jeudi 29 février 2024

Terminales: Dominique Blanc parlant de son travail sur Phèdre avec Chéreau

 Extrait :  Phèdre, Acte I scène 3 (L’entrée de Phèdre et le premier aveu à Oenone)
https://www.cyrano.education/content/phedre-53430

Je ne l’ai pas revu souvent. Ça me bouleverse et ça me rappelle Chéreau . Ça a été une rencontre magnifique et il me manque. Mais je suis fière de ce travail et de cette trace. C’est Chéreau qui a organisé tout cela, pour qu’il y ait une captation. Et cela a été très bien filmé, avec quatre caméras de chaque côté, sur plusieurs représentations. 


La veille de la première représentation, comme Chéreau et moi avions une sorte de peur, nous avons bu ensemble et nous sommes arrivés avec le casque.
Il y a eu six mois de représentation avec un seul jour de relâche par semaine. C’était très dur. Comme on savait qu’on participait à quelque chose d’exceptionnel, on a accepté de mener une vie quasi monastique. Le matin, je faisais des italiennes en boucle. J’arrivais au théâtre toujours très tôt. Il y avait parfois déjà la queue avec des spectateurs qui voulaient absolument voir la pièce. À 17H, je mangeais un bol de riz pour les féculents. Ensuite, ça n’était que concentration. J’avais également décoré ma loge et chez moi j’avais affiché des planètes pour avoir l’idée des Dieux en tête.

Lorsque Phèdre arrive, elle est déjà détruite et dans un désir de mort. Dans cette représentation Hippolyte est sur scène, présent alors qu’il pourrait ne pas y être. C’est un vrai choix.
Pour préparer la pièce, Chéreau m’avait donné à lire L’Univers, les dieux, les hommes, de Jean-Pierre Vernant. Chéreau voulait appuyer l’idée d’un désir de mort chez Phèdre. Souvent, on parle pour elle de passion funeste… mais c’est plus que cela car elle entre en disant que la mort pourrait être pour elle un soulagement.
Chéreau voulait aussi que j’aie l’idée des Dieux en tête. Barthes avait fait une critique très dure de Maria Casarès jouant Phèdre en disant qu’elle oubliait les dieux. J’avais envie de lui rendre justice avec ce parti pris du divin, là-haut.

Le premier jour où l’on a joué dans les décors, Chéreau m’a accompagnée à la petite porte par laquelle j’entre. C’était une sorte d’encouragement : « tu peux le faire. » Sur Phèdre, il a toujours régné un climat d’une grande douceur, avec beaucoup de concentration.
Il y a eu un peu de stress aussi car on devait jouer en janvier et pendant les vacances de noël on a appris que la comédienne jouant Oenone se désistait. Mais Chéreau a trouvé une comédienne formidable.

Ici l’espace est très particulier. Un espace bi-frontal, un sol en béton. Il y avait chez Chéreau une immense excitation à l’idée de créer ce nouvel espace de théâtre au cœur de Paris, en transformant d’anciens entrepôts (des décors de l’opéra). Avec les Ateliers Berthier, Chéreau parvient à faire un second théâtre de l’Odéon.
Chéreau décide très vite d’un espace bi-frontal. Vous entriez et certains spectateurs étaient vraiment très proches. Mais il y en avait aussi placés beaucoup plus loin, au fond du gradin. On a du mal à imaginer l’ampleur de l’entrepôt et l’ampleur du gradin. Cela posait la question : comment jouer dans un espace aussi immense avec ces costumes aussi simples ?

La pièce est en alexandrins. C’est de l’or brut, un trésor national que les anglo-saxons nous envient. J’avais connu le travail sur l’alexandrin avec Célimène dans le Misanthrope de Vitez. Mais là c’était ma première tragédie. Pour Chéreau aussi. Donc il y avait tout à inventer. Un jour, il est venu chez moi, ce qui était très rare car il était intimidé par les enfants. J’étais en train d’écouter Ella Fitzgerald et je lui ai dit que l’alexandrin c’était ça, que c’était du scat, du rythme. Il m’a regardé car lui ne voulait pas de musicalité, de ponctuation. Lui, ce qu’il voulait, c’est aller droit au sens. Faire passer le sens avec/malgré cette langue très ouvragée. Chéreau se battait beaucoup avec ceux qui avaient une façon très classique de l’aborder : Quel est le sens ? Quelle est la situation dramatique ?
Quand la pièce commence, les spectateurs sont encore en train d’arriver. Ils sont encore en train de s’asseoir, d’enlever leur manteau, quand les deux comédiens surgissent des gradins. Il y avait cette idée que le début est difficile à comprendre et que ce n’est qu’ensuite que le vrai sens arrive. C’était un moyen d’arriver plus vite à la vraie signification.

Pour Phèdre, je n’avais pas vu de mise en scène. J’avais travaillé la pièce chez Florent. Si, j’avais vu la version avec les costumes de Christian Lacroix (https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab95064535/phedre). D’ailleurs la pièce avait dû être arrêtée car des gamins s’envoyaient des messages pendant la représentation et c’était insupportable).
J’avais lu un livre dans lequel étaient répertoriées toutes les mises en scène de la pièce. C’était précieux. Cela permet de dire : ça on ne fait pas car ça a déjà été fait.

Terminales: Dominique Blanc évoquant son travail avec jean-Pierre Vincent pour le rôle de Suzanne

 Extrait :  Le Mariage de Figaro, Acte I scène 1
https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/mise-en-scene/le-mariage-de-figaro-1/beaumarchais/jean-pierre-vincent-1.html

Il y a eu un personnage très important dans la préparation du Mariage, c’est le dramaturge Bernard Chartreux.
Il s’agit d’une pièce très gaie avec une vitalité joyeuse, de la sensualité, des rebondissements. L’envie de Jean-Pierre Vincent était de divertir par la joie. C’est aussi une pièce qui aime les femmes. C’est une comédie qui vire au drame bourgeois.
Le sujet de la pièce, c’est le droit de cuissage, qui se pratiquait encore à l’époque. La pièce a des résonnances aujourd’hui avec le #Metoo

Jean-Pierre Vincent ne m’avait jamais vu jouer. Léonidas Strapatsakis me voit jouer dans Les Paravents de Chéreau (1983) et propose mon nom à Jean-Pierre Vincent. Ce dernier me donne le rôle de Suzanne sans m’avoir vue, en faisant confiance à Léonidas. J’avais raté tous mes concours, essuyé beaucoup d’échecs, mais Jean-Pierre Vincent m’autorisait à entrer dans une pièce classique avec un rôle de jeune première. Je n’avais jamais pu jouer les jeunes premières car je ne correspondais pas aux critères physiques. Je n’étais pas dans les codes : des cheveux trop raides, une bouche trop petite… Après beaucoup de déceptions, j’étais tout à coup choisie pour l’un des rôles principaux. Car c’est le Mariage de Suzanne autant que celui de Figaro.

On l’a peu joué mais ça a eu un succès extraordinaire. Je regardais souvent, cachée dans les coulisses, le public rire. Ce rôle a changé quelque chose pour moi. D’ailleurs le soir de la première Vitez vient me voir. Il m’impressionnait beaucoup. Il me tient un long discours auquel je ne comprends pas grand-chose si ce n’est qu’il m’explique qu’il y a les rôles d’une vie. Suzanne était, selon lui, le rôle de ma vie. Vitez, d’ailleurs, me propose ensuite le rôle de Célimène dans le Misanthrope. Et je reste sans voix.
Les rôles au cinéma arrivent après. Je joue dans La femme de ma vie et après on a tendance à ne me proposer que des rôles d’alcoolique. Puis je rencontre Claude Sautet. Il me dit qu’il ne m’a jamais vu jouer mais il me propose quand même le rôle de Georgette, une femme dans un bar, complètement bourrée. Comme j’aime beaucoup Romy Schneider, je fais parler Claude Sautet et je me dis que cet homme est extraordinaire. Donc je fais Quelques jours avec moi en 1988. Puis viendront Je suis le seigneur du château et le Chabrol…


Ici, on a la première scène qui est la seule chose que je connaissais de la pièce. C’est une scène qui est beaucoup travaillée dans les écoles d’art dramatique.
- Le décor, c’est Le Verrou, de Fragonard. On remarque la simplicité du décor. Par la suite on va avoir quelque chose de sensuel avec un miroir et des drapés.
- Il y a deux musiciens au plateau : un violon et un accordéon qui sont là tout le temps. Ici, il y a donc à la fois l’intimité du couple mais aussi, déjà un air de fête. On voit dès le départ la complicité des deux personnages.
- La scène était très modeste mais il fallait jouer à Chaillot devant 1200 spectateurs. Donc il s’agissait d’une scène d’intimité qu’il fallait jouer en grand. Et sans micro.

Pour préparer le travail, j’avais lu la biographie de Beaumarchais. J’ai démarré ma carrière théâtrale avec Chéreau, qui avait un très grand niveau d’exigence et qui commençait toujours par un travail de lecture à la table. Donc là, j’ai aussi anticipé en draguant tout ce qui avait un lien avec le Mariage. Je suis autodidacte et complexée de ne pas avoir fait de grandes écoles donc je travaille, j’anticipe.
Le fait que Suzanne soit orpheline me parle immédiatement car cela me permet de penser à elle comme à une force de vie, comme une volonté de s’en sortir. Jean-Pierre Vincent la décrit comme très vive, enjouée, très heureuse de son Figaro et j’ai cela en moi-même. Mais, c’est la première fois qu’on me le révèle. Je découvre d’ailleurs que j’ai un pouvoir comique.
Un rôle réussi est un rôle où je vais apprendre quelque chose sur moi, sur quelqu’un ou sur une œuvre. Je joue aussi pour m’oublier, c’est-à dire pour être un autre, pour devenir d’autres personnages qui me plaisent davantage. Mais aussi pour me découvrir car on est vaste.

On commence le travail au plateau. Jean-Pierre Vincent est assez actif au plateau mais il ne me dit jamais rien. Donc je deviens un peu paranoïaque et j’en parle à Léonidas qui me répond qu’il ne me dit rien car il n’y a rien à dire.
Le travail avec le metteur en scène est important. C’est un travail de confiance. Il faut qu’on m’emmène, qu’on y aille ensemble. Quand j’ai commencé à jouer dans Les Démons, l’adaptation de Dostoïevski, j’ai avancé avec Guy Cassiers, ensemble, dans une sorte d’inconnu et de merveilleux.

mardi 27 février 2024

Terminales: cours du mercredi 21 février: la formation de l'acteur, le travail de l'acteur

 Paradoxe sur le comédien de Diderot: Lire le texte en entier

Sur le théâtre de Diderot et le paradoxe du comédien (1H)

Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien (1773, publication posthume 1830)

Philosophe des Lumières, Denis Diderot est à la fois romancier, essayiste et dramaturge. Le Paradoxe sur le comédien est l’un des textes théoriques qu’il consacre au théâtre. Déçu par sa lecture de la brochure de Sticotti intitulée Garrick ou Les Acteurs anglais (1769), Diderot amorce une réflexion de fond sur l’art du comédien, qui donnera naissance à l’un des textes majeurs consacrés à cette question. Dans ce dialogue fictif, l’auteur met en scène deux personnages, chacun exprimant une vision opposée du jeu de l’acteur. Diderot donne ici la voix au « premier interlocuteur », qui est en réalité son porte-parole.

Comment Diderot définit-il le bon comédien ? En quoi la thèse qu’il défend est-elle paradoxale ? Dans quelle mesure celle-ci vous paraît-elle rendre compte de votre pratique ?

Le bon comédien n’est pas, selon Diderot, un homme doué de sensibilité, mais un être capable de reproduire « les signes extérieurs » de celle-ci. Alors que le XVIIIe siècle valorisait les acteurs qui jouaient d’âme et laissaient libre cours à leurs sentiments, le philosophe défend une thèse paradoxale, qui va à l’encontre (para) de l’opinion commune (doxa) : « C’est l’extrême sensibilité qui fait les acteurs médiocres ; c’est la sensibilité médiocre qui fait la multitude des mauvais acteurs ; et c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes » (Denis Diderot, Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien, 1773-1830, présentation par Sabine Chaouche, © Éditions Flammarion, 2000, p. 56). Le grand acteur est avant tout un grand observateur qui perçoit et mémorise les manifestations extérieures, visibles ou audibles, des émotions (« Ce tremblement de la voix, ces mots suspendus, ces sons étouffés ou traînés, ce frémissement des membres, ce vacillement des genoux, ces évanouissements, ces fureurs, pure imitation, leçon recordée d’avance », op.cit., p. 55).

petite video montrée en cours sur stanislavski et meyerhold 

Constantin Stanislavski, La Formation de l’acteur (1936)

Comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique, Constantin Stanislavski (1863-1938) est aussi cofondateur du Théâtre d’Art en 1898. Il défend une haute vision de l’art théâtral, ce qui l’amène à penser en profondeur le travail de l’interprète, à travers, notamment, deux ouvrages, La Construction du personnage et La Formation de l’acteur. Ce texte-ci se présente comme un dialogue entre le pédagogue Tortsov (double fictionnel de Stanislavski) et les apprentis comédiens. 

Comparez ce texte avec l’extrait de Diderot proposé ci-dessus. Quelle vision du jeu théâtral Stanislavski défend-il ici ?

Vous êtes-vous aussi confronté à des artistes, des pédagogues, qui cherchent à vous enseigner l’art de l’interprétation ? Dans quelle mesure ces textes théoriques peuvent-ils nourrir votre réflexion sur votre pratique personnelle et/ou sur les indications de jeu, les directions de travail qui ont pu vous être données ? De quel théoricien vous sentez-vous le plus proche ? Pourquoi ? Réflexion à mener dans le carnet de bord.

Les deux auteurs empruntent une forme commune – le dialogue fictionnel – pour exposer leur point de vue, à travers la figure du premier interlocuteur (Diderot) ou du pédagogue Tortsov (Stanislavski). Les autres locuteurs mis en scène permettent soit d’exposer certains contre-arguments, soit de préciser une pensée ou de la rendre plus vivante.

Deux conceptions du travail de l’interprète semblent ici s’opposer. Alors que le comédien doit, selon Diderot, mettre l’accent sur « les signes extérieurs du sentiment », chez Stanislavski, c’est « l’aspect intérieur du rôle » qu’il s’agit de cerner pour commencer. La sensibilité décriée par le philosophe du XVIIIe se trouve au centre du système élaboré par le pédagogue russe : « vous devez [vivre le rôle] en éprouvant réellement les sentiments qui s’y rapportent chaque fois que vous le recréez ». Stanislavski attend que l’acteur agisse en « communion » avec le personnage, tandis que Diderot préconise la distance requise par « la pure imitation ».

On pourra évoquer  la postérité de Stanislavski, les liens qu’il entretient avec l’Actors Studio, tout en  rappelant que l’extrait proposé  ne rend pas compte de la complexité de ses théories. La confrontation avec le texte de Diderot  permettra toutefois de penser le travail de l’acteur dans son va-et-vient continuel entre intérieur et extérieur. Elle sera  l’occasion de se situer, même schématiquement, dans ces débats. Le recours au carnet de bord, par le prolongement qu’il permet entre pratique et théorie, sera des plus précieux.

Huit grands exercices et principes résultèrent de ce Système énoncé dans La Formation de l’acteur, l’un des ouvrages fondamentaux de Stanislavski (1926) :

  1. Reproduire la réalité à partir d’une observation aiguë du monde.

  2. Tout comportement sur scène doit être justifié psychologiquement par une série de motivations et de justifications puisées dans le passé du personnage.

  3. Toute émotion exprimée doit être authentique et empruntée à la mémoire affective de chacun (d’où l’impérative nécessité d’avoir recours à des exercices sensoriels – articulés autour de l’exploitation exhaustive des cinq sens – en étroite relation avec la recherche introspective).

  4. L’acteur doit profondément analyser sa propre personnalité dans le but d’apporter une vérité psychologique absolue à son personnage.

  5. Obligation de pratiquer l’improvisation aussi bien pendant les répétitions que durant les représentations pour rendre toute interprétation spontanée.

  6. Besoin absolu pour les acteurs de communiquer de manière très intime et d’apporter la plus grande attention à l’expression du partenaire, afin de créer sur scène un « ensemble » harmonieux dans le jeu.

  7. Nécessité également d’utiliser les objets pour leur valeur symbolique, mais aussi pour leur relation étroite au monde matériel.

  8. L’acteur, enfin, doit se vouer d’une façon quasi religieuse à son travail, dévotion fondée sur une croyance mystique dans le pouvoir de la vérité qui émane du jeu.

    Pour Stanislavski, l’acteur se devait d’être le personnage vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
    " (Cieutat, 2006  )Emission sur Stanislavski ( 1H)

 

Bertolt Brecht, Petit organon pour le théâtre (1948) Résumé de l'ouvrage

Dramaturge, metteur en scène et poète allemand, Bertolt Brecht (1898-1956) est également connu comme théoricien du théâtre. S’opposant à un théâtre du héros et de l’illusion hérité de Sophocle et d’Aristote, il défend un théâtre épique, fondé sur la distanciation. .

Quelle vision du jeu de l’acteur Brecht défend-il dans ce texte ? Quel lien établit-il entre le jeu du comédien et la réception du public ? De quel théoricien précédemment mentionné vous semble-t-il le plus proche ? Pourquoi ?


Brecht préconise un jeu distancé. Loin de chercher à « se métamorphoser intégralement en son personnage », le comédien doit le montrer, « ou, plus exactement, […] ne pas seulement le vivre » (Bertolt Brecht, op. cit., p. 63-64). Le corollaire de l’interprétation consciente d’elle-même mise en œuvre par l’interprète est la réception distancée du public. Ni l’acteur ni le spectateur ne doivent s’identifier au personnage. « Le public doit avoir là une entière liberté » (Ibid). La distanciation préconisée par Brecht peut faire écho à celle que Diderot appelle de ses vœux dans le Paradoxe du comédien. Pour autant, le but du dramaturge allemand est particulier. Il s’agit d’inciter le spectateur à prendre ses distances par rapport à la réalité représentée afin de solliciter son esprit critique. Le but du théâtre brechtien est politique.



 

 


mardi 20 février 2024

Sur Incandescences d'Ahmed Madani

 Sur le site de la Compagnie: videos et podcasts sur le processus de création. Extraits de presse.

La pièce tisse des liens brûlants entre des réalités historiques, sociales, culturelles,
humaines assumées par les comédiennes et comédiens, personnages de leur his-
toire. Ce sont des morceaux de vie que le dramaturge et metteur en scène place
sous l’égide de la parole directe, dans un rapport d’immédiateté, dans une dyna-
mique réflexive et émotionnelle à travers la question de ses origines, de sa famille,
de son appartenance, des choix à opérer et à assumer et qui relève de la tragédie,
du destin. Ce sont des morceaux de mosaïque au cœur de laquelle Ahmed Madani
infuse son propre récit de vie.

Dossier pièce/démontée à consulter: nombreux extraits du texte à la fin du dossier.

Dossier artistique

S'interroger sur le titre de la pièce.

Personnages: acteurs et personnages.

Ibrahima Diop:  Kirikou Sénégal famille noble
Marie Ntotcho:  Awa famille d’esclaves
Merbouha Rahmani:  Marbouha Aubervillers famille d’immigrés
Julie Plaisir:  Julie Plaisir mère des îles Mayotte père bad boy
Philippe Quy:  Philippe père du Cambodge mère chinoise
Izabela Zak:  Izabela Zak Pologne
Aboubacar Camara:  Abou parle le Solinké
Jordan Rezgui:  Jordan
Virgile Leclaire:  Virgil Leclaire de Bourg-la-Reine 

Ahmed Madani affirme une posture esthétique sur le principe de la mosaïque, la juxtaposition et l’association, l’assemblage d’éléments dans une vision cohérente et pertinente.

Deux espaces distincts sur la scène : le plateau où se déroule le jeu par le dit, le chanté, le dansé et le fond de scène où se déploient les arts visuels de la photographie, et de la vidéo

Le fond de scène devenu écran offre une macrophotographie pour le portrait de chaque personnage et
ainsi complète le récit, donne à voir les émotions sur le visage du, ou de la comédienne

La vidéo de l’eau qui coule durant le récit de l’une des comédiennes entre en résonance symbolique avec l’intime, la mélancolie du temps passé et perdu.
– La vidéo montrant le système artériel et rouge à l’intérieur du corps humain établit un lien sémantique
et / ou symbolique de la force de la jeunesse, le dynamisme, l’énergie vitale.

Cet espace multiple permet de diversifier les formes de jeu des comédiens. Une mosaïque de scènes dites,chantées et dansées se concrétise sur le plateau. La scénographie permet une pluralité de formes d’expression artistique qui s’assemblent, se complètent, s’enrichissent.
C’est ce qui apporte une dimension poétique au spectacle au-delà de la dimension réaliste des récits dits
par les comédiens.
Le metteur en scène donne ainsi du rythme à la représentation, de la force à la pluralité du jeu. On retrouve ainsi les éléments du principe esthétique qui caractérise la mise en scène et l’écriture d’Ahmed Madani

Réfléchir au travail de choeur, à la mise en scène des dialogues, à l'utilisation de la video.

Parcours Dominique Blanc: les personnages du Mariage de figaro

 Les principaux personnages vus par leur auteur.
Dans sa préface et dans "caractères et habillements de la pièce", Beaumarchais donne de précieuses indications au lecteur sur ses personnages :
    - Le Comte est essentiellement caractérisé par son rang social et par sa puissance :"Un grand seigneur espagnol... un maître absolu que son rang, sa fortune, sa prodigalité rendent tout-puissant... C'est un mari peu délicat....assez galant,..., un peu libertin."De plus, il doit être joué "très noblement avec grâce.... la corruption du cœur ne doit rien ôter au bon ton de ses manières."
    - La Comtesse est identifiée à ses qualités morales : c'est "la plus vertueuse des femmes... Un modèle de vertu, l'exemple de son sexe et l'amour du nôtre.... Un caractère aimable et vertueux".L'éloge dithyrambique participe à la mise en place de l'image de la femme victime du libertinage de son mari.
    - Figaro est présenté comme un personnage dominant tant par ses qualités que par son rôle. C'est "l'homme le plus dégourdi de sa nation..... il incarne "le feu et l'esprit.... Il ne ruse avec son seigneur que pour garantir ce qu'il aime et sauver sa propriété." De plus, la sagesse et la gaieté en font le parangon du valet émancipé , il est " de la sagesse assaisonnée de gaieté et de saillies."
    -Suzanne n'est pas une servante quelconque, elle est " spirituelle, adroite et rieuse ...  mais non de cette catégorie presque effrontée de nos soubrettes corruptrices... Dans tout son rôle, il n'y a pas une phrase, pas un mot qui ne respire la sagesse et l'attachement à ses devoirs."
    - Chérubin est par avance excusé et justifié de ses penchants pour la Comtesse. Beaumarchais insiste beaucoup sur sa jeunesse, ce qui ruine toute intention qui pourrait porter atteinte à la décence et à la morale : "un enfant de treize ans, aux premiers battements du cœur..., idolâtre [de] sa marraine est-il sujet de scandale ?... Aimé de tous, vif, espiègle et brûlant comme tous les enfants spirituels.... Pour lui imprimer plus fortement le caractère de l'enfance, nous le faisons exprès tutoyer par Figaro... Timide à l'excès devant la Comtesse, ailleurs un charmant polisson."
    - Marceline est " Une femme d'esprit, née un peu vive, mais dont les fautes et l'expérience ont réformé le caractère."
 
arrow32.gif (570 octets)Portrait selon les personnages.
Dans "Dom Juan", Molière fait faire à Sganarelle le portrait de son maître : véritable tradition dramaturgique, la présentation du personnage principal est, le plus souvent , prise en charge par un autre personnage qui lui est proche ( autre exemple : Tartufe est tour à tour présenté par Madame Pernelle, Orgon, Dorine... bien avant qu'il n'arrive sur scène). Beaumarchais respecte ce principe mais de façon plus discrète : les caractères sont esquissés par petites touches et pris en charge par plusieurs personnages.

- Figaro apparaît d'abord comme un personnage aux multiples qualités aux dires de la gente féminine :
        Marceline le considère comme un jeune homme gai et bon "Jamais fâché ; toujours de belle humeur ; [...] sémillant, généreux, généreux."(I,4), séduisant, c'est "Le beau, le gai, l'aimable Figaro" (I,4) et épicurien " Donnant le présent à la joie et s'inquiétant de l'avenir tout aussi peu que du passé" ( I,4)
       Suzanne nous présente un fiancé malicieux et ingénieux, "De l'intrigue et de l'argent, te voilà dans ta sphère."(I,1),particulièrement gai "J'aime ta joie parce-qu'elle est folle" la Comtesse voit en lui l'élément indispensable pour rappeler le Comte à l'ordre "... lui seul peut nous [...] aider... il a tant d'assurance." ( II,1)
    En revanche, le regard des personnages masculins ne voit que ses défauts.
        Pour Bartholo, Figaro est un personnage de la parole débridée, " Un bavard enragé" et " le plus fier insolent" (I,3).
       Le Comte considère son valet comme un menteur (II,20), toujours intéressé par l'argent et sournois "Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune et jamais aller droit" (III,5), un insolent qui se trouve partout où on ne l'attend pas et qui brouille les pistes au point que le comte ne sait plus où il en est "Le fil m'échappe"(III,4)
        Pour parachever le portrait de Figaro, il suffit de lire son auto-portrait dans son monologue (V,3). Il se peint tel " Un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir... ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux avec délices ! orateur selon le danger, poète par délassement, amoureux par folles bouffées..."( c'est moi qui souligne)
        Amoureux, il n'hésite pas à dire et à redire son amour pour Suzanne :" Il n'y a que mon amour pour Suzon qui soit une vérité de bon aloi" et il ajoute " En fait d'amour [...] trop n'est pas même assez."( IV?1)
        Son amour est tel que sa jalousie éclate lorsqu'il croit que Suzanne a donné rendez-vous au Comte sous les marronniers et sa colère est sans limite ( lui qui venait de confier à sa mère que la jalousie "n'est qu'un sot enfant de l'orgueil" et que "si Suzanne doit me tromper un jour, je le lui pardonne d'avance" ( IV,13) !!!). Figaro devient alors un personnage très sérieux qui porte un regard cynique sur le monde qui l'entoure, remettant en cause les fondements mêmes de la société et se posant des questions existentielles qui préfigurent le héros romantique du début du XIXème siècle. A la question "Quel est le moi dont je m'occupe" il répond "un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre". Le bilan amer qui clôt ce monologue "J'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite et trop désabusé...Désabusé ! ... Désabusé !" a des accents de déréliction.
        Personnage sensible, Figaro cache mal son émotion et, sans fausse pudeur, apprenant que Marceline est sa mère, il laisse éclater l'intensité de sa joie "Je les ( les larmes) retenais bêtement ! Va te promener la honte ! Je veux rire et pleurer en même temps."(III,19)
        Dans sa préface, Beaumarchais, disait de Figaro qu'il était "de la sagesse assaisonnée de gaieté" et de fait il n'est pas un personnage excessif mais au contraire un personnage nuancé qui use de deux armes pour combattre le Comte : la parole, le rire et la ruse.

- Le Comte
        Il s'agit d'un personnage beaucoup moins nuancé que celui de son valet et si Figaro attire les sympathies, le Comte attise les réprobations. Deux traits de caractères dominants sont mis en évidence par les différents personnages : Le libertinage et la jalousie.
        Dés la scène 1 de l'acte I, Suzanne atteste  le libertinage du Comte " C'est sur la tienne qu'il a des vues"
       
        Selon Marceline " il est jaloux et libertin"( I,4)
        Bartholo précise " Libertin par ennui, jaloux par vanité" (I,4)
        La Comtesse constate "Il ne m'aime plus"(II,1) et "la seule vanité" (II,16) est la cause de sa jalousie.
        Figaro ose lui dire " Vous êtes infidèle" (III,5)
        La jalousie du Comte est telle qu'elle va jouer un véritable rôle dans la dramaturgie. Dés la scène 2 de l'acte II, Figaro ajuste sa stratégie pour confondre le Comte :"... tempérons d'abord ses ardeurs de nos possessions en l'inquiétant sur les siennes" : le rendez-vous sous les grands marronniers, source de péripéties et de rebondissements, est élaboré et il faudra attendre la fin de l'acte V pour sa mise en scène.
        Dans les scènes 10,11,12,13,16,17,19 de l'acte II, la jalousie du Comte, poussée à l'extrême, se met en scène et offre au spectateur l'image avilie de ce grand seigneur. Soupçonneux, craintif, il s'emporte et ne se maîtrise plus "Furieux", "tapant du pied", il se laisse dominer par la colère. Il prend "des précautions inutiles" en fermant à clef la porte de la chambre de Suzanne alors qu'elle est dans la chambre de la Comtesse. Il est ridicule lorsqu'il s'adresse" au cabinet". Il ne contrôle plus ses mouvements " il marche pour sortir et revient" ; il oublie son honneur et n'hésite pas à faire "un scandale public" au risque de devenir "la fable du château"; il manque de respect à sa femme en la tutoyant familièrement "tu es bien audacieuse". Les attitudes du comte apparaissent  d'autant plus ridicules que la cause de sa jalousie est injustifiée : pour l'heure, il n'a rien à craindre d'un enfant de treize ans ; de plus sa jalousie est en contradiction avec son libertinage.
        Le libertinage joue lui aussi un rôle dans la dramaturgie.Son enjeu est double : il est à l'origine, de l'intrigue principale de la pièce à savoir l'obstacle au mariage de Suzanne et de Figaro et du conflit qui oppose le maître et le valet.
        Séducteur impénitent le Comte est prêt à se renier en voulant user d'un droit( "le droit du seigneur") aboli par lui-même dans "Le Barbier de Séville"  pour séduire la future comtesse Almaviva.
        Enfin, pour assouvir ses désirs, il abuse de son autorité (cf "la disconvenance sociale" et agit en maître absolu. Les verbes de volonté et les impératifs dominent le plus souvent les propos qu'il tient et quand ces artifices de l'autorité ne suffisent pas il n'hésite pas à avoir recours au chantage "Si tu manquais à ta parole... point de rendez-vous, point de dot, point de mariage" (III,9) ou à la mauvaise foi ( cf le jugement qu'il prononce en la défaveur de Figaro dans le procès qui l'oppose à Marceline)

 
       - La Comtesse
        Elle est un personnage diamétralement opposé à son mari. "Noble et belle mais imposante"(I,7) selon Chérubin, elle est consciente des défauts du Comte et en souffre. "Il ne m'aime plus" (II,1) confie-t-elle à Suzanne et la solitude à laquelle elle est contrainte lui pèse : "je ne suis plus la Rosine que vous avez tant poursuivie ! Je suis la pauvre comtesse Almaviva ; la triste femme délaissée, que vous n'aimez plus". La distance entre le prénom et la patronyme est ici éloquente : la jeune fille aimée et arrachée à un vieux tuteur jaloux ( Bartholo) dans "le Barbier de Séville" n'est plus qu'un être social condamné à assurer un rôle : celui de la femme trompée.
       Vertueuse, elle reste néanmoins fidèle à ce mari volage ( même si d'aucuns considèrent sa tendresse pour Chérubin plus importante qu'il n'y paraît) mais elle n'est pas résignée. Elle va tout faire pour reconquérir son mari et par là même sauver l'honneur du Comte. A l'école de Figaro, elle va , avec l'aide de Suzanne, élaborer une stratégie qui lui rendra son mari. Espiègle et ingénieuse Comtesse qui aura la joie d'entendre son mari lui demander pardon (II,19 ; V,19)
       Contrairement à certaines critiques, je ne pense pas que la Comtesse soit un personnage qui se laisse dominer. Certes elle craint la colère de son mari, lors de la "scène du cabinet" et devant l'urgence de la situation elle est prête à avouer la présence de Chérubin mais elle joue parfaitement la comédie au point que le comte ne peut se douter de la supercherie ; de plus il faut lire la pièce dans le contexte de son époque et au XVIIIème siècle, la femme ( Marceline nous l'expliquera : dépend entièrement de son mari et si les hommes peuvent tromper leurs femme en toute impunité, la femme mariée doit rester vertueuse. D'autre part, c'est à l'insu de Figaro et contre la volonté de Suzanne qu'elle se rendra au rendez-vous sous les marronniers déguisée en Suzanne. C'est donc un personnage qui évolue au fil de la pièce et qui s'enhardit au point de gagner seule la victoire sur le Comte.

 
    - Suzanne
        Définie par Figaro, c'est "une charmante fille ! Toujours riante, verdissante,pleine de gaieté, d'esprit, d'amour et de délices ! mais sage..."(I,2) Ce portrait   élogieux  dicté par un amour sans borne corrobore celui de Beaumarchais et insiste sur la joie de vivre du personnage. Toutefois, Figaro lui reproche sa trop grande sagesse. De fait, Suzanne, très attachée aux traditions morales, garde les épanchements amoureux pour leur mariage et lorsque son fiancé lui demande "un petit baiser", elle refuse "[..] Et quand dirait mon mari demain ?" (I,1). Sauvegarder son honneur de jeune fille, sa dignité et son amour sont ses buts et c'est au nom de ces trois principes qu'elle refuse de céder au Comte malgré la promesse d'une dot conséquente : Suzanne ne se vend pas.
        Elle entretient avec Marceline des relations conflictuelles. La scène 5 de l'acte I met en présence les deux rivales et Suzanne persifle en traitant son aînée de "Duègne" (comprenez : vieille femme). Le jeu scénique des révérences ponctue ironiquement la querelle des deux femmes. Suzanne se laisse envahir par une colère jalouse lorsqu'elle voit Figaro embrasser Marceline (III,8 : quiproquo oblige, Suzanne ignore tout de la scène de reconnaissance)"Tu l'épouse à gré puisque tu la caresses"
        Personnage plein de bon sens et d'esprit, elle a le sens de la répartie. Au chantage du Comte elle répond par un autre chantage  : "Point de mariage, point de droit du seigneur" (II,9). Lorsque le Comte lui demande de ne rien dire de ses intentions à Figaro elle détourne la réponse par une formule bien à propos : "Je lui dis tout hors ce qu'il faut taire."(III,19)
        Perspicace, dans la scène 8 de l'acte I, elle utilise "le gros fauteuil de malade" comme troisième lieu pour cacher Chérubin à l'arrivée du Comte. De même, à la scène 17 de l'acte II, sortant du cabinet à la place de Chérubin, elle sauve la Comtesse d'une situation qui lui était très défavorable.
        Sûre d'elle, elle n'hésite pas à se moquer des autres personnages en les contrefaisant. Ainsi se moque-t-elle de la timidité de Chérubin en présence de la Comtesse ( II,4) et traduit ses hésitations par des onomatopées péjoratives : " Et gnian, gnian, gnian, gnian...". Elle ridiculise la jalousie du Comte quand apparaissant devant lui elle dit : "Je le tuerai, je le tuerai. Tuez-le donc, ce méchant page."(III,17)
        Enfin, servante dévouée au service de la Comtesse, elle est une complice attachante qui ne recule devant rien (elle agira contre la volonté de Figaro) pour sauver l'amour de sa maîtresse pour son mari.

 
        - Marceline
        Il s'agit du personnage qui du point de vue dramaturgique évolue le plus. Au début de la pièce, rivale de Suzanne, alliée du Comte, amoureuse de Figaro, lucide quant aux relations qu'entretiennent le Comte et la Comtesse "Elle languit... son mari la néglige."(I,4), elle devient une mère aimante et secourable à partir de la scène 16 de l'acte III : "Sois heureux pour toi ,mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde : il ne manquera rien à ta mère" et elle accueille Suzanne avec tendresse "Embrasse ta mère ma jolie Suzannette"(III,17). Dés lors, elle change de camp, devient l'alliée de Figaro et le Comte se retrouve seul dans la quête de son désir.
        Marceline, c'est aussi, et surtout peut-être, cette femme de caractère qui, le verbe haut, ose se lancer dans un réquisitoire contre le pouvoir des hommes et dans un plaidoyer pour les femmes opprimées.  ) Féministe avant l'heure Marceline ? Gardons-nous de ces étiquettes et saluons seulement sa lucidité et sa clairvoyance quant à la précarité de la position de la femme au XVIIIème siècle.

 
        -Chérubin
       " Ce rôle ne peut être joué [...] que par une jeune et très jolie femme" précise Beaumarchais dans "Caractères et habillements"  pour insister sur la jeunesse  du personnage et l'innocence de ses intentions. C'est un très jeune adolescent en pleine puberté, à la sensualité naissante ; lui-même le confie à Suzanne : "Je sens ma poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul aspect d'une femme... Enfin, le besoin de dire à quelqu'un " je vous aime" est devenu...si pesant, que je le dis tout seul."(I,7), et Suzanne ne voit en lui " qu'un morveux(gamin) sans conséquence"(I,7).On peut à ce titre considérer comme injuste l'éloignement que le comte lui impose. Mais Chérubin est celui qui permettra de mesurer l'ampleur de la jalousie du Comte et de mettre en place une coalition de tous les personnages contre l'autorité abusive du Comte. En effet, chacun s'applique à cacher et à protéger Chérubin contre l'ordre du Comte : n'est-ce pas bafouer son autorité ?
        Par ailleurs, la présence de Chérubin jusqu'à la fin de la pièce est nécessaire à Beaumarchais pour annoncer la dernière pièce de sa trilogie, "La Mère coupable". Lorsque suzanne affirme "Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand vaurien"(I,7), elle annonce la relation amoureuse qu'il aura avec la Comtesse. De même, Figaro entrevoit son destin tragique "A moins qu'un coup de feu"(I,10), destin qui se réalisera dans l'intertexte( Chérubin meurt en 1770, c'est à dire 2 ans après la fin du "Mariage de Figaro") (cfpetite_histoire_d.htm)