samedi 30 janvier 2016

vendredi 29 janvier 2016

Citation du jour Hommage à Emmanuel Darley

J'avais rencontré l'écrivain Emmanuel Darley au Vietnam fin 2007. Nous avions parlé d'un jour travailler ensemble en septembre dernier. Cela ne se fera pas. Il a disparu brutalement le 25 janvier 2016, trop sensible, trop blessé. Il faut lire son théâtre et ses romans.
Emmanuel Darley sur Théâtre Contemporain

“Je suis sorti du village en prenant le chemin du lavoir, progressant d’abord dans l’obscurité puis peu à peu, le jour venant, en dépassant le stade et en franchissant la voie ferrée, près du silo, j’ai commencé à distinguer les alentours, dans la lumière laiteuse de l’aube. J’ai suivi les rails, j’ai avancé vers la ville, et avant la rivière, avant le pont de bois, j’ai regardé derrière moi, le village sur la colline, l’église le coiffant, les maisons autour et le chateau d’eau tout au fond, sur la ligne d’horizon. Je m’en allais, je prenais le chemin de l’ouest, le chemin de la mer.”
(extrait de Un gâchis – roman d’Emmanuel Darley)

mercredi 27 janvier 2016

Les personnages de Vinaver



Les Personnages de Vinaver :  notes d’un article de Jean-Pierre Ryngaert

La tribu des personnages, figures d'un organisme vivant.

La réflexion sur le personnage chez Vinaver pourrait-être un sujet d’approfondissement. N'hésitez pas à me demander d'expliquer si nécessaire.


Loin du T naturaliste : personnages pas traités comme des personnes, pas de notations physiques ou psychologiques. Se définissent par ce qu’ils disent essentiellement : relation de dialogues avec les autres. Pourtant identité sociale, éléments d’un ensemble plus vaste, tissu vivant où chacun cherche, trouve ou perd sa place. 

« Nés de ce qu’ils disent d’eux mêmes, ils vivent ensuite des relations qu’ils entretiennent avec les autres. »

Importance de la parole. Parfois pas d’énonciateur désigné comme dans certains passages de Par Dessus bord : successions de répliques avec tiret. Parole ambiante, polyphonique, chorale, « bruits » du monde.
Personnage : pas l’entrée dramaturgique la plus apparente.  Beaucoup plus évident : Montage des répliques, entrecroisement du sens, courts-circuits des sens possibles.

Vinaver n’utilise pas le terme de « personnage » , fuit le commentaire psychologisant. Pas construits comme des silhouettes à colorier et à juger en fonction de leur poids de réalité ou de leur ressemblance avec un modèle. Incomplets, troués comme les répliques et la fable elles-mêmes. Plutôt carrefour de sens, un corps, celui de l’acteur = vecteur de répliques.

Pas symétrique du réel mais réel de l’œuvre : imaginaire mais groupe fermé d’où émergent des caractéristiques. Nom, identité sociale, âge, construits par leurs paroles. Souvent professions données dans la didascalie liminaire.

C’est le monde de l’entreprise qui l’emporte ( Par Dessus Bord, La demande d’Emploi, Les travaux et les Jours, A la renverse, L’ordinaire, Iphigénie Hôtel), mais aussi l’armée ( Les Coréens), le monde politique ( Les Huissiers),l’hôtellerie( Iphigénie Hôtel) … mais pas peintre réaliste des personnages de l’entreprise que par ailleurs Vinaver connaît bien, pas de portait en pied, de fiche identitaire exhaustive. Personnages présentés sous un ou deux angles particuliers, âge, métier, rapports familiaux mais jamais en volume.

Famille qui s’oppose ou se frotte à l’entreprise, dynastie familiale à la tête de l’entreprise, frictions et éclatements ; affrontement des générations, évolution de l’entreprise à travers le temps. « tribu »
Dans l’entreprise : pyramide des emplois, organigramme : cf 13 premiers personnages de Par-Dessus bord déterminés par leurs fonctions dans la maison Ravoire et Dehaze, depuis Fernand Dehaze PDG à Lubin représentant en passant par 3 directeurs. Pyramide des âges qui correspond : chacun a l’âge de son emploi. PDG 50 ans au moins, cadres la quarantaine.

Groupes et place de l’individu dans le groupe, celle qui leur est assignée par leur fonction, leur âge, leur sexe : saisis dans des ensembles. Mais deux dimensions évoquées  à l’intérieur de ces ensembles : 1. Les histoires individuelles 2. L’histoire collective, cependant interpénétration très forte d’où la difficulté de découper le texte. 

Pas des types, pas des portraits sociaux, pas vraiment individualités bien que leur parcours individuel soit évoqué, richesses d’informations sur leur vie mais sans qu’on sache toujours quoi en faire, l’essentiel demeure dans leur activité au sein du groupe. Pièces d’un puzzle, quand l’une bouge, toutes doivent bouger.

Qu’est ce qui vient perturber l’ordre établi des personnages ?  Le changement de place, réel ou potentiel, la modification de la hiérarchie par la mort ou la promotion à venir. Tout commence avec la mort du fondateur de l’entreprise familiale.
Pbl  du jeune homme de trouver une place dans la société ou un peu plus tard de la garder ou d’en trouver une meilleure. : Furieuse partie de «  chaises musicales » qui bouleverse l’entreprise et la famille ; Subissant un coup de force, le personnage exposé à une modification de son microcosme s’emploie à retrouver une posture acceptable au sein de ce qui est entrain de se redessiner. Pbl de mutations, transmissions, de successions, de clivages, de changement et de la façon dont les individus s’y adaptent. Cf l’histoire des « tribus » dans Par Dessus bord dont le professeur M. Onde donne dans un cours au Collège de France le récit du combat perpétuel, les Ases et les Vanes, analogie mi sérieuse, mi burlesque avec ce qui se passe dans l’entreprise, les anciens et les modernes et leur projet d’absorption par une puissante société américaine. (Les cours de M. Onde ont été supprimés dans notre version mais cela permet d’expliquer leurs présences de prime abord incongrues.)

Quand superposition des deux territoires, famille et entreprise, les personnages se posent des pbl de famille au sein de l’entreprise et vice versa. Parole retentit dans toutes les sphères établissant une sorte de continuité privé- monde professionnel. ( Lubin parle business puis famille sans transition par exemple) Alors que les répliques sont souvent analysées pour leur principe de discontinuité, les « personnages » agissent  eux comme des éléments qui rétablissent l’unité.  En même temps Paroles très libres qui se détachent des obligations dramaturgiques de la fable ou des vraisemblances conventionnelles. Et font parfois saillies. Mais flux constant qui tisse la véritable unité de l’œuvre.

Sorte de milieux biologique, tissus vivant : dynamisme des cellules qui parlent, changent de place (deposte) dont le s intérêts s’imbriquent les uns dans les autres.

Rêve de Vinaver : saisir la vie au moment où elle advient. Méditation sur le vivant, sur le renouvellement des énergies et des hommes, sur les formidables échanges qui maintiennent un mouvement constant, en dépit ou à cause de la mort à venir.

Théâtre et Monde du travail

Je viens de découvrir un blog associé à ce thème avec des articles qui peuvent nourrir vos dossiers d'approfondissements ou vous donner des idées.
Ce blog propose notamment une liste de textes où vous pourriez puiser des scènes mais cela vous donne aussi une idée du nombre de pièces contemporaines qui traitent ce thème:  référentiel de pièces sur ce thème

mardi 26 janvier 2016

Citation du jour

"Je n'écris pas seulement de la main,
Mon pied aussi veut toujours faire le scribe.
Ferme, libre et vaillant, il se met à courir
Tantôt à travers champs, tantôt sur le papier."
Nietzsche, le philosophe-voyageur

Vinaver dans l'actualité: réflexion sur la violence politique de sa dernière pièce

Interview Vinaver sur France Culture


oëlle Gayot reçoit Michel Vinaver, à l'occasion de la mise en scène - par Christian Schiaretti - de sa pièce "Bettencourt Boulevard ou une histoire de France", au Théâtre National de la Colline, du 20 janvier au 14 février 2016...
Avec ce texte, écrit à même la réalité et l’actualité, Michel Vinaver frappe un grand coup. Un coup qui résonne au-delà des salles de théâtre, un coup dont l’écho est politique, poétique, intime et public. Dans cette pièce, chaque protagoniste porte son nom véritable. On voit ainsi apparaître Liliane Bettencourt, sa fille Françoise Meyer, mais encore François-Marie Banier, Nicolas Sarkozy, Patrice de Maistre ou encore Eric Woerth. Rien n’est masqué. Nous savons avec clarté qui nous fait face. Devant nous, se joue une comédie du pouvoir qui est aussi une tragédie amoureuse. Sous la plume de Michel Vinaver, l’affaire Bettencourt devient une histoire de France.

En vérité, c’est un coup de maître qu’accomplit là cet auteur qui n’est jamais passé à côté de ses contemporains. Qu’il s’agisse de la guerre de Corée, des attentats du 11 septembre 2001, des ravages opérés dans la société par le libéralisme ou de l’impact de l’économie au cœur même de nos vies privées, Michel Vinaver a toujours été à l’affut des mouvements qui font que le monde oscille jusqu’à, parfois, basculer sur lui-même. Dans ses textes, on croise le plus souvent des héros ordinaires, on entend des paroles simples, ramenées à l’essentiel. Il ne recourt ni au lyrisme, ni au spectaculaire. Son écriture trouble la surface du réel pour en révéler les aspérités et les accrocs. Elle se refuse à l’amalgame, aux thèses toutes faites, aux jugements en surplomb. L’écrivain regarde vivre ses personnages. Les regarder vivre, ça veut dire également les entrechoquer, tous, grands et petits, femmes et hommes, riches et pauvres.
Il y a du chaos là dedans, c’est vrai, mais c’est de ce chaos que nait la vie.

"Que la gaieté de l'art coïncide avec la plus grande cruauté et puisse rencontrer la plus grande douleur humaine, qu'elle soit loin aujourd'hui de susciter systématiquement et d'avoir même pour objet premier de susciter le rire des spectateurs, voilà ce dont témoigne dans le théâtre contemporain de nombreux textes dramatiques. Michel Vinaver, qui considère le comique moderne comme une "réponse au désespoir", ou plutôt, comme un "rebondissement à partir du désespoir", qualifie ainsi ses pièces de "comédies", parce que, dit-il, quelque chose dans ces textes est constamment décalé", comme l'a expliqué Catherine Naugrette dans on ouvrage "Paysages dévastés. Le théâtre et le sens de l'humain" (Editions Circé, 2004).

A propos de sa pièce "Les travaux et les jours" (L'Arche, 1979), Michel Vinaver écrit lui-même : "Quant au comique - qu'est-ce qui fonde le rire aujourd'hui? C'est peut-être une irrigation capillaire de la matière quotidienne par ce que j'appelle l'ironie, non pas un regard extérieur et, disons, satirique, mais une quantité de mini-décalages qui déstabilisent la banalité sans la dénaturer, qui simplement permettent à la sympathie d'y pénétrer." L'ironie dans toutes ses pièces du quotidien : "Les Huissiers", "La Demande d'emploi", " Dissident", "Il va sans dire à Nina", "Les Travaux et les jours", "Les Voisins", ou encore "11 septembre 2001", et aujourd'hui "Boulevard Bettencourt ou une histoire de France"..

"Michel Vinaver, qui est maître en matière de micro-conflits, pratique (...) le sur-dialogue. Comme il le répète à l'envi, il part toujours du tout-venant, de l'ordinaire, du plus banal du langage quotidien. Ce matériau pléthorique - qui se présente comme une vaste récolte des échanges verbaux sur les lieux de la vie familiale ou, très souvent, sur le lieu de travail et au sein de l'entreprise -, l'auteur le traite comme un dialogue-matériau à partir duquel il élabore, dans un processus de montage extrêmement raffiné, un sur-dialogue parfaitement orchestré. C'est ainsi que la pléthore langagière se transforme en rareté. Que ce qui était a priori amorphe, insignifiant devient dynamique et accède à des bouts de sens." Jean-Pierre Sarrazac "Poétique du drame moderne" (Seuil)

"On ne répétera jamais assez que l'art est une affaire de forme et non de contenu." (Jean Dubuffet, in "Céline Pilote")

A écouter: le portrait au début est déjà très éclairant .

Cadeau: la captation du richard III de Thomas Joly

Vous ne pouvez toujours vous rendre à Paris. Voici Shakespeare à grand spectacle en captation sur culturebox: Richard III de Shakespeare
Vous découvrirez ainsi le théâtre de la Picola Familia

Amphitryon de Molière , mise en scène Guy-Pierre Couleau

J'ai eu la chance de pouvoir assister à la générale de la nouvelle création de la CDE.
Afin de savourer le spectacle, je vous recommande d'avoir lu la pièce avant la représentation  pour pouvoir juger de l' ingéniosité des solutions trouvées par Guy-Pierre Couleau pour "une pièce à machine" qui n'est pas facile à mettre en scène.J'avais demandé en début d'année que vous lisiez Amphitryon qui est un classique et le roman de Chalandon Mon Traître que vous trouverez en édition de poche. Pour apprécier le talent d'un metteur en scène, il faut connaître le matériau textuel auquel il s'attaque.
A lire: amphitryon en ligne

Pistes de réflexion: scénographie:
Comment rendre l'arrivée de Mercure sur un nuage et la Nuit sur son char du Prologue?
Comment représenter la maison d'Amphitryon et ses différents étages, la proximité du port et de la ville de Thèbes?
Comment représenter le dévoilement de Jupiter qui avoue avoir usurpé l'identité d'Amphitryon?

Dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau, le travail de jeu des acteurs qui incarnent les différents personnages est particulièrement intéressant à étudier: pour une fois centrez votre analyse de spectacle sur l'analyse du jeu des acteurs, en commençant par la façon dont les costumes ne servent pas seulement à les identifier mais deviennent de véritables instruments de jeu et de métamorphose.
Comment les acteurs qui jouent Mercure et Sosie, Amphitryon et Jupiter procèdent-ils pour donner l'illusion du double tout en conservant la personnalité de chacun des personnage?
Comment dire les vers sans nuire au rythme de la pièce et faisant entendre la langue de Molière qui aurait voulu être reconnu aussi comme un tragédien?

En quoi la fable d'Amphitryon a-t-elle quelque chose à nous dire aujourd'hui?

J'exige que les élèves de spécialité fassent tous une analyse de ce spectacle car l'équipe de création est à votre disposition pour vous aider à la comprendre. c'est la création 2016 de la CDE notre partenaire.

vendredi 22 janvier 2016

résumé des Bacchantes pour mieux repérer le travail du choeur

Plan de la piece
À Thèbes, devant le palais royal;
près du tombeau de Sémélé
Prologue : Dionysos, sous l'aspect d'un Lydien, veut instituer des rites à Thèbes. Il a châtié les sœurs de sa mère qui niaient sa divinité et les a changées en Bacchantes. Celles-ci vivent maintenant sur le Cithéron.
Parodos : un groupe de Bacchantes venues d'Asie célèbrent Dionysos.
Épisode 1 : Cadmos et le devin Tirésias s'apprêtent à aller célébrer le dieu. Penthée, petit-fils de Cadmos et roi de Thèbes, s'élève contre cette folie. Tirésias évoque la puissance de Dionysos. Penthée veut, lui, punir l'étranger lydien.
Stasimon 1 : le chœur condamne l'impiété.
Épisode 2 : on amène Dionysos enchaîné. Affrontement Penthée-Dionysos.
Stasimon 2 : appel à Dionysos pour qu'il vienne défendre son prophète. Le palais s'écroule, l'étranger sort.
Épisode 3 : l'étranger raconte aux Bacchantes ( lydiennes) comment le dieu l'a sauvé. Un messager vient décrire à Penthée l'attaque des troupeaux et des villages par les Bacchantes ( thébaines). Nouvel affrontement Dionysos-Penthée. Dionysos convainc le roi de se déguiser en bacchante pour aller épier les Thébaines sur la montagne.
Stasimon 3 : méditation sur les dangers de l'impiété.
Épisode 4 : dialogue Dionysos-Penthée ; déguisé en bacchante, le roi est possédé par le dieu.
Stasimon 4 : les Bacchantes réclament la mort de l'impie.
Stasimon 5 : chant de triomphe des Bacchantes lydiennes.
Exodos : Cadmos amène sa fille à la raison. Deuil. Dionysos condamne Cadmos et Agavé à l'exil

Le résumé aurait pu lui aussi vous aider à retrouver le rôle du choeur dans la pièce et vous aurait incité à relire certains passages que je souligne.Ces passages montrent bien que le choeur est composé ds compagnes asiatiques du dieu, des adeptes de sa religion qui le célèbrent par un culte et qui condamnent tous ceux qui ne partagent pas leurs croyances en Dionysos et qui ne font pas partie du thiase, ne sont pas vraiment initiés à ses mystères.Elles sont dans la transe sacrée, religieuse, pas dans la folie vengeresse qui agite les Thébaines, instruments de la vengeance du dieu. 
Le résumé  aurait aussi permis de réfléchir à ce que devient le choeur pendant les épisodes, où se tient-il sur le plateau? Sort-il ou non? Voilà des questions de mise en scène concrètes. 
article sur le choeur dans les Bacchantes: l'article n'est pas tout à fait complet mais il vaut la peine d'être lu et transformé en fiche.

La question du choeur dans les Bacchantes: remise en ligne

la question du choeur dans les Bacchantes

Notes prises lors de la journée du 28 mars. 
Je remets en ligne cet article qui figurait déjà sur le blog l'an dernier.Si vous l'aviez lu et si vous m'aviez interrogé dessus, vous auriez mieux compris les enjeux du sujet sur la représentation du Choeur.



Représentation du chœur dans les Bacchantes : conférence par Romain Piana et Aurélien Pulice, auteurs de l’ouvrage publié chez Canopé
-Pb du nombre de comédiens pour l’incarner: 15 ou un seul?
Dans l’ouvrage sur les Bacchantes publié par canopée : analyse métrique des passages du chœur, analyse de son traitement dans 5 mises en scènes marquantes.
Est-ce qu’on voit les Thébains/Thébaines ? ou seulement les Lydiennes compagnes de Dionysos pendant son périple en Asie.
1.      1. La cité de Thèbes : hommes/femmes
Barbares venus de Lydie/ Femmes envoyées par Dionysos sur le Cithéron 
Hommes:
Cité qui n’est pas initiée et qui doit voir le Dieu. Corps civique masculin à l’époque, femmes sans droits civiques. Légers anachronismes : transfert pour le public athénien spectateur du drame qui se joue devant eux : seuls Cadmos et Tirésias se convertissent maladroitement. Hommes spectateurs comme le public : ceux qui ont vu ce qu’ils ne devaient pas voir cf messager (1) : 2 visages des Bacchantes. Conciliabule sur ce qu’ils ont observé : donner la chasse aux Bacchantes, bergers thébains, déchainement d’Agavé.
Témoins oculaires de la honte de Penthée : « je souhaite que les Thébains rient de lui », humiliation publique. Vengeance du dieu// avec les spectateurs athéniens : double ridicule pour le guerrier viril qu’était Penthée (fiction/représentation)
Il faut que la ville de Cadmos voit la puissance du dieu. Initiation de Thèbes et d’Athènes : métathéâtral. Pas de présence des Thébains sur scène mais superposition avec le public qui athénien devient les Thébains. Abolir la frontière scène /salle.
cf Une mise en scène avec deux chœurs : femmes et hommes assis et muets disposés en u dans l’orchestra : Luca Ranconi en 2001 à Syracuse
2.       Thébaines : Cithéron hors scène, choeur = thiase,  connu par les deux récits des messagers.
 A la fin de la pièce exodos : débat pb du sens du mot" kommos", chœur qui pourrait s’adresser aux Thébaines 5ème stasimon » accueille ce cortège »  mais "komo"s : rencontre et réunion des deux chœurs à la fin de la pièce ?  cortège festif, didascalie interne, techniquement envisageable, personnages additionnels dans certains chœurs, plein de termes métathéâtraux ; chœur devant la statue du dieu dans la parodos du chœur lydien au début// fin avec chœur thébain mais peu probable.
Contre argument : messager qui ne parle que d’Agavé qui a laissé les Thébaines dans les montagnes, adresse pas forcément directe, KOmos chœur ne s’adresse qu’à Agavé, jamais question d’autres Bacchantes thébaines, allusion à la liturgie bachique : initiation d’une nouvelle venue dans un thiase/mystère,  
 Bacchantes qui acceptent d’accueillir Agavé= les lydiennes : sortie des personnages et du chœur. Pb du sens du mot komos qui peut désigner seulement Agavé cf recensement d’autres occurrences in Le Cyclope, Suppliantes, Phéniciennes, valeur ironique, emploi grinçant pour souligner l’horreur, poids des mots plus fort si Agavé est seule : ironie tragique. 
Chœur qui n’est plus dans la fête et la joie bachique mais dans le thrène, le deuil, confirmé par la métrique. Aucune mise en scène ne représente ce chœur thébain accompagnant Agavé.
Mais recherches sur le ménadisme du chœur lydien : choeur grec/choeur barbare, lydien/thébain, imposé/libre, duplicité qui montre le visage ambivalent de Dionysos.
Points de contact : désigné par le même mot : distinction Bacchantes/ Ménades
2 chœurs qui évoluent sur une même ligne : jusqu’au récit du messager pareil, les Thébaines mettent en pratique ce qui est dans la parados, 2nd récit pareil avant qu’elles voient Penthée. La profanation du mystère par les hommes métamorphose les Bacchantes en furies : sparagmos des bœufs//Penthée.
Le chœur lui aussi est plus sombre : chasse, vengeance : les Lydiennes vivent par procuration ce qui va se passer. 
Fin : compassion, thrène, plainte de Cadmos chacun montre une facette différente de Dionysos, entre deux subtil, ambivalence à conserver, pas d’opposition radicale donc dans les mises en scène. Komos : cortège /Kommos : chant alterné
Chœur des Lydiennes veut la mort de Penthée mais au moment de la reconnaissance tragique pleurent avec les Thébains, vivent la transe bachique et reviennent au réel . Tout est double et ambigu.
Dans les mise en scènes : ménadisme furieux/ régulé axe de lecture possible : prise en compte ou non de l’existence des 2 chœurs, réponses assez tranchées.
Quand on mélange les deux choeurs souvent adaptation qui s’éloignent d’Euripide. Ex Performance group 68, pas vraiment de chœur, public invité à participer, communauté extatique qui va accueillir Dionysos en pratiquant un sacrifice rituel de naissance et de mort. Sparagmos, deux Agavé qui mettent du sang sur leurs mains et se livrent à des simulacres de mise à mort, incitant toutes les femmes à participer. Dionysos porté en triomphe en sortant du garage pour les élections cf Unité de plaisir de Finley
Omar Porras : dimension fantasmatique du ménadisme, représente davantage les Bacchantes du Cithéron que les Asiatiques. 3ème stasimon confusion textuelle souvent sparagmos raconté et mis en scène, comédiens nus, diction saccadée, performance collective. Penthée joué par Porras qui regarde, Agavé qui surgit, actions mimées, magma, chorégraphie, tête qui sort du groupe, fondu enchaîné entre Lydiennes et Thébaines Agavé qu’on ne distingue pas du groupe joue aussi Dionysos : travestissement, musique brésilienne : Penthée émasculé, inversion de leur signe générique, construction d’une nouvelle entité qui sépare chœur et protagoniste, masculin/féminin.
Thébaines fictionnelles : plus proche d’Euripide, Lydiennes au plateau.
Fonction performative : spectacle, cultuel, fonction dramatique : adjuvantes de Dionysos qui veut reconquérir sa place à Thèbes. Ex dérèglement : projection virtuelle séparés à la Vernant,  Yohan Simons et Koelk ZT Hollandia au Kunstenfestival des arts sur le thème de l’interculturalité en flamand !
Traduction respectueuse d’Euripide : ensemble de musique syrien qui aurait des affinités avec la musique grecque, chœur musical des lydiennes, chants traduits en arabe : plénitude du sacré, musique au service du sacré, chœur doublé par les comédiens qui viennent parler en néerlandais le texte d’Euripide rapport très apaisé par le chant syrien et folie des thébaines : tremblements, agneaux entrain de naître, rideau et vêtement de laine, Dionysos la prend dans ses bras : deux modes de rapport à l’extase : question de l’étranger , de la foi, de la possession. Contamination progressive : cris, musique contemporaine

Fiche sur ce qu'il faut connaître de la tragédie grecque à apprendre!

mercredi 20 janvier 2016

la citation du jour par Elodie

"Regarder, c'est être peintre. Souffrir, c'est être poète. De l'union de la plastique et de l'âme on peut faire naître le plus bel art vivant intégral : le théâtre".
Henry Bataille

mardi 19 janvier 2016

sujet de bac sur le choeur dans les Bacchantes: remarques générales

Un sujet de bac à faire à la maison est l'occasion de réviser de façon approfondie un aspect du programme.

Lorsqu'on vous demande de vous projeter dans le rôle d'un metteur en scène, il faut s'appuyer sur du concret. En ce qui concerne le choeur des Bacchantes de quoi dispose un metteur en scène pour faire ses choix?
- de ce qu'il sait du choeur dans la tragédie grecque
- de ce qu'il sait du choeur dans la pièce les Bacchantes: qui est-il? quand apparaît-il? quand est-il présent? que dit-il? A qui? Comment? Comment réagit-il? se comporte-t-il?
Cela demandait que vous relisiez avec soin toutes les parties chorales de la pièce, les stasima, et que vous vous interrogiez sur les entrées et sorties éventuelles du choeur, sur sa présence constante ou non dans la pièce.
Nous avions évoqué l'ambivalence du choeur, les Lydiennes qui ont accompagné Dionysos dans son périple et qui viennent d'Asie ne sont pas les Thébaines envoyées dans le Cithéron par le dieu qui les instrumentalise dans sa vengeance contre les Thébains.
- de sa conception de la pièce ,de  son parti pris,  de ce qu'il cherche à dire avec sa mise en scène et la troupe, les comédiens dont il dispose.Du coup la sélection des 4 photos parmi les 10 aurait pu se faire en fonction de la vision que vous aviez de la pièce en tant que metteur en scène et offrir une certaine cohérence.

Je rappelle également que le devoir maison vise à enrichir la culture et à faire faire des recherches sur l'histoire de l'art quand les sources sont précisées.: qui sont les Dogons? Niki de Saint Phalle, Ensor, Matisse? Qu'est-ce que le mouvement hippy?
La description du document doit correspondre à la visée: recherche d'inspiration pour les bacchantes avec idée de mise en scène.

Le projet personnel, la propositions scénique demandait de détailler: le nombre de choriste, âge, sexe, costume, coryphée, rapport au corps, à la musique, mais il aurait peut-être fallu donner quelques exemples de mise en scène en fonction des moments de la pièce: entrée avec Dionysos par exemple, le quatrième stasimon, le retour d'Agavé pour ne pas rester dans des généralités.

Question de méthode: Attention à l'introduction: présentation de l'oeuvre, de la fable, de la problématique posée par le traitement du choeur dans cette pièce. On peut évoquer en intro et/ou en conclusion des solutions scéniques qui ont été trouvées par les grands metteurs en scène étudiés pour faire valoir son travail et sa culture.
La formule: "le choeur est au coeur" des Bacchantes que nous avons utilisée doit être explicitée pour un correcteur qui n'a pas suivi notre travail.
L'orthographe des mots rencontrés grâce à l'étude de la tragédie doit être correcte: choeur, coryphée, transe, thyrse etc, ( à suivre)
article intéressant à parcourir
Pour ceux qui ont priviligié une image des Bacchantes "africaine", sachez que Wole Soyinka, un auteur nigérian a réécrit les bacchantes d'Euripide en se fondant sur la mythologie Yoruba. lire un extrait de l'ouvrage Les tragédies grecques sur la scène moderne.

citation du jour de Laura

"La vie est pièce de théâtre : ce qui compte, ce n'est pas qu'elle dure longtemps, mais qu'elle soit bien jouée." Sénèque

vendredi 15 janvier 2016

Par-Dessus bord et Mai 68

 Par dessus bord » et mai 68

Roger Planchon avait créé Par dessus bord en mars 1973. Trente-cinq ans après, on referme avec la même œuvre. Ça me semblait important car le soir de la dernière, ce sera le dernier salut au plateau du TNP tel que vous l'avez connu depuis 1972. Ensuite, le théâtre sera en travaux et débutera une période hors les murs ; on sera tous “par dessus bord” annonçait Christian Schiaretti en présentant sa dernière mise en scène pour cette pièce qui clôt un cycle et réunit trente six acteurs dont beaucoup ont eu des liens étroits avec le TNP, ou avec Chaillot sous Vitez.
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La pièce avait été montée par Planchon dans une version courte. Schiaretti s’attaque à l’intégrale soit six heures d’un spectacle qui propose à travers l’évolution d’une petite entreprise de papier toilette, le tableau d’un monde en train de basculer. Le moment est choisi, cette épopée du capitalisme, cette geste de la marchandisation de la société fut écrite par Michel Vinanver, PDG lui-même de Gilette-France, entre 1967 et 1969 ; elle est donnée aujourd’hui quarante ans plus tard, en pleine fièvre commémorative de mai 68.capitalisme.1206568956.gif
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"Vous finirez tous par crever du confort"
"Consommez plus, vous vivrez moins"
"À bas la société de consommation"

"À bas la société spectaculaire-marchande"
criaient les murs de mai.

Pourtant les valeurs changaient, une nouvelle société surgissait, celle-là précisément qui était combattue à coups de pavés par les étudiants dans la rue, avec son idéal de bien-être et de profit, ses stratégies de pouvoir, ses méthodes de marketing, sa foi naïve dans le progrès, son rêve enchanté de bonheur par la consommation. par-dessus-bord-1.1206552817.jpg
Et si l'on s’amuse à voir les locaux vieillots se transformer en bureaux pop dans le pur style 70, le patron s'extraire d'un fauteuil en sky blanc ovoïde et les jeunes loups carnassiers s’habiller de petits costumes de velours brun bien étriqués, on est saisi de voir naître à ce moment précis, sur les illusions libertaires, le monde qui sera le nôtre, libéral et capitaliste, avec en germe tous ses effets pervers. On peut imaginer dit Schiaretti, planant au dessus de Par dessus bord, les avions du 11 septembre attendant leur cible. On imagine. En admirant la puissance, la précision et la maîtrise avec lesquelles il a su traduire l'œuvre de Vinaver, brillant metteur en scène lui-même de l'univers contemporain.

Et en rappel du rassemblement qui déboucha en 68 dans les mêmes lieux sur la Déclaration de Villeurbanne, trois jours de rencontres et de débats sont programmés les 22, 23 et 24 mai, à la veille de la phase de rénovation et de refondation artistique annoncées. Pour interroger la situation actuelle du théâtre public avec cette question : “40 ans après qu’en est -il ?"
(photos Christian Ganet)
sources: http://chosesvues.blog.lemonde.fr/category/carnets-de-theatre/

Par-Dessus bord: interview sur la conception du capitalisme



Un capitalisme héroïque et euphorique
Le capitalisme, système excrémentiel

Gérald Garutti  La société de consommation est également une société de déjection. On produit et on rejette.

Michel Vinaver Le capitalisme se régénère constamment, en jetant, en se libérant de ses propres déchets, en faisant sa toilette. Il va aux toilettes et en sort en meilleure forme. Il a inventé des formes d’auto-régénération. Les entreprises meurent aussi. Pourquoi ? Parce que d’autres les poussent dehors. Une entreprise puissante s’engourdit et
devient victime de jeunes ayant l’énergie que l’autre a perdue. Ce système a à voir avec le système excrémentiel. Mais il est plus dynamique qu’un organisme vivant. L’éjection, la déjection font partie du cycle de la vie.

G. G :. Le système se purge en permanence. Jeunesse perpétuelle du capitalisme

M. V. Et il rajeunit sans cesse. Microsoft a damé le pion à IBM, Google dame le pion à Microsoft. C’est une chaîne sans fin, qui montre l’éternelle jeunesse du système. La décrépitude est toujours en cours, mais s’accompagne de croissance. Les mythologies traditionnelles comportaient des cycles d’éternel retour, donc des moments de régénération et de succession. Aujourd’hui, la succession semble se faire sans arrêt.

G. G. Le capitalisme porte la dévoration permanente. Un produit chasse l’autre. Le présent l’emporte sur le passé. Pas de primat de l’ancienneté.

M. V. Ce qui n’empêche pas le passé de devenir un objet de consommation, par la commémoration. Le passé aussi peut servir à ça.

L’avancée perpétuelle
G. G. Que reste-t-il du capitalisme ?

M. V.La capacité à créer des richesses quand un abîme se creuse. Le capitalisme est mouvant, paradoxal

G. G. Si, comme le suggère votre titre  Par-dessus bord, le capitalisme est un paquebot, dans quelle direction va-t-il ?

M. V. Il n’a pas besoin de direction. C’est métaphysique. Il se constate comme le mode de fonctionnement sans destination autre que lui-même.

G. G. Il est sa propre fin. Sa finalité, c’est son processus.

M. V. Avec une croissance zéro, le capitalisme ne peut survivre. La croissance est dans son essence.

G. G.C’est le système du « toujours plus ».

M. V. Oui, toujours plus, sinon je sombre. Cela ne s’explique pas au niveau d’une rapacité. C’est inscrit dans les gènes mêmes du système.

Le capitalisme héroïque
G. G.Quelle transformation du capitalisme se joue dans la pièce ?

M. V. Par-dessus bord raconte un moment particulier de l’histoire du capitalisme : la découverte d’une réponse aux besoins limités  par la stimulation de désirs, qui, eux, sont illimités. Le marché est donc beaucoup plus large que ce que l’on pensait. Naît alors le marketing – la création de richesses par l’appel à l’imaginaire. Ce moment-là,  je l’ai toujours associé à l’épopée homérique. L’Iliade chante l’absence  de limites à la fureur et au plaisir de la guerre. Même si l’on meurt beaucoup, il n’y a pas la peur de la mort. C’est un peu pareil dans Par-dessus bord . Il y a une espèce d’enivrement de l’action. L’opération de délestage, de rejet des acteurs du système, n’est pas ressentie  comme douloureuse. C’est un moment du capitalisme qu’on peut appeler héroïque. Avec enivrement, ce système découvre sa capacité à progresser,à faire émerger les désirs comme force économique.

Le capitalisme désenchanté
G. G.Comment a évolué le capitalisme depuis Par-dessus bord?

M.V. Il n’y a plus cette jubilation. Il s’est stratifié et sédimenté. Il y a des spécialistes. On sait faire, on n’est plus dans ce tissu affectif,  cette émotion, cette vibration. On est dans la délocalisation. Il n’y a plus d’attachement, ni géographique, ni affectif, plus de rapport physique  avec la production.
On travaille à distance. Ce qui se faisait à côté de moi se fait désormais à l’autre bout du monde. Il n’y a plus de sentiment d’appartenance, de fidélité à l’entreprise. Aujourd’hui, quitter une entreprise ne pose plus aucun problème, alors que c’était un déchirement. C’est une mutation importante. Le monstre s’est beaucoup refroidi.

Le marketing : le désir comme valeur
G. G.Par-dessus bord illustre la révolution du marketing. Les désirs étant illimités, le marché est illimité. Dès lors, tout n’est qu’affaire d’inventivité. Là intervient le marketing : dans l’invention de nouveaux désirs. Avec, à l’appui, un postulat anthropologique : l’homme est un être de désir sans fin. De là se déclenche l’apparition de nouveaux produits,
donc de nouveaux besoins, etc. Le paraître l’emporte sur l’être. L’image imprimée sur l’objet prime sur l’objet. Qu’a apporté le marketing ?

M. V. L’exploitation de la découverte de l’inconscient. Ça a été juteux. Ça a informé les créatifs des agences de publicité. Le marketing découvre aussi, à tous les niveaux de la distribution, le cadeau, cette caresse
tendre. Le plaisir, le gratuit sont introduits dans l’action commerciale.  On met au jour les fibres qui peuvent être actionnées pour augmenter  les flux des marchandises. Ce qui semblait être structuré pour toujours peut être relativisé. Jusqu’aux valeurs qui sont mises en vibration  par le marketing.

Bulles spéculatives
G. G.Il est une machine à créer de la valeur, l’impression de valeur
.
M. V. Il invente une valeur et elle se réalise. La richesse s’accroît.  On ne peut donc dire qu’il s’agisse d’un fantasme ou d’une imposture.

G. G.Mais le marketing joue comme une bulle spéculative. La spéculation (l’élaboration «conceptuelle») provoque une inflation  qui vient se surajouter au produit. Le produit, avec son petit corps matériel, se voit pourvu d’une grande aura (bulle), née du travail spéculatif  du marketing.

M.V. Oui, le produit, c’est plus que le produit. C’est exactement ce que dit Benoît dans Par-dessus bord.

Deuxième entretien, Capitalisme, octobre 2007