». Elle s’avère donc l’œuvre du diable. Le seul spectacle acceptable est celui, attendu, de la gloire de Dieu ou de la fin du monde lorsqu’on verra philosophes et histrions rôtir en enfer.
Plus diabolique encore est l’acteur qui, impudique, se met en scène devant les autres, joue à ce qu’il n’est pas, prend toutes les formes pour séduire alors qu’il n’est rien et qui, non content de se travestir en femmes, leur ressemble et se prostitue ouvertement.
C’est évidemment à partir de là qu’on peut comprendre le statut de réprouvé qui a été celui du comédien, soumis à l’excommunication jusque très tard. A sa décharge, il faut ajouter aussi que l’Eglise ne fait que reprendre cette particularité romaine qu’est l’infamie des acteurs. Contrairement au théâtre citoyen de la Grèce, les gens de spectacle à Rome étaient frappés d’incapacité juridique et morale, globalement déshonorés au même titre que les gladiateurs et les prostitué(e)s.
Les textes des Pères de l’Eglise reprennent cette condamnation des acteurs en insistant tout particulièrement sur le travestissement et la féminisation des acteurs. Rien de pire qu’une femme sur scène ou un acteur qui nous séduit par sa duplicité. Véritable œuvre du diable, le théâtre nous égare et nous fourvoie. Bien entendu, la morale chrétienne ne fait ici que se conformer à un interdit beaucoup plus large (puisqu’il a cours au Japon, en Chine et ailleurs), un interdit qui concerne la présence des femmes sur scène.
En Europe, les premières femmes montent sur scène au cours du 16ème siècle dans le cadre de la Commedia d’ell’ Arte italienne2, un théâtre masqué. Au grand dam du clergé.
Et puis, comme rien n’est jamais simple, il y a l’envers de cette condamnation.
Il y eut en même temps un immense théâtre chrétien issu de la Passion du Christ.
Sans doute déjà en gestation dès le quatrième siècle, ce théâtre ne prendra véritablement sa dimension qu’au cours du Moyen-Age (à partir du 11ème siècle), passant de l’intérieur de l’Eglise au parvis (les miracles) jusqu’aux grandes places publiques qui rassemblent au cours du quinzième siècle des milliers de personnes pendant plus d’une semaine autour de Noël, de Pâques ou de la Pentecôte. On joue des textes de 30000 vers. Le peuple lui-même incarne les personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Dans ce cas nulle condamnation pour des acteurs occasionnels. Ces Mystères, ces grandes cérémonies (c’est le sens du mot Mystère) théâtrales populaires ont souvent fait rêver aujourd’hui. Fonctionnant sous forme de tableaux, ces cérémonies se présentaient selon un dispositif de mansions, des sortes de maisons figurant le ciel, l’enfer et autres lieux. Farce et tragique étaient liés entretenant une forte cohésion sociale dans le rire et la pitié, une sorte de communion religieuse festive.
Exemple du martyre de Sainte Apolline de Jean Fouquet
Bien sûr, c’était aussi l’occasion de troubles, de vols, parfois de rixes et de crimes. Pour toutes ces raisons les mystères furent interdits en 1548 par le Parlement de Paris. On attribua aux Confrères de la Passion la seule salle de théâtre de Paris : l’Hôtel de Bourgogne où se joueront surtout des farces et des bouffonneries.
Mais ce même 16ème siècle voit aussi le développement du théâtre dans les lieux d’enseignement, dans les collèges, humanisme oblige.
Ici, il importe de faire une mention particulière en ce qui concerne l’éducation protestante. Laissons pour l’instant, Paris. Dès les années 1530, à Strasbourg, Jean Sturm introduit la pratique du théâtre en troisième au Gymnase. Il s’agit de former les collégiens aux textes latins et grecs, mais aussi de revenir au christianisme originel par l’art du théâtre et la musique.
Et très vite, ce sont les Jésuites qui, dans toute l’Europe prennent le relais. L’apprentissage du théâtre devient un élément central de leur système éducatif, le Ratio Studiorum. On écrit, on joue du théâtre dans tous les collèges (salle des Actes au lycée du lycée Bartholdi). Il s’agit d’éduquer à la morale et à la foi chrétienne par le théâtre.
Position plutôt aristotélicienne vis à vis de la mimesis, imiter éduque et apprend. Il s’agit de se frotter aux passions pour mieux les comprendre et les rectifier et non pour les répéter ou s’y complaire (comme le croient les dévots et bientôt les jansénistes). Plus même, l’époque est à la contre Réforme3 et au baroque pour lequel le monde est un théâtre où sous le regard divin chacun doit jouer son rôle. Ce théâtre triomphe en Espagne et en Angleterre.
La pratique du théâtre chez les Jésuites est toutefois moins pensée pour l’édification des spectateurs que pour celle des acteurs qui se mesurent ainsi aux martyrs et aux saints de la tradition hagiographique.
La pièce la plus emblématique de toute cette période (et qui doit beaucoup aux Jésuites) est incontestablement le Véritable Saint Genest de Rotrou (1645). Dans la pièce le comédien romain Genest doit jouer devant l’empereur Dioclétien, persécuteur des chrétiens, le rôle d’Adrien converti au christianisme et condamné à mort. A mesure que la pièce avance, Genest s’identifie à son personnage et proclame réellement sa nouvelle foi sur scène. L’acteur sera exécuté.
Théâtre dans le théâtre, la pièce prend surtout acte de la puissance du théâtre, de son pouvoir sur les esprits.
C’est dans ce contexte que Corneille déjà célèbre, ancien élève des Jésuites à Rouen et qui bientôt se consacrera longuement à la traduction en vers français de l’Imitation de Jésus Christ, écrit Polyeucte martyr, tragédie chrétienne. (...)
Si toutes les sociétés humaines connaissent des rituels religieux (même la nôtre, encore quoique sans doute grandement édulcorés), elles n’ont pas toutes inventé du théâtre. Par exemple, l’Islam sunnite n’a produit aucun théâtre contrairement à l’Inde, la Chine, le Japon, l’Indonésie. Je fais évidemment référence au Kathakali, bunraku, kabuki, opéra chinois, théâtre balinais et bien d’autres.
Il est convenu aussi de considérer que ces théâtres sont largement issus de rituels religieux, en relation avec une dimension sacrée dont ils gardent très souvent encore des marques, ne serait-ce que dans la manifestation d’une forme figée, intemporelle que l’on reconnaît dans les masques, les gestes, les danses, les paroles proférées. Le théâtre occidental, comme nous l’avons vu la dernière fois avec la tragédie grecque, provient lui aussi d’un rituel relatant les souffrances du dieu Dionysos, le dithyrambe. D’ailleurs la pierre sacrificielle, le thymélé, au centre de l’orchestra en témoigne.
Toutefois quel que soit l’aspect déjà théâtral de tout rituel, religieux, politique ou social, le théâtre (c’est d’ailleurs son étymologie) rassemble des spectateurs et ne réunit pas des fidèles, suppose des acteurs et non des prêtres et des officiants et enfin nécessite une prise de distance et de la réflexion par rapport à ce que l’on voit. En ce sens Brecht dira que « la tragédie sort du culte, mais justement elle en sort ».
Pourtant cette « sortie » n’a jamais été ni simple ni définitive. Tout comme il y a du théâtre dans tout rituel, il reste un fond de sacré dans le théâtre. N’a -t-on pas vu au XXème siècle de larges tentatives pour remobiliser l’origine sacrificielle du théâtre à la suite d’Antonin Artaud qui avait reçu le choc du théâtre balinais en 1931.
Mais l’exemple le plus frappant de cet échange possible entre spectateurs et fidèles est pour moi l’installation proposée par Abbas Kiarostami, le grand cinéaste iranien (décédé en 2016) d’abord à Rome, puis en France. Il s’agit du Tazieh iranien.( islam chiite)
video sur le Tazieh
Article sur le Tazieh
Le réalisateur iranien Abbas Kiastoramis a d'ailleurs utilisé le tazieh dans l'une de ses installations artistiques:installation à Paris et Venise en 2004
Comment le Christianisme a-t-il réagi à ce pouvoir du théâtre qui permet de toucher des foules, d’en tirer des larmes ou du rire, de produire ou de contrôler des émotions ?
On dira pour faire vite que c’est dans une véritable ambivalence que la tradition chrétienne a su à la fois condamner le théâtre et s’en servir à son profit.
Partons de la condamnation.
Elle apparaît très tôt chez les Pères de l’Eglise, à Carthage ou à Antioche, chez Tertullien, Théophile d’Antioche, Saint Jean Chrysostome, et s’adresse à cette société des jeux qu’était l’empire romain finissant, et plus particulièrement les jeux dits grecs, reprises des tragédies et comédies païennes souvent dans des conditions spectaculaires.
L’argument central porte sur l’imitation (selon une logique platonicienne). Imiter, c’est produire du faux et le faire passer pour vrai, séduire par des illusions ou encore comme le dit Tertullien dans
son essai Contre les spectacles (en ce moment mis en scène à Paris) : « Toute imitation attente à la dignité de la création divine ». Elle s’avère donc l’œuvre du diable. Le seul spectacle acceptable est celui, attendu, de la gloire de Dieu ou de la fin du monde lorsqu’on verra philosophes et histrions rôtir en enfer.
Plus diabolique encore est l’acteur qui, impudique, se met en scène devant les autres, joue à ce qu’il n’est pas, prend toutes les formes pour séduire alors qu’il n’est rien et qui, non content de se travestir en femmes, leur ressemble et se prostitue ouvertement.
C’est évidemment à partir de là qu’on peut comprendre le statut de réprouvé qui a été celui du comédien, soumis à l’excommunication jusque très tard. A sa décharge, il faut ajouter aussi que l’Eglise ne fait que reprendre cette particularité romaine qu’est l’infamie des acteurs. Contrairement au théâtre citoyen de la Grèce, les gens de spectacle à Rome étaient frappés d’incapacité juridique et morale, globalement déshonorés au même titre que les gladiateurs et les prostitué(e)s.
Les textes des Pères de l’Eglise reprennent cette condamnation des acteurs en insistant tout particulièrement sur le travestissement et la féminisation des acteurs. Rien de pire qu’une femme sur scène ou un acteur qui nous séduit par sa duplicité. Véritable œuvre du diable, le théâtre nous égare et nous fourvoie. Bien entendu, la morale chrétienne ne fait ici que se conformer à un interdit beaucoup plus large (puisqu’il a cours au Japon, en Chine et ailleurs), un interdit qui concerne la présence des femmes sur scène.
En Europe, les premières femmes montent sur scène au cours du 16ème siècle dans le cadre de la Commedia d’ell’ Arte italienne2, un théâtre masqué. Au grand dam du clergé.
Et puis, comme rien n’est jamais simple, il y a l’envers de cette condamnation.
Il y eut en même temps un immense théâtre chrétien issu de la Passion du Christ.
Sans doute déjà en gestation dès le quatrième siècle, ce théâtre ne prendra véritablement sa dimension qu’au cours du Moyen-Age (à partir du 11ème siècle), passant de l’intérieur de l’Eglise au parvis (les miracles) jusqu’aux grandes places publiques qui rassemblent au cours du quinzième siècle des milliers de personnes pendant plus d’une semaine autour de Noël, de Pâques ou de la Pentecôte. On joue des textes de 30000 vers. Le peuple lui-même incarne les personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Dans ce cas nulle condamnation pour des acteurs occasionnels. Ces Mystères, ces grandes cérémonies (c’est le sens du mot Mystère) théâtrales populaires ont souvent fait rêver aujourd’hui. Fonctionnant sous forme de tableaux, ces cérémonies se présentaient selon un dispositif de mansions, des sortes de maisons figurant le ciel, l’enfer et autres lieux. Farce et tragique étaient liés entretenant une forte cohésion sociale dans le rire et la pitié, une sorte de communion religieuse festive.
Exemple du martyre de Sainte Apolline de Jean Fouquet
Bien sûr, c’était aussi l’occasion de troubles, de vols, parfois de rixes et de crimes. Pour toutes ces raisons les mystères furent interdits en 1548 par le Parlement de Paris. On attribua aux Confrères de la Passion la seule salle de théâtre de Paris : l’Hôtel de Bourgogne où se joueront surtout des farces et des bouffonneries.
Mais ce même 16ème siècle voit aussi le développement du théâtre dans les lieux d’enseignement, dans les collèges, humanisme oblige.
Ici, il importe de faire une mention particulière en ce qui concerne l’éducation protestante. Laissons pour l’instant, Paris. Dès les années 1530, à Strasbourg, Jean Sturm introduit la pratique du théâtre en troisième au Gymnase. Il s’agit de former les collégiens aux textes latins et grecs, mais aussi de revenir au christianisme originel par l’art du théâtre et la musique.
Et très vite, ce sont les Jésuites qui, dans toute l’Europe prennent le relais. L’apprentissage du théâtre devient un élément central de leur système éducatif, le Ratio Studiorum. On écrit, on joue du théâtre dans tous les collèges (salle des Actes au lycée du lycée Bartholdi). Il s’agit d’éduquer à la morale et à la foi chrétienne par le théâtre.
Position plutôt aristotélicienne vis à vis de la mimesis, imiter éduque et apprend. Il s’agit de se frotter aux passions pour mieux les comprendre et les rectifier et non pour les répéter ou s’y complaire (comme le croient les dévots et bientôt les jansénistes). Plus même, l’époque est à la contre Réforme3 et au baroque pour lequel le monde est un théâtre où sous le regard divin chacun doit jouer son rôle. Ce théâtre triomphe en Espagne et en Angleterre.
La pratique du théâtre chez les Jésuites est toutefois moins pensée pour l’édification des spectateurs que pour celle des acteurs qui se mesurent ainsi aux martyrs et aux saints de la tradition hagiographique.
La pièce la plus emblématique de toute cette période (et qui doit beaucoup aux Jésuites) est incontestablement le Véritable Saint Genest de Rotrou (1645). Dans la pièce le comédien romain Genest doit jouer devant l’empereur Dioclétien, persécuteur des chrétiens, le rôle d’Adrien converti au christianisme et condamné à mort. A mesure que la pièce avance, Genest s’identifie à son personnage et proclame réellement sa nouvelle foi sur scène. L’acteur sera exécuté.
Théâtre dans le théâtre, la pièce prend surtout acte de la puissance du théâtre, de son pouvoir sur les esprits.
C’est dans ce contexte que Corneille déjà célèbre, ancien élève des Jésuites à Rouen et qui bientôt se consacrera longuement à la traduction en vers français de l’Imitation de Jésus Christ, écrit Polyeucte martyr, tragédie chrétienne. (...)
Réflexions sur Polyeucte de Corneille
Il est possible aussi de résumer la pièce autrement :
Félix, gouverneur romain d’Arménie a une fille Pauline qui, soumise à la volonté de son père a renoncé à son amour pour Sévère qui n’était pas d’un rang assez convenable. En bonne fille, elle a épousé un noble arménien Polyeucte qu’elle finit par aimer d’un amour sincère, même si elle n’oublie pas Sévère. La pièce s’ouvre sur le songe/cauchemar de Pauline où elle voit son mari mis à mort devant Sévère.
Et justement Sévère devenu le protégé de l’empereur vient en Arménie pour fêter ses dernières victoires lors d’un sacrifice aux dieux païens.
Au même moment, Polyeucte fraîchement converti par Néarque se fait baptiser en secret et décide de détruire les idoles en public lors du sacrifice. Néarque est exécuté sur le champ.
On cherche à sauver Polyeucte qui décide toutefois de mourir en martyr non sans avoir au préalable « cédé » Pauline à Sévère.
Finalement, après l’exécution de Polyeucte, Pauline et Félix se convertissent au christianisme tandis que Sévère se révèle le seul personnage mesuré de l’histoire, il tente d’apaiser les passions et prône la tolérance envers les chrétiens.
Texte de Nietzsche que Brigitte Jaques-Wajeman a rajouté à la fin
Nietzsche L’Antéchrist
« Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d’une cause, cela est si peu vrai que je voudrais nier qu’un martyr eut jamais le moindre rapport avec la vérité. Dans le ton avec lequel un martyr jette à la tête du monde sa certitude, s’exprime déjà un si bas degré de rectitude
intellectuelle, une telle stupidité devant le problème « vérité », qu’un martyr ne vaut jamais la peine qu’on le réfute.
(...) Les martyrs, soit dit en passant furent un grand malheur dans l’histoire, ils séduisirent...Déduire comme font tous les idiots (...) qu’une cause pour laquelle un homme accepte la mort (ou même comme pour le premier christianisme), qui provoque des épidémies d’envie de mort, doit bien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein pour l’examen, pour l’esprit d’examen et la prudence. Les martyrs portèrent atteinte à la vérité...
Comment ! Que l’on donne sa vie pour une cause, est-ce que cela change quelque chose à sa valeur ?
Les martyrs tracèrent sur le chemin qu’ils suivaient des signes de sang et leur folie enseignait que la vérité se prouve avec du sang.
Mais le sang est le plus mauvais témoin de la vérité, le sang est un poison qui change la doctrine la plus pure en délire, en haine des cœurs.
Et quand on irait traverser le feu pour sa doctrine, qu’est-ce que cela prouve ?
Extraits de la conférence de Monsieur Fischer à la Médiathèque Gerrer:
La pièce a été créée, sans doute en 1641/421 au théâtre du Marais à Paris, elle traite de la rapidité et des effets d’une conversion au christianisme dans les premiers temps de notre ère, sous l’empire romain, d’un jeune noble arménien Polyeucte, devenant un saint et un martyr, connu essentiellement par le théâtre.
En ce sens, et par sa dimension de tragédie chrétienne, Polyeucte a une place un peu singulière dans l’œuvre de Corneille, au moment de sa grande maturité, elle fait suite aux tragédies dites romaines : Horace, Cinna, Pompée où s’affirme la figure du héros cornélien.
Présente pendant longtemps parmi l’étude des classiques au lycée où elle fonctionnait comme trait d’union entre « la France fille aînée de l’Eglise » et son éducation laïque, la pièce s’est faite beaucoup plus discrète et est finalement assez peu représentée.
La mise en scène de Brigitte Jacques-Wajemann a pris le parti de montrer dans cette tragédie la manifestation et les ravages du fanatisme religieux où un homme jeune, fraîchement marié s’exalte à l’idée de mourir pour son dieu et une vie éternelle après avoir détruit les idoles romaines :
« Allons, mon cher Néarque, allons aux yeux des hommes
Braver l’idolâtrie, et montrer qui nous sommes;
C’est l’attente du ciel, il nous faut la remplir,
Je viens de le promettre, et je vais l’accomplir. »
Comment ne pas faire le parallèle avec des événements récents, Bâmiyân, Mossoul, Tombouctou, Palmyre etc. ?
Félix, gouverneur romain d’Arménie a une fille Pauline qui, soumise à la volonté de son père a renoncé à son amour pour Sévère qui n’était pas d’un rang assez convenable. En bonne fille, elle a épousé un noble arménien Polyeucte qu’elle finit par aimer d’un amour sincère, même si elle n’oublie pas Sévère. La pièce s’ouvre sur le songe/cauchemar de Pauline où elle voit son mari mis à mort devant Sévère.
Et justement Sévère devenu le protégé de l’empereur vient en Arménie pour fêter ses dernières victoires lors d’un sacrifice aux dieux païens.
Au même moment, Polyeucte fraîchement converti par Néarque se fait baptiser en secret et décide de détruire les idoles en public lors du sacrifice. Néarque est exécuté sur le champ.
On cherche à sauver Polyeucte qui décide toutefois de mourir en martyr non sans avoir au préalable « cédé » Pauline à Sévère.
Finalement, après l’exécution de Polyeucte, Pauline et Félix se convertissent au christianisme tandis que Sévère se révèle le seul personnage mesuré de l’histoire, il tente d’apaiser les passions et prône la tolérance envers les chrétiens.
Texte de Nietzsche que Brigitte Jaques-Wajeman a rajouté à la fin
Nietzsche L’Antéchrist
« Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d’une cause, cela est si peu vrai que je voudrais nier qu’un martyr eut jamais le moindre rapport avec la vérité. Dans le ton avec lequel un martyr jette à la tête du monde sa certitude, s’exprime déjà un si bas degré de rectitude
intellectuelle, une telle stupidité devant le problème « vérité », qu’un martyr ne vaut jamais la peine qu’on le réfute.
(...) Les martyrs, soit dit en passant furent un grand malheur dans l’histoire, ils séduisirent...Déduire comme font tous les idiots (...) qu’une cause pour laquelle un homme accepte la mort (ou même comme pour le premier christianisme), qui provoque des épidémies d’envie de mort, doit bien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein pour l’examen, pour l’esprit d’examen et la prudence. Les martyrs portèrent atteinte à la vérité...
Comment ! Que l’on donne sa vie pour une cause, est-ce que cela change quelque chose à sa valeur ?
Les martyrs tracèrent sur le chemin qu’ils suivaient des signes de sang et leur folie enseignait que la vérité se prouve avec du sang.
Mais le sang est le plus mauvais témoin de la vérité, le sang est un poison qui change la doctrine la plus pure en délire, en haine des cœurs.
Et quand on irait traverser le feu pour sa doctrine, qu’est-ce que cela prouve ?
Extraits de la conférence de Monsieur Fischer à la Médiathèque Gerrer:
La pièce a été créée, sans doute en 1641/421 au théâtre du Marais à Paris, elle traite de la rapidité et des effets d’une conversion au christianisme dans les premiers temps de notre ère, sous l’empire romain, d’un jeune noble arménien Polyeucte, devenant un saint et un martyr, connu essentiellement par le théâtre.
En ce sens, et par sa dimension de tragédie chrétienne, Polyeucte a une place un peu singulière dans l’œuvre de Corneille, au moment de sa grande maturité, elle fait suite aux tragédies dites romaines : Horace, Cinna, Pompée où s’affirme la figure du héros cornélien.
Présente pendant longtemps parmi l’étude des classiques au lycée où elle fonctionnait comme trait d’union entre « la France fille aînée de l’Eglise » et son éducation laïque, la pièce s’est faite beaucoup plus discrète et est finalement assez peu représentée.
La mise en scène de Brigitte Jacques-Wajemann a pris le parti de montrer dans cette tragédie la manifestation et les ravages du fanatisme religieux où un homme jeune, fraîchement marié s’exalte à l’idée de mourir pour son dieu et une vie éternelle après avoir détruit les idoles romaines :
« Allons, mon cher Néarque, allons aux yeux des hommes
Braver l’idolâtrie, et montrer qui nous sommes;
C’est l’attente du ciel, il nous faut la remplir,
Je viens de le promettre, et je vais l’accomplir. »
Comment ne pas faire le parallèle avec des événements récents, Bâmiyân, Mossoul, Tombouctou, Palmyre etc. ?
Le Théâtre du radeau de François Tanguy
Pour ceux qui voudraient mieux approcher le travail du théâtre du radeau après la perplexité laissée en vous par le spectacle Soubresaut.
Site de la compagnie
Textes qui figurent dans le spectacle
Notes de François Tanguy sur le stableaux qui ont inspiré le spectacle
Article sur la démarche du Théâtre du radeau
"Chez François Tanguy, les images ne se figent jamais: elles sont en constante métamorphose, produites par le réagencement de cadres, panneaux, objets, planches. L’accumulation, l’encombrement et la variation viennent nous suggérer qu’il n’y a pas de sujet à traiter, de déclaration à faire, si ce n’est d’être le témoin d’un récit qui s’affirme dans ses hésitations. «Qui va nous raconter comment on va s’en sortir et si on va encore pouvoir s’en sortir?». Superposant les langues et les siècles, les spectacles du Théâtre du Radeau construisent une mémoire qui se propulse vers l’avant, composée de mots proférés il y a des centaines d’années. Les personnages sont tout à la fois corps et spectres, habitants d’un songe éveillé, dansant sur un plateau instable à la recherche de son horizontalité. Un horizon qui, s’il reste incertain, nous fait vivre un théâtre qui ne cesse de repenser son temps et son lieu."
La Critique de JP Thibaudat qui peut éclairer le ressenti
Article de Yannick Butel dans la revue L'Insensé
Soubresauts: une puissance de déplacement
Site de la compagnie
Textes qui figurent dans le spectacle
Notes de François Tanguy sur le stableaux qui ont inspiré le spectacle
Article sur la démarche du Théâtre du radeau
"Chez François Tanguy, les images ne se figent jamais: elles sont en constante métamorphose, produites par le réagencement de cadres, panneaux, objets, planches. L’accumulation, l’encombrement et la variation viennent nous suggérer qu’il n’y a pas de sujet à traiter, de déclaration à faire, si ce n’est d’être le témoin d’un récit qui s’affirme dans ses hésitations. «Qui va nous raconter comment on va s’en sortir et si on va encore pouvoir s’en sortir?». Superposant les langues et les siècles, les spectacles du Théâtre du Radeau construisent une mémoire qui se propulse vers l’avant, composée de mots proférés il y a des centaines d’années. Les personnages sont tout à la fois corps et spectres, habitants d’un songe éveillé, dansant sur un plateau instable à la recherche de son horizontalité. Un horizon qui, s’il reste incertain, nous fait vivre un théâtre qui ne cesse de repenser son temps et son lieu."
Biographie François Tanguy
Depuis 1982, François Tanguy et le Théâtre du Radeau cherchent et construisent des agencements scéniques singuliers où corps, textes, voix, musiques, lumières, châssis et objets se rencontrent, se superposent, s’entremêlent. Passim (2013), Onzième (2011), Ricercar (2007), Coda (2004), les spectacles du Radeau dialoguent avec d’autres époques, sans perdre le pied dans le temps qu’ils ont en commun avec leur public. À la Fonderie, au Mans, leur lieu de vie et de création, ils accueillent d’autres artistes en résidence, mais aussi des événements militants ou associatifs, toujours attentifs à la richesse de ce qui est marginalisé ou rejeté par la société. Leur œuvre témoigne de la radicalité bouleversante avec laquelle ils conçoivent et vivent le théâtre. Le Théâtre du Radeau le définit ainsi: «Le théâtre, c’est pouvoir dormir, manger, travailler. Accueillir et rendre l’hospitalité, parler, réfléchir, agir […]. Le théâtre, c’est un service public dans un espace public».La Critique de JP Thibaudat qui peut éclairer le ressenti
Article de Yannick Butel dans la revue L'Insensé
Soubresauts: une puissance de déplacement
Le mariage de Figaro: mise en scène de Christophe Rauck à la Comédie Française
A regarder intégralement: Le Mariage de Figaro, mise en scène de Christophe Rauck en 2008 avec laurent stocker dans le rôle de Figaro.
Le monologue de Figaro interprété par Laurent Stocker
mise en scène de Jacques Rosner: Figaro est joué par Alain Pralon
Cette mise en scène met l’accent sur le registre
pathétique et polémique de la pièce. Figaro n’est pas tout jeune et il émane du personnage une
amertume, une colère contre l’ordre social. Il déclame son monologue face au public et son
corps parle autant que les mots. L’index est pointé et les mains mettent en valeur
l’indignation. Le personnage est habillé de noir ce qui met en valeur ses propos. Loin d’être agité
et loin d’étourdir le spectateur, il est plutôt statique et raide.
dans le téléfilm de Marcel Bluwal: Figaro est joué par Jean-Pierre Cassel
Comparez ces trois interprétations.
Pour saisir l'évolution du personnage de Figaro: Lire la longue tirade Acte I scène 2 dans le Barbier de Séville, le monologue dans le Mariage que nous avons travaillé avec Chira Acre V scène 3, celui de Figaro Divorce Acte I, tableau2
Figaro en verve: verve= qualité brillante d'une personne qui s'exprime oralement ou par écrit avec aisance et brio, d'où monologue, longues tirades. agilité verbale, qualité d'éloquence et de rhétorique, capacité d'argumentation hors norme. ( Pourquoi Chiara vous a-t-elle fait argumenter pour obtenir les phrases du monologue dans ce contexte?)
Entre Le Barbier et le Mariage, on voit Figaro passer de la pure verve à une réflexion plus sombre, plus amère.
Figaro : un personnage dans la tradition du picaro cf Lazarillo de Tormes, roman du XVI7me siècle, sorte de roman de chevalerie inversé qui nous raconte lav ie d'un personnage de basse classe qui parce qu'il est obligé de survivre parcourt toute la société et en donne une image critique) ( A creuser)
--rupture avec la famille, enfant, volé, perdu puis retrouvé dans le Mariage
-pas d'éducation véritable, apprend sur le tas, autodidacte, se construt au fur et à mesure des rencontres
-quitte et retrouve un maître: celui qui l'a fait vétérinaire et le Comte à qui l a permis de conquérir son épouse Rosine dans le barbier devenue la Comtesse dans le mariage;
-voyages nombreux, successions d'emplois, séjour en prison
- aspiration malgré ses tribulations et déboires à l'honnêté, personnage porteur de valeurs positives.
Dans le monologue du Mariage à l'acte V: discours d'orateur très bien construit. L;Hatat disait que Figaro dans ce monologue est comme un super héros dont le super pouvoir est de bien parler mais à ce moment là de la pièce, il ne lui sert plus à rien car ce n'est plus lui qui est maître de l'intrigu et du jeu. Un peu comme s'il sortait sa baguette magique pour montrer à quel point elle ne marche plus ( d'où l'amertume, l'iraonie sur lui-même. langue qu'il utilise comme la parodie de son aptitude à bien parler ( Cf le jeu de Laurent Stocker dans la mise en scène de Rauck)
Est-ce que le monologue apporte quelque chose à l'action dans la pièce? non, pas changement d'état ou d'intention après. Plus psychologique.
Par rapport au rythme de la pièce, "la folle journée":moment de réflexion, Figaro s'extrait ou estextrait par les circonstances de l'action pour mieux réfléchir.
Le monologue de Figaro interprété par Laurent Stocker
mise en scène de Jacques Rosner: Figaro est joué par Alain Pralon
Cette mise en scène met l’accent sur le registre
pathétique et polémique de la pièce. Figaro n’est pas tout jeune et il émane du personnage une
amertume, une colère contre l’ordre social. Il déclame son monologue face au public et son
corps parle autant que les mots. L’index est pointé et les mains mettent en valeur
l’indignation. Le personnage est habillé de noir ce qui met en valeur ses propos. Loin d’être agité
et loin d’étourdir le spectateur, il est plutôt statique et raide.
dans le téléfilm de Marcel Bluwal: Figaro est joué par Jean-Pierre Cassel
Comparez ces trois interprétations.
Pour saisir l'évolution du personnage de Figaro: Lire la longue tirade Acte I scène 2 dans le Barbier de Séville, le monologue dans le Mariage que nous avons travaillé avec Chira Acre V scène 3, celui de Figaro Divorce Acte I, tableau2
Figaro en verve: verve= qualité brillante d'une personne qui s'exprime oralement ou par écrit avec aisance et brio, d'où monologue, longues tirades. agilité verbale, qualité d'éloquence et de rhétorique, capacité d'argumentation hors norme. ( Pourquoi Chiara vous a-t-elle fait argumenter pour obtenir les phrases du monologue dans ce contexte?)
Entre Le Barbier et le Mariage, on voit Figaro passer de la pure verve à une réflexion plus sombre, plus amère.
Figaro : un personnage dans la tradition du picaro cf Lazarillo de Tormes, roman du XVI7me siècle, sorte de roman de chevalerie inversé qui nous raconte lav ie d'un personnage de basse classe qui parce qu'il est obligé de survivre parcourt toute la société et en donne une image critique) ( A creuser)
--rupture avec la famille, enfant, volé, perdu puis retrouvé dans le Mariage
-pas d'éducation véritable, apprend sur le tas, autodidacte, se construt au fur et à mesure des rencontres
-quitte et retrouve un maître: celui qui l'a fait vétérinaire et le Comte à qui l a permis de conquérir son épouse Rosine dans le barbier devenue la Comtesse dans le mariage;
-voyages nombreux, successions d'emplois, séjour en prison
- aspiration malgré ses tribulations et déboires à l'honnêté, personnage porteur de valeurs positives.
Dans le monologue du Mariage à l'acte V: discours d'orateur très bien construit. L;Hatat disait que Figaro dans ce monologue est comme un super héros dont le super pouvoir est de bien parler mais à ce moment là de la pièce, il ne lui sert plus à rien car ce n'est plus lui qui est maître de l'intrigu et du jeu. Un peu comme s'il sortait sa baguette magique pour montrer à quel point elle ne marche plus ( d'où l'amertume, l'iraonie sur lui-même. langue qu'il utilise comme la parodie de son aptitude à bien parler ( Cf le jeu de Laurent Stocker dans la mise en scène de Rauck)
Est-ce que le monologue apporte quelque chose à l'action dans la pièce? non, pas changement d'état ou d'intention après. Plus psychologique.
Par rapport au rythme de la pièce, "la folle journée":moment de réflexion, Figaro s'extrait ou estextrait par les circonstances de l'action pour mieux réfléchir.
vendredi 16 mars 2018
Britannicus: tragédie politique ou amoureuse?
Afin de vous permettre de consolider vos partis-pris sur la pièce de Racine, voici une analyse de la pièce qui peut vous éclairer. Pour faire les sujets d'écrits il faut être capable d'avoir un parti pris de mise en scène et donc bien connaître les enjeux de la pièce.
Les enjeux : tragédie politique ou tragédie amoureuse ? par Julien Seydoux
Avec Britannicus, Racine nous propose une tragédie dans laquelle passions amoureuse et politique s'entremêlent. Pour cette raison, il faut d'emblée définir et différencier ces deux registres tragiques dont la base reste évidemment commune. Une tragédie étant "l'imitation d'une action grave et complète" (Jean Racine, Préface de Phèdre), "chargée de peu de matière" (Jean Racine, Préface de Britannicus) dont le but est de susciter la terreur et la pitié, la différence réside alors dans les éléments moteurs de cet engrenage dramatique qui tiennent soit d'une dimension politique, soit d'une dimension amoureuse. Dans cette pièce, il semble que l'aspect politique soit dominant; cependant il est intéressant de relever les éléments qui tiennent de la passion amoureuse et de voir dans quelle mesure ils interviennent. Pour ce faire, je m'attacherai à mettre en exergue les différentes stratégies et motivations de trois personnages chez qui nous sommes le plus susceptibles de constater la violence des passions, à savoir Agrippine, Néron et Narcisse.
On peut d'entrée se demander quels sont les éléments qui poussent Agrippine à agir de la sorte : est-ce son goût du pouvoir ou son amour maternel ? Personnellement, il m'apparaît clairement que la première hypothèse avancée se vérifie aussitôt dans ses déclarations, comme dans ses actes. Agrippine démontre durant la majeure partie de la pièce une grande expérience à gérer les événements. Ce qui ressort avant tout chez ce personnage habitué aux rouages de la cour, c'est une grande conscience de son pouvoir et sa redoutable efficacité. D'entrée de jeu, on remarque qu'Agrippine est une femme qui sait anticiper (" Tout ce que j'ai prédit n'est que trop arrivé" v. 9) et qui est dotée d'un grand sens de l'autoanalyse (" Je sens que je deviens importune à mon tour" v. 14 / " Depuis ce coup fatal, le pouvoir d'Agrippine /Vers sa chute, à grand pas, chaque jour s'achemine" v. 111-112). Elle ne se cache pas la vérité et cet élément joue en sa faveur : c'est en effet un des ses principaux atouts. En portant un regard objectif sur la situation, elle se donne les moyens d'y remédier de manière efficace et d'éviter ainsi des coups inutiles et décentrés. Effectivement, consciente de ses limites, elle agit dans un rayon d'action qu'elle maîtrise et n'est pas dépassée sur son terrain. De plus, à côté de sa facilité à décortiquer une situation, Agrippine est une grande stratège politique pour qui le pouvoir reste l'enjeu principal (Ah ! que de la patrie il soit, s'il veut, le père ; /Mais qu'il songe un peu plus qu'Agrippine est sa mère." v. 47-48). Son but est de détenir le plus longtemps possible ce rôle de marionnettiste qui est le seul qu'elle veuille jouer. Par un réseau relationnel habilement constitué (Agrippine est le personnage qui parle avec le plus de personnes différentes dans la pièce), elle a entre autres jusqu'ici réussi à contenir les volontés d'indépendance et de pouvoir de son fils.
Il est par contre intéressant de souligner chez elle une certaine naïveté (ce qui est paradoxal pour une femme de cette trempe). Habile stratège, elle aurait dû s'attendre à un renversement de situation. Peut-être l'avait-elle deviné ? Toutefois elle ne pensait pas que Néron oserait passer aux actes, surtout avec une telle radicalité (enlèvement de Junie)...Finalement, elle est en partie victime de sa "politique d'étouffement" envers Néron et ce retour de manivelle devait survenir tôt ou tard. Cette attitude aurait pu s'apparenter à une quelconque forme d'amour maternel ou à une volonté de protection, si elle s'était résignée après quelques années de manipulation à laisser le pouvoir à son fils. Qu'elle dirige et aiguille Néron durant les premières années de son règne semble convenable et légitime; cependant ce que veut Agrippine – et elle l'explicite clairement – c'est conserver son pouvoir à travers celui, illusoire, de son fils. En clair, sa soif du pouvoir prévaut totalement sur son amour maternel qui aurait dû la conduire à sacrifier, le moment venu, son amour propre. Agrippine a donc un besoin vital de régner pour préserver sa seule raison d'être. Effectivement, lorsque son influence diminue, elle se sent affaiblie, n'est plus lucide et se laisse emporter. Au niveau politique, elle perd son emprise sur Néron et le fait qu'elle ne puisse le voir la met en colère ("Prétendez-vous longtemps me cacher l'empereur ?" v.142). Et cet emportement va croissant quand elle pense à Junie (" Une autre de César a surpris la tendresse : Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse" v. 887-888) et qu'elle voit en elle une rivale affective et politique : c'est bien plus par jalousie et par amour propre blessé qu'elle réagit de la sorte que dans l'intérêt de son fils. Il n'est donc aucunement question ici d'amour maternel. On remarque clairement que sa colère, qui est inhabituelle vu la réaction d'Albine ("Madame, au nom des Dieux, cachez votre colère." v. 875), compromet sa lucidité : dans les faits, Junie ne représente absolument aucun danger sur le plan politique. Les sentiments d'Agrippine s'entremêlent : l'impuissance sur le plan politique et la jalousie sur un plan affectif. Elle agit sous l'effet de la passion et perd de son efficacité.
Finalement, on peut dire qu'elle est clairvoyante et lucide tant que sa passion du pouvoir est assouvie. Dès le moment où la portée de son action diminue, ses pulsions prennent le dessus et tout ce qui faisait sa force s'envole. Les problèmes d'Agrippine ne viennent en réalité pas de ses ennemis, mais en grande partie d'elle-même.
Chez Néron les mécanismes de pensée et l'approche du pouvoir diffèrent de ceux de sa mère. Il laisse libre cours à ses pulsions, ("Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux." v.381) qu'elles soient d'ordre politique ou amoureux et finalement il les subit sans aucun recul. Elles le conditionnent totalement et sa fonction d'Empereur lui permet de les assouvir sur le champ. Il est incapable de distinguer celles qui relèvent de l'amour de celles qui tiennent de la politique, ce qui montre clairement son immaturité et son incapacité à atteindre un équilibre mental. Il ne suit aucune ligne de conduite, aucune stratégie, au contraire de sa mère chez qui les actions sont réfléchies et élaborées patiemment. La politique de Néron (si tant est qu'il en ait une ?) ne repose sur aucune tactique et est imprévisible : il n'agit que par coup de tête. En effet, tous les actes de l'Empereur sont des réactions à des stimuli incontrôlables ("Et ce même Néron, que la vertu conduit, / Fait enlever Junie au milieu de la nuit" v. 54-55). Dans une visée freudienne, les pulsions sont normalement contrôlées par le "surmoi", or, chez Néron, ce n'est pas le cas. Elles exigent une satisfaction immédiate. Impulsif, Néron est alors transporté et ne se maîtrise plus du tout (" L'impatient Néron cesse de se contraindre" v.11). Et c'est peut-être cela qui pourrait constituer son unique force, le fait que son jeu soit imprévisible et indécodable. Or si ce caractère lui permet de déconcerter ses adversaires provisoirement, il finit par le conduire à sa propre perte. Il suffit à ce niveau d'analyser les causes et les conséquences de l'enlèvement de Junie. Néron la neutralise dans un premier temps pour déjouer les stratagèmes politiques de sa mère, puis la voyant, tombe éperdument amoureux d'elle, ce qui tient là de la pure pulsion. Il s'agit d'un amour immédiat (en opposition à l'amour sororal, cf. Roland Barthes, Sur Racine, 1979) : Néron est victime d'un "coup de foudre". Il ne connaît rien de Junie, ni de son caractère, ni de ses qualités ou ses défauts et ces paramètres lui importent peu. Il n'est en réalité pas amoureux de Junie, mais de l'effet qu'elle produit sur lui.
Si Néron est le plus souvent victime de ses pulsions, on peut tout de même remarquer certaines situations où l'Empereur semble lucide, ce qui est plutôt rare. Une première fois au sujet de Junie ("Mais je m'en fais peut-être une trop belle image ; / Elle m'est apparue avec trop d'avantage" v. 407-408) et une deuxième à propos de la relation qu'il entretient avec sa mère, dont il fait part à Narcisse.
Eloigné de ses yeux, j'ordonne, je menace,
J'écoute vos conseils, j'ose les approuver ;
Je m'excite contre elle, et tâche à la braver.
Mais (je t'expose ici mon âme toute nue)
Sitôt que mon malheur me ramène à sa vue,
Soit que je n'ose encor démentir le pouvoir
De ces yeux où j'ai lu si longtemps mon devoir ;
Soit qu'à tant de bienfaits ma mémoire fidèle
Lui soumette en secret tout ce que je tiens d'elle,
Mais enfin mes efforts ne me servent de rien ; (v. 496-505)
Malheureusement, cette infime part de raison et de lucidité finit toujours par céder la place à des envolées incontrôlables. Là sont les points faibles d'un Empereur dont les passions hyperbolisent les sentiments et le poussent constamment d'un extrême à l'autre. Comment peut-il envisager de diriger l'Empire romain s'il n'a aucune emprise sur lui-même ? En effet, Néron n'est jamais apte à prendre une décision : faute désormais de s'en remettre à sa mère, il s'en remet soit à Burrhus, soit à Narcisse. Il n'est à proprement parlé jamais maître de ses actes. La liberté suppose la capacité et la possibilité de choisir, d'appliquer son libre arbitre sur les questions qui nous sont posées dans la vie. Or Néron, incapable de délibérer par lui-même et donc de se réaliser, n'est pas libre. Il souffre d'un manque et le compense par des caprices qui lui permettent d'assouvir la seule chose qui lui appartienne vraiment : son amour propre. On remarque d'ailleurs tout au long de la pièce que Narcisse en use et en abuse tout à fait subtilement. En évoquant des idées désagréables aux oreilles de Néron comme le fait que sa suprématie soit remise en doute, il pique l'amour propre de l'Empereur et n'a plus qu'à attendre sa réaction.
Quoi donc ? ignorez-vous tout ce qu'ils osent dire ?
Néron, s'ils en sont crus, n'est point né pour l'Empire ;
Il ne dit, il ne fait que ce qu'on lui prescrit :
Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit.
Pour toute ambition, pour vertu singulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière,
A disputer des prix indignes de ses mains,
A se donner lui-même en spectacle aux Romains, [...] (v. 1468 ss.)
Néron se croit fort, car il est au centre de l'action et bénéficie du pouvoir absolu; mais, en réalité, il n'est qu'un faible sans vertu, un pantin de ses passions et de son perfide conseiller Narcisse qui le manipule à sa guise ("J'écoute vos conseils, j'ose les approuver" v. 497).
En conclusion, on peut dire que Néron confond passions politiques et pulsions amoureuses sans faire de distinction et que ce mélange explosif est la source de nombreux malheurs. Par conséquent, chez ce personnage les moteurs de l'engrenage dramatique ne relèvent ni de dimensions politiques ni de motifs amoureux, mais tout bonnement d'un flux de pulsions qui génère des actes violents et sauvages. Comme on ne retrouve pas de trace d'amour sororal chez Néron, on peut dire que la tragédie est d'ordre pathologiquement existentiel. Si, ajouté à cela, on tient compte de la nature jalouse et sadique du personnage (" J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler " v. 402 ... " Mais je mettrai ma joie à le désespérer. / Je me fais de sa peine une image charmante " v. 750-751), on assiste à la "naissance d'un monstre" qui n'a et n'aura jamais aucune emprise ni en politique, ni sur lui-même.
Mais qu'en est-il finalement de Narcisse et comment juger ses motivations dans la pièce ? Son rôle est pourtant radicalement différent : il n'est pas sous les feux des projecteurs, c'est un homme de l'ombre. En effet, il n'a officiellement aucun pouvoir : conseiller personnel de Britannicus, il ne joue pas à ce titre un rôle particulièrement difficile. En effet, s'il réussit aisément à aiguiller le jeune amoureux de Junie, il occupe une position beaucoup plus stratégique à titre de "conseiller influent" auprès de l'Empereur. Narcisse est un homme froid dont le plaisir réside dans le malheur et la souffrance des autres. Il trompe Britannicus au profit de Néron (v. 513-518) et ne fait qu'attiser la colère de l'Empereur pour le pousser à l'assassinat.
Son intérêt politique est moindre : ce qu'il veut, c'est cruellement et froidement voir les autres s'entretuer. Par de subtiles manœuvres, il monte les personnages proches du pouvoir les uns contre les autres afin d'avoir le plaisir de les voir périr. Il me semble que Narcisse est à ce point sadique qu'on pourrait se demander si le "monstre" de l'histoire est bien Néron (interprétation personnelle). L'Empereur est certes barbare et sans scrupule, mais il faut lui laisser une certaine naïveté que Narcisse n'a pas du tout. Il est au contraire fort éveillé et utilise cette qualité pour attiser la souffrance autour de lui : le perfide n'a en effet aucun autre but que de manipuler les autres et de jouir de leurs infortunes. Si Néron est entier et total dans ses réactions, si ses pulsions le poussent à agir, il ne le fait pas forcément dans l'intention de nuire. Narcisse est au contraire fort intelligent, en ce sens qu'il a cerné les faiblesses de chacun, surtout celles de Britannicus et de Néron, et les utilise pour assouvir ses pulsions sadiques...
La fortune t'appelle une seconde fois,
Narcisse : voudrais-tu résister à sa voix ?
Suivons jusques au bout ses ordres favorables ;
Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables. (monologue intérieur, v. 757-760).
Apparemment froid calculateur et maître de ses actes, il risque d'être entraîné à son tour dans la spirale infernale du mal.
Finalement, on peut dire que Narcisse est l'un des moteurs principaux de l'engrenage dramatique, surtout en poussant l'Empereur à suivre une politique passionnelle, mesquine et non vertueuse. Il n'a donc aucun intérêt politique ni amoureux, mais sa seule motivation reste le plaisir sadique de la manipulation. Par ailleurs, Narcisse se fait le digne représentant de l'idée machiavélique selon laquelle le monarque doit régner par la crainte, et non se faire aimer du peuple. Sa vision du pouvoir tyrannique correspond donc totalement à ses actions et à ses principes.
En conclusion, il est clairement apparu que les motivations de Narcisse relèvent d'une perversité psychologique, alors que celles des deux premiers personnages analysés (Agrippine et Néron) sont apparemment d'ordre plus politique. Racine l'avait par ailleurs clairement explicité : après certains reproches de ses détracteurs qui le jugeait "doucereux et galant", "imperméable aux grands problèmes politiques", Racine voulait répliquer sur le terrain de Corneille. Il l'a fait et réussi. Cependant cette tragédie, comme je l'ai dit, relève également au second plan de la passion amoureuse. Cette dernière est spécialement visible chez l'Empereur qui "idolâtre" Junie. Plus généralement, c'est le mécanisme Eros-Thanatos que l'on retrouve ici et qui dicte certains comportements. On pourrait dire que la passion amoureuse n'est qu'une déclinaison de l'exercice tyrannique du pouvoir. Cependant, il est important de distinguer la passion qui anime plus ou moins violemment les personnages, de l'amour sororal qui, lui, est bâti et réfléchi. Il semblerait bien que seule la relation Junie / Britannicus réponde aux critères de cette deuxième forme d'amour. En proposant un tel couple au public, Racine est certain de provoquer un sentiment de tendresse et de susciter une émotion. Les échanges entre ces deux jeunes gens, sains et naturels, sont emplis d'un lyrisme amoureux qui comble l'auditoire. Cependant, cet amour est vraiment exceptionnel et Racine s'attache plus aux effets de la passion sur l'Homme. En nous démontrant la violence des pulsions, il peint des personnages dont les espaces de liberté et la raison sont amoindris. C'est le cas dans Britannicus où finalement les dimensions, qu'elles soient politiques ou amoureuses, importent peu, mais dépendent de la passion, des pulsions et de leurs ravages sur l'individu. On constate donc un certain pessimisme de Racine qui limite pour l'homme les espaces de liberté, tout en soulignant les conditionnements dont il est objet.
Les enjeux : tragédie politique ou tragédie amoureuse ? par Julien Seydoux
Avec Britannicus, Racine nous propose une tragédie dans laquelle passions amoureuse et politique s'entremêlent. Pour cette raison, il faut d'emblée définir et différencier ces deux registres tragiques dont la base reste évidemment commune. Une tragédie étant "l'imitation d'une action grave et complète" (Jean Racine, Préface de Phèdre), "chargée de peu de matière" (Jean Racine, Préface de Britannicus) dont le but est de susciter la terreur et la pitié, la différence réside alors dans les éléments moteurs de cet engrenage dramatique qui tiennent soit d'une dimension politique, soit d'une dimension amoureuse. Dans cette pièce, il semble que l'aspect politique soit dominant; cependant il est intéressant de relever les éléments qui tiennent de la passion amoureuse et de voir dans quelle mesure ils interviennent. Pour ce faire, je m'attacherai à mettre en exergue les différentes stratégies et motivations de trois personnages chez qui nous sommes le plus susceptibles de constater la violence des passions, à savoir Agrippine, Néron et Narcisse.
On peut d'entrée se demander quels sont les éléments qui poussent Agrippine à agir de la sorte : est-ce son goût du pouvoir ou son amour maternel ? Personnellement, il m'apparaît clairement que la première hypothèse avancée se vérifie aussitôt dans ses déclarations, comme dans ses actes. Agrippine démontre durant la majeure partie de la pièce une grande expérience à gérer les événements. Ce qui ressort avant tout chez ce personnage habitué aux rouages de la cour, c'est une grande conscience de son pouvoir et sa redoutable efficacité. D'entrée de jeu, on remarque qu'Agrippine est une femme qui sait anticiper (" Tout ce que j'ai prédit n'est que trop arrivé" v. 9) et qui est dotée d'un grand sens de l'autoanalyse (" Je sens que je deviens importune à mon tour" v. 14 / " Depuis ce coup fatal, le pouvoir d'Agrippine /Vers sa chute, à grand pas, chaque jour s'achemine" v. 111-112). Elle ne se cache pas la vérité et cet élément joue en sa faveur : c'est en effet un des ses principaux atouts. En portant un regard objectif sur la situation, elle se donne les moyens d'y remédier de manière efficace et d'éviter ainsi des coups inutiles et décentrés. Effectivement, consciente de ses limites, elle agit dans un rayon d'action qu'elle maîtrise et n'est pas dépassée sur son terrain. De plus, à côté de sa facilité à décortiquer une situation, Agrippine est une grande stratège politique pour qui le pouvoir reste l'enjeu principal (Ah ! que de la patrie il soit, s'il veut, le père ; /Mais qu'il songe un peu plus qu'Agrippine est sa mère." v. 47-48). Son but est de détenir le plus longtemps possible ce rôle de marionnettiste qui est le seul qu'elle veuille jouer. Par un réseau relationnel habilement constitué (Agrippine est le personnage qui parle avec le plus de personnes différentes dans la pièce), elle a entre autres jusqu'ici réussi à contenir les volontés d'indépendance et de pouvoir de son fils.
Il est par contre intéressant de souligner chez elle une certaine naïveté (ce qui est paradoxal pour une femme de cette trempe). Habile stratège, elle aurait dû s'attendre à un renversement de situation. Peut-être l'avait-elle deviné ? Toutefois elle ne pensait pas que Néron oserait passer aux actes, surtout avec une telle radicalité (enlèvement de Junie)...Finalement, elle est en partie victime de sa "politique d'étouffement" envers Néron et ce retour de manivelle devait survenir tôt ou tard. Cette attitude aurait pu s'apparenter à une quelconque forme d'amour maternel ou à une volonté de protection, si elle s'était résignée après quelques années de manipulation à laisser le pouvoir à son fils. Qu'elle dirige et aiguille Néron durant les premières années de son règne semble convenable et légitime; cependant ce que veut Agrippine – et elle l'explicite clairement – c'est conserver son pouvoir à travers celui, illusoire, de son fils. En clair, sa soif du pouvoir prévaut totalement sur son amour maternel qui aurait dû la conduire à sacrifier, le moment venu, son amour propre. Agrippine a donc un besoin vital de régner pour préserver sa seule raison d'être. Effectivement, lorsque son influence diminue, elle se sent affaiblie, n'est plus lucide et se laisse emporter. Au niveau politique, elle perd son emprise sur Néron et le fait qu'elle ne puisse le voir la met en colère ("Prétendez-vous longtemps me cacher l'empereur ?" v.142). Et cet emportement va croissant quand elle pense à Junie (" Une autre de César a surpris la tendresse : Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse" v. 887-888) et qu'elle voit en elle une rivale affective et politique : c'est bien plus par jalousie et par amour propre blessé qu'elle réagit de la sorte que dans l'intérêt de son fils. Il n'est donc aucunement question ici d'amour maternel. On remarque clairement que sa colère, qui est inhabituelle vu la réaction d'Albine ("Madame, au nom des Dieux, cachez votre colère." v. 875), compromet sa lucidité : dans les faits, Junie ne représente absolument aucun danger sur le plan politique. Les sentiments d'Agrippine s'entremêlent : l'impuissance sur le plan politique et la jalousie sur un plan affectif. Elle agit sous l'effet de la passion et perd de son efficacité.
Finalement, on peut dire qu'elle est clairvoyante et lucide tant que sa passion du pouvoir est assouvie. Dès le moment où la portée de son action diminue, ses pulsions prennent le dessus et tout ce qui faisait sa force s'envole. Les problèmes d'Agrippine ne viennent en réalité pas de ses ennemis, mais en grande partie d'elle-même.
Chez Néron les mécanismes de pensée et l'approche du pouvoir diffèrent de ceux de sa mère. Il laisse libre cours à ses pulsions, ("Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux." v.381) qu'elles soient d'ordre politique ou amoureux et finalement il les subit sans aucun recul. Elles le conditionnent totalement et sa fonction d'Empereur lui permet de les assouvir sur le champ. Il est incapable de distinguer celles qui relèvent de l'amour de celles qui tiennent de la politique, ce qui montre clairement son immaturité et son incapacité à atteindre un équilibre mental. Il ne suit aucune ligne de conduite, aucune stratégie, au contraire de sa mère chez qui les actions sont réfléchies et élaborées patiemment. La politique de Néron (si tant est qu'il en ait une ?) ne repose sur aucune tactique et est imprévisible : il n'agit que par coup de tête. En effet, tous les actes de l'Empereur sont des réactions à des stimuli incontrôlables ("Et ce même Néron, que la vertu conduit, / Fait enlever Junie au milieu de la nuit" v. 54-55). Dans une visée freudienne, les pulsions sont normalement contrôlées par le "surmoi", or, chez Néron, ce n'est pas le cas. Elles exigent une satisfaction immédiate. Impulsif, Néron est alors transporté et ne se maîtrise plus du tout (" L'impatient Néron cesse de se contraindre" v.11). Et c'est peut-être cela qui pourrait constituer son unique force, le fait que son jeu soit imprévisible et indécodable. Or si ce caractère lui permet de déconcerter ses adversaires provisoirement, il finit par le conduire à sa propre perte. Il suffit à ce niveau d'analyser les causes et les conséquences de l'enlèvement de Junie. Néron la neutralise dans un premier temps pour déjouer les stratagèmes politiques de sa mère, puis la voyant, tombe éperdument amoureux d'elle, ce qui tient là de la pure pulsion. Il s'agit d'un amour immédiat (en opposition à l'amour sororal, cf. Roland Barthes, Sur Racine, 1979) : Néron est victime d'un "coup de foudre". Il ne connaît rien de Junie, ni de son caractère, ni de ses qualités ou ses défauts et ces paramètres lui importent peu. Il n'est en réalité pas amoureux de Junie, mais de l'effet qu'elle produit sur lui.
Si Néron est le plus souvent victime de ses pulsions, on peut tout de même remarquer certaines situations où l'Empereur semble lucide, ce qui est plutôt rare. Une première fois au sujet de Junie ("Mais je m'en fais peut-être une trop belle image ; / Elle m'est apparue avec trop d'avantage" v. 407-408) et une deuxième à propos de la relation qu'il entretient avec sa mère, dont il fait part à Narcisse.
Eloigné de ses yeux, j'ordonne, je menace,
J'écoute vos conseils, j'ose les approuver ;
Je m'excite contre elle, et tâche à la braver.
Mais (je t'expose ici mon âme toute nue)
Sitôt que mon malheur me ramène à sa vue,
Soit que je n'ose encor démentir le pouvoir
De ces yeux où j'ai lu si longtemps mon devoir ;
Soit qu'à tant de bienfaits ma mémoire fidèle
Lui soumette en secret tout ce que je tiens d'elle,
Mais enfin mes efforts ne me servent de rien ; (v. 496-505)
Malheureusement, cette infime part de raison et de lucidité finit toujours par céder la place à des envolées incontrôlables. Là sont les points faibles d'un Empereur dont les passions hyperbolisent les sentiments et le poussent constamment d'un extrême à l'autre. Comment peut-il envisager de diriger l'Empire romain s'il n'a aucune emprise sur lui-même ? En effet, Néron n'est jamais apte à prendre une décision : faute désormais de s'en remettre à sa mère, il s'en remet soit à Burrhus, soit à Narcisse. Il n'est à proprement parlé jamais maître de ses actes. La liberté suppose la capacité et la possibilité de choisir, d'appliquer son libre arbitre sur les questions qui nous sont posées dans la vie. Or Néron, incapable de délibérer par lui-même et donc de se réaliser, n'est pas libre. Il souffre d'un manque et le compense par des caprices qui lui permettent d'assouvir la seule chose qui lui appartienne vraiment : son amour propre. On remarque d'ailleurs tout au long de la pièce que Narcisse en use et en abuse tout à fait subtilement. En évoquant des idées désagréables aux oreilles de Néron comme le fait que sa suprématie soit remise en doute, il pique l'amour propre de l'Empereur et n'a plus qu'à attendre sa réaction.
Quoi donc ? ignorez-vous tout ce qu'ils osent dire ?
Néron, s'ils en sont crus, n'est point né pour l'Empire ;
Il ne dit, il ne fait que ce qu'on lui prescrit :
Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit.
Pour toute ambition, pour vertu singulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière,
A disputer des prix indignes de ses mains,
A se donner lui-même en spectacle aux Romains, [...] (v. 1468 ss.)
Néron se croit fort, car il est au centre de l'action et bénéficie du pouvoir absolu; mais, en réalité, il n'est qu'un faible sans vertu, un pantin de ses passions et de son perfide conseiller Narcisse qui le manipule à sa guise ("J'écoute vos conseils, j'ose les approuver" v. 497).
En conclusion, on peut dire que Néron confond passions politiques et pulsions amoureuses sans faire de distinction et que ce mélange explosif est la source de nombreux malheurs. Par conséquent, chez ce personnage les moteurs de l'engrenage dramatique ne relèvent ni de dimensions politiques ni de motifs amoureux, mais tout bonnement d'un flux de pulsions qui génère des actes violents et sauvages. Comme on ne retrouve pas de trace d'amour sororal chez Néron, on peut dire que la tragédie est d'ordre pathologiquement existentiel. Si, ajouté à cela, on tient compte de la nature jalouse et sadique du personnage (" J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler " v. 402 ... " Mais je mettrai ma joie à le désespérer. / Je me fais de sa peine une image charmante " v. 750-751), on assiste à la "naissance d'un monstre" qui n'a et n'aura jamais aucune emprise ni en politique, ni sur lui-même.
Mais qu'en est-il finalement de Narcisse et comment juger ses motivations dans la pièce ? Son rôle est pourtant radicalement différent : il n'est pas sous les feux des projecteurs, c'est un homme de l'ombre. En effet, il n'a officiellement aucun pouvoir : conseiller personnel de Britannicus, il ne joue pas à ce titre un rôle particulièrement difficile. En effet, s'il réussit aisément à aiguiller le jeune amoureux de Junie, il occupe une position beaucoup plus stratégique à titre de "conseiller influent" auprès de l'Empereur. Narcisse est un homme froid dont le plaisir réside dans le malheur et la souffrance des autres. Il trompe Britannicus au profit de Néron (v. 513-518) et ne fait qu'attiser la colère de l'Empereur pour le pousser à l'assassinat.
Son intérêt politique est moindre : ce qu'il veut, c'est cruellement et froidement voir les autres s'entretuer. Par de subtiles manœuvres, il monte les personnages proches du pouvoir les uns contre les autres afin d'avoir le plaisir de les voir périr. Il me semble que Narcisse est à ce point sadique qu'on pourrait se demander si le "monstre" de l'histoire est bien Néron (interprétation personnelle). L'Empereur est certes barbare et sans scrupule, mais il faut lui laisser une certaine naïveté que Narcisse n'a pas du tout. Il est au contraire fort éveillé et utilise cette qualité pour attiser la souffrance autour de lui : le perfide n'a en effet aucun autre but que de manipuler les autres et de jouir de leurs infortunes. Si Néron est entier et total dans ses réactions, si ses pulsions le poussent à agir, il ne le fait pas forcément dans l'intention de nuire. Narcisse est au contraire fort intelligent, en ce sens qu'il a cerné les faiblesses de chacun, surtout celles de Britannicus et de Néron, et les utilise pour assouvir ses pulsions sadiques...
La fortune t'appelle une seconde fois,
Narcisse : voudrais-tu résister à sa voix ?
Suivons jusques au bout ses ordres favorables ;
Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables. (monologue intérieur, v. 757-760).
Apparemment froid calculateur et maître de ses actes, il risque d'être entraîné à son tour dans la spirale infernale du mal.
Finalement, on peut dire que Narcisse est l'un des moteurs principaux de l'engrenage dramatique, surtout en poussant l'Empereur à suivre une politique passionnelle, mesquine et non vertueuse. Il n'a donc aucun intérêt politique ni amoureux, mais sa seule motivation reste le plaisir sadique de la manipulation. Par ailleurs, Narcisse se fait le digne représentant de l'idée machiavélique selon laquelle le monarque doit régner par la crainte, et non se faire aimer du peuple. Sa vision du pouvoir tyrannique correspond donc totalement à ses actions et à ses principes.
En conclusion, il est clairement apparu que les motivations de Narcisse relèvent d'une perversité psychologique, alors que celles des deux premiers personnages analysés (Agrippine et Néron) sont apparemment d'ordre plus politique. Racine l'avait par ailleurs clairement explicité : après certains reproches de ses détracteurs qui le jugeait "doucereux et galant", "imperméable aux grands problèmes politiques", Racine voulait répliquer sur le terrain de Corneille. Il l'a fait et réussi. Cependant cette tragédie, comme je l'ai dit, relève également au second plan de la passion amoureuse. Cette dernière est spécialement visible chez l'Empereur qui "idolâtre" Junie. Plus généralement, c'est le mécanisme Eros-Thanatos que l'on retrouve ici et qui dicte certains comportements. On pourrait dire que la passion amoureuse n'est qu'une déclinaison de l'exercice tyrannique du pouvoir. Cependant, il est important de distinguer la passion qui anime plus ou moins violemment les personnages, de l'amour sororal qui, lui, est bâti et réfléchi. Il semblerait bien que seule la relation Junie / Britannicus réponde aux critères de cette deuxième forme d'amour. En proposant un tel couple au public, Racine est certain de provoquer un sentiment de tendresse et de susciter une émotion. Les échanges entre ces deux jeunes gens, sains et naturels, sont emplis d'un lyrisme amoureux qui comble l'auditoire. Cependant, cet amour est vraiment exceptionnel et Racine s'attache plus aux effets de la passion sur l'Homme. En nous démontrant la violence des pulsions, il peint des personnages dont les espaces de liberté et la raison sont amoindris. C'est le cas dans Britannicus où finalement les dimensions, qu'elles soient politiques ou amoureuses, importent peu, mais dépendent de la passion, des pulsions et de leurs ravages sur l'individu. On constate donc un certain pessimisme de Racine qui limite pour l'homme les espaces de liberté, tout en soulignant les conditionnements dont il est objet.
jeudi 15 mars 2018
la Préface du Mariage de Figaro
Chiara vous a demandé de lire la préface rédigée par Beaumarchais dont elle souhaite garder des extraits pour la présentation. Il faut la connaître aussi pour l'écrit.
Texte en ligne
analyse claire de cette préface à travers des questions de compréhension
Texte en ligne
analyse claire de cette préface à travers des questions de compréhension
Commentaire de la préface du Mariage de Figaro
Beaumarchais écrit une préface au Mariage de Figaro pour se
défendre des critiques de la cabale (complot, personnes qui participent à
un ensemble de menées secrètes, d’intrigues dirigées contre qqun ou
qqch.) et pour réfuter les accusations d’immoralité qui lui ont été
adressées. Il revient sur la portée morale de la comédie, sur le rôle de
l’auteur comique, sur l’importance de l’influence du drame bourgeois,
sur les caractères de la pièce et son sujet et achève sur des réponses
à des critiques de détail.
On peut remarquer la virulence de ce plaidoyer car Beaumarchais reprend et réfute de façon systématique tous les arguments adverses. Le ton est volontiers polémique mais le dramaturge conserve aussi la gaieté et l’ironie caractéristique de ses pièces.
Il s’insurge contre la société timorée (craintive, peureuse) et hypocrite de son époque qui contribue selon lui à la décadence du théâtre : sous prétexte de « décence théâtrale », on ne peut plus rien montrer et donc plus rien critiquer et dénoncer. Or, c’est précisément l’objectif de la comédie depuis l’Antiquité (« Castigat ridendo mores » = corriger les mœurs par le rire). Si le théâtre ne montre pas de disconvenances sociales (des situations qui vont donc choquer le public, aller contre les bienséances), il ne peut dénoncer les abus de la société. Beaumarchais réclame aussi le retour de la gaieté au théâtre, c’est-à-dire le droit de se moquer de n’importe quelle catégorie sociale (noblesse, magistrat, médecin…) sans que l’on crie au scandale.
Il dresse un état des lieux alarmant du théâtre de son temps en montrant le besoin urgent d’innovation. Il rappelle l’importance du genre dramatique sérieux inventé par Diderot, le drame bourgeois dont on retrouve l’influence dans Le Mariage. Les personnages y sont humains, vraisemblables et crédibles car ils sont partagés entre de bonnes et de mauvaises tendances. Mais la moralité de la pièce n’est jamais équivoque : c’est ce que notre dramaturge montre en revenant sur les différents caractères de sa pièce. Il évoque aussi le passage où Marceline justifie sa conduite après la découverte de ses liens familiaux avec Figaro : les tirades du personnage ont été supprimées par les comédiens qui les trouvaient trop sévères et en désaccord avec la gaieté de la pièce mais Beaumarchais espère qu’ils auront un jour le courage de les réintégrer car leur portée morale lui paraît capitale.
Il défend ensuite toutes les répliques de Figaro jugées « audacieuses » pour en montrer la vérité et le bon sens.
On peut remarquer la vivacité du ton de cette préface et l’implication de Beaumarchais qui semble donner la comédie à ses lecteurs en se mettant en scène dans le rôle du dramaturge novateur en butte à la cabale. Sa préface tient à la fois de la justification, du pamphlet (contre les critiques zélés et hypocrites) et du manifeste (pour un genre dramatique renouvelé). Mais on peut aussi penser à la parade. Cette petite forme théâtrale très en vogue au XVIIIe était fondée sur des improvisations et un ton très libre et même un peu canaille, et était donnée dans les foires ou devant les théâtres pour attirer le public à l’intérieur. On écrivait aussi des parades de société qui étaient jouées dans les salons par des nobles pour se divertir. Beaumarchais en a écrit avant de se lancer dans le théâtre officiel.
On peut remarquer la virulence de ce plaidoyer car Beaumarchais reprend et réfute de façon systématique tous les arguments adverses. Le ton est volontiers polémique mais le dramaturge conserve aussi la gaieté et l’ironie caractéristique de ses pièces.
Il s’insurge contre la société timorée (craintive, peureuse) et hypocrite de son époque qui contribue selon lui à la décadence du théâtre : sous prétexte de « décence théâtrale », on ne peut plus rien montrer et donc plus rien critiquer et dénoncer. Or, c’est précisément l’objectif de la comédie depuis l’Antiquité (« Castigat ridendo mores » = corriger les mœurs par le rire). Si le théâtre ne montre pas de disconvenances sociales (des situations qui vont donc choquer le public, aller contre les bienséances), il ne peut dénoncer les abus de la société. Beaumarchais réclame aussi le retour de la gaieté au théâtre, c’est-à-dire le droit de se moquer de n’importe quelle catégorie sociale (noblesse, magistrat, médecin…) sans que l’on crie au scandale.
Il dresse un état des lieux alarmant du théâtre de son temps en montrant le besoin urgent d’innovation. Il rappelle l’importance du genre dramatique sérieux inventé par Diderot, le drame bourgeois dont on retrouve l’influence dans Le Mariage. Les personnages y sont humains, vraisemblables et crédibles car ils sont partagés entre de bonnes et de mauvaises tendances. Mais la moralité de la pièce n’est jamais équivoque : c’est ce que notre dramaturge montre en revenant sur les différents caractères de sa pièce. Il évoque aussi le passage où Marceline justifie sa conduite après la découverte de ses liens familiaux avec Figaro : les tirades du personnage ont été supprimées par les comédiens qui les trouvaient trop sévères et en désaccord avec la gaieté de la pièce mais Beaumarchais espère qu’ils auront un jour le courage de les réintégrer car leur portée morale lui paraît capitale.
Il défend ensuite toutes les répliques de Figaro jugées « audacieuses » pour en montrer la vérité et le bon sens.
On peut remarquer la vivacité du ton de cette préface et l’implication de Beaumarchais qui semble donner la comédie à ses lecteurs en se mettant en scène dans le rôle du dramaturge novateur en butte à la cabale. Sa préface tient à la fois de la justification, du pamphlet (contre les critiques zélés et hypocrites) et du manifeste (pour un genre dramatique renouvelé). Mais on peut aussi penser à la parade. Cette petite forme théâtrale très en vogue au XVIIIe était fondée sur des improvisations et un ton très libre et même un peu canaille, et était donnée dans les foires ou devant les théâtres pour attirer le public à l’intérieur. On écrivait aussi des parades de société qui étaient jouées dans les salons par des nobles pour se divertir. Beaumarchais en a écrit avant de se lancer dans le théâtre officiel.
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